Cette année 2011 a toutes les caractéristiques d’une année de transition. Mais c’est aussi l’année où entre en vigueur un certain nombre de textes : RT 2012, Eurocodes, dématérialisation (phase 3), fin de l’ingénierie publique concurrentielle, etc. Et puis, il faut tenir compte de la jurisprudence récente. Autant de considérations qui doivent inciter les praticiens à prendre dès maintenant de bonnes résolutions. Voici celles que nous avons recensées pour 2011 :
payer vraiment dans les trente jours
Payer dans les 30 jours est désormais une obligation, sauf pour les établissements publics de santé (hôpitaux) et les établissements médico-sociaux, dont le délai de paiement reste fixé à 50 jours. Ce délai est le délai dans lequel l’entreprise doit être effectivement payée, et non pas le délai d’instruction de sa facture… Avis aux ordonnateurs. Payer dans le délai imparti n’est pas seulement une contrainte qui suppose une bonne organisation, c’est l’intérêt même des finances publiques. Payer dans les délais, cela évite d’avoir à régler des intérêts moratoires qui peuvent peser lourdement sur la trésorerie. C’est donc une mesure de bonne gestion. Naturellement, cela va aussi faciliter les relations quotidiennes avec les entreprises. Et un acheteur public qui a une bonne réputation sur ce point suscitera plus facilement des offres concurrentes, ce qui aura mécaniquement un effet sur les prix. C’est donc la première bonne résolution à prendre pour 2011.
ne plus utiliser les anciens formulaires DC
Les habitudes ayant la vie dure, on peut supposer, avec une faible marge d’erreur, que les acheteurs publics et les opérateurs économiques continuent, pour un certain nombre d’entre eux, à utiliser les anciens formulaires du Cerfa : DC4, 5, 6, etc. Or, ces formulaires ont été renouvelés cette année et, d’ailleurs, ils ne portent plus les mêmes numéros. Imposer des formulaires est légal, mais imposer l’usage de formulaires qui n’existent plus pourrait être source de contentieux. La deuxième bonne résolution pour 2011, c’est donc de reprendre tous les dossiers de consultations (DCE), tous les fichiers qui utilisent ces formulaires et de les remplacer par les nouveaux. Et de mettre les anciens à la poubelle. Ainsi, plus de risque d’erreur.
ne plus exiger l’utilisation de produits locaux
Contrairement au vœu de la plupart des élus locaux, un pouvoir adjudicateur ne peut en aucun cas exiger des entreprises l’utilisation de produits locaux pour l’exécution de ses marchés. On savait que l’acheteur ne pouvait limiter la concurrence aux seules entreprises locales, ni bien sûr favoriser ces dernières dans l’attribution des marchés. De même, l’acheteur public ne pouvait exiger d’une entreprise titulaire d’un marché qu’elle fasse appel à un sous-traitant local (CE, 29 juillet 1998, « Commune de Léognan », Rec. tables, p. 1017). Mais il y a plus : un acheteur public ne peut pas non plus exiger des entreprises titulaires de ses marchés qu’elles se fournissent localement. La seule chose qu’on puisse exiger, c’est par exemple une appellation contrôlée pour un produit alimentaire (AOC), ou encore le respect de quantités d’émissions de CO2 ou un délai d’intervention, pas plus.
adapter les cahiers des chargesaux nouvelles normes
Depuis quelques années, on passe son temps à se mettre aux normes ; c’est la rançon du progrès. Et c’est la même chose dans les marchés publics. En 2011, il va donc falloir vérifier tous les cahiers des charges pour les adapter aux nouvelles normes (au sens large) qui vont voir le jour : Eurocodes, normes parasismiques, accessibilité, ascenceurs (à prévoir), normes issues du « Grenelle », etc. Plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de décrets et d’arrêtés d’application du « Grenelle » sont attendus dans les mois ?à venir.
ne pas oublier l’avis d’attribution
Oublier de publier un avis d’attribution est un risque que prennent, consciemment ou non, des milliers d’acheteurs publics. Ils ont tort. Si la procédure ne peut pas a priori être remise en cause, puisqu’à ce stade elle est achevée, les marchés qui en découlent vont pouvoir – eux – être attaqués sans limite de temps. Et si jamais un concurrent s’avise au bout de quatre ou cinq ans qu’il aurait dû remporter l’appel d’offres, il pourra attaquer directement le marché avec quelque chance de succès. Le risque pour les travaux de bâtiment, c’est la perte de la garantie décennale attachée au marché : plus de marché, plus de garantie. Au-delà du risque pénal toujours possible, c’est surtout le risque financier pour la collectivité publique qui est en jeu.
recenser la passation des marchés
En 2011, il ne faut pas oublier de recenser la passation des marchés. Il s’agit d’une obligation pour les pouvoirs adjudicateurs. Certes, nous dira-t-on, l’acheteur public ne prend guère de risque à ne pas s’y soumettre. Mais connaître l’état de la passation des marchés en France est extrêmement important pour mesurer l’intérêt et l’utilité des réformes, notamment au niveau européen. Et la France aura du mal à défendre ses positions à Bruxelles si elle ignore le nombre de marchés qu’elle passe chaque année. Allez, un bon geste !
