"15 euros par jour. Il est nécessaire de s'inquiéter" par Philippe Vignaud, architecte-urbaniste

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Le dispositif "propriétaire de ma maison pour 15 euros par jour" a été officiellement lancé le 15 avril par Christine Boutin. Il est nécessaire de s’en inquiéter.

Sans cesse, d’une manière lancinante, les édiles libéraux de notre pays croient juste et bon de relancer l’idéologie de la maison individuelle, comme modèle culturel ultime et comme outil de rédemption de la ville. Jean Louis Borloo avait lui aussi succombé aux sirènes de la déraison en promouvant en son temps cet archétype néo-giscardien de la "Chalan-donnette". Passé du Ministère du logement à celui du développement durable, il a judicieusement mis sous le boisseau cette solution miracle, qui fut fort opportunément un échec cuisant.

Pourquoi la maison à 15 Euro est-elle une grossière erreur ?

En premier lieu, en totale contradiction avec le Grenelle de l’Environnement qui prône enfin la ville compacte, la maison comme substitut au logement collectif se révèle être une aberration. Par principe économique sur des terrains peu chers, donc fort éloignés des villes, leur implantation périphérique concoure largement à l’extension des zones urbanisées avec la cohorte de gaspillages : celui des espaces agricoles ou naturels, de la voirie à outrance et des réseaux, des temps de transports, de pétrole pour les véhicules et dans les produits bitumineux...

En second lieu, c’est à un peu plus d’émiettement du corps social que conduit l’extension horizontale des villes. Loin des services et des facilités des centres urbains, les acquéreurs se retrouvent seuls face à leurs difficultés. Car après 23 années de remboursement de la maison, viendront les 15 années de paiement du terrain. Que représentera demain cet investissement à la fois lourd et fragile pour les familles, à contresens historique ? Que survienne le moindre grain de sable et nous avons là le ferment des copropriétés horizontales dégradées de demain.

Deux Français sur trois propriétaires de leur maison ! Faut-il pour des raisons idéologiques prendre ces risques de fragmentation du corps social et de dégradation de l’environnement ?

Or nous savons aujourd’hui produire des alternatives au tout collectif ou au tout pavillonnaire. Le concept de "villas urbaines durables" associe des maisons groupées et des petits collectifs. Dans les deux cas, nous multiplions les possibilités d’accession à la propriété et de locatif libre ou social, en site urbain proche des services publics, avec tous les attributs du développement durable, compacité de la ville, bonne gestion de l’eau et utilisation des énergies renouvelables.

Un nouvel échec retentissant de cette politique à 15 euros serait, pour notre collectivité nationale, l’issue salutaire.

Philippe Vignaud est architecte - urbaniste associé de l’agence RVA. Il est l'auteur de "La Ville ou le Chaos