prendre en compte le développement durable
C’est l’article 5 du Code qui l’impose : il faut prendre en compte les objectifs du développement durable dans la définition des besoins. Il est difficile de résumer ici tout ce que cela implique, mais il s’agit d’une réflexion globale qui inclut les volets économique, environnemental et social.
penser à tester les formules de variation de prix… et à les utiliser
La rédaction des formules de variation de prix dans les marchés publics est le règne du « copier-coller ». C’est justement ce qu’il ne faut pas faire. La clause de variation des prix est la clause la plus importante du marché, puisqu’elle engage les finances publiques sur la durée de celui-ci. Chaque marché doit donc disposer d’une formule appropriée, par actualisation ou par révision selon les cas ; avec ou sans partie fixe ; avec ou sans intervention de plusieurs indices ou index. La règle d’or, c’est que la formule doit correspondre à l’objet du marché. On n’utilise pas l’indice BT 06 « Béton armé et génie civil » pour l’achat de prestations informatiques (ça s’est vu !). Par ailleurs, il faudrait tester les formules de variation de prix avant de les utiliser. Pour ce faire, on peut extrapoler à l’aide des indices antérieurs connus. La projection ne sera pas parfaite, mais elle peut donner une tendance. (Tous les indices-index sont accessibles sur le site www.lemoniteur.fr ; ils sont assortis d’une définition et de toutes les explications nécessaires à leur utilisation.) Enfin, il ne suffit pas d’avoir rédigé avec soin la ou les clauses de variation de prix si l’on oublie de s’en servir ! Pour chaque marché, il faut prévoir dans son agenda les dates auxquelles ces variations vont intervenir. L’objectif est ici de vérifier la bonne application du marché au fur et à mesure de son exécution.
ne pas utiliser le profil d’acheteur comme support de publicité
Le profil d’acheteur est obligatoire pour tous les achats supérieurs à 90 000 euros hors TVA. Ce profil est en fait la plate-forme de dématérialisation de l’acheteur public. C’est l’endroit où il propose au téléchargement le dossier de consultation des entreprises (DCE) et désormais un exemplaire de l’avis d’appel public à la concurrence (AAPC). Toutefois, la mise en ligne du fichier Word ou PDF de l’AAPC sur le profil ne saurait être considérée comme équivalente à une publication telle qu’elle est exigée par le Code des marchés publics (art. 40). La publication au JOUE, au BOAMP, dans un support de presse spécialisée et/ou d’annonces légales demeure obligatoire. Même en dessous des seuils, la mise en ligne sur le site de l’acheteur ne peut être regardée comme une publication, car on ne connaît pas la date réelle de mise en ligne (calcul des délais impossible), on n’a aucune certitude sur l’intégrité de l’avis pendant le temps de la consultation, et encore moins sur l’audience qualifiée du site. Et puisqu’on en est à évoquer les AAPC, il convient de rappeler que la mention de la soumission ou non du marché à l’accord multilatéral sur les marchés publics (AMP) reste obligatoire pour les marchés dépassant les seuils communautaires. Certes, la décision « Smirgeomes » (CE 3 octobre 2008) a pu faire croire que cette mention était devenue facultative ; ce n’est pas le cas. Cette mention demeure obligatoire, mais l’entreprise qui voudrait se plaindre d’une erreur ou d’une absence de mention devra démontrer en quoi cette erreur ou omission l’a lésée, ou en quoi elle était susceptible de la léser. Nuance.
rédiger un règlement de consultation sans faille
Au titre des bonnes résolutions pour 2011, rappelons quelques évidences qui ne sont pas... évidentes pour tout le monde :
ne plus utiliser de critères qui laissent à l’acheteur une liberté discrétionnaire, ni de critères du type « conformité de l’offre au cahier des charges » (car toutes les offres doivent être conformes, par définition) ;
ne plus utiliser de critère qui désignerait à l’avance la seule entreprise capable de le satisfaire ;
ne plus utiliser inconsidérément la dérogation qui permet de ne pas allotir l’opération ;
ne plus calculer les seuils marché par marché, mais le faire achat par achat.
penser à la dématérialisation
Naturellement, en cette année de transition, il ne faut pas oublier la dématérialisation. A ce titre, on rappellera que tous les achats informatiques supérieurs à 90 000 euros sont désormais soumis obligatoirement à la dématérialisation.
De même, l’acheteur public doit offrir la dématérialisation comme modalité de réponse pour les marchés conclus à l’issue d’une procédure formalisée (au 1er janvier 2012, il faudra offrir cette possibilité dès 90 000 euros).
préparer la fin de l’ingénierie publique concurrentielle
Dernière résolution, surtout pour les communes : il faut préparer la fin de l’ingénierie publique concurrentielle au 31 décembre 2011. A partir du 1er janvier 2012, l’Etat n’interviendra plus au profit des communes, si ce n’est dans le domaine réservé de l’Atesat (prestations liées à la solidarité territoriale). Il va falloir conclure de nouveaux marchés avec des bureaux d’études techniques.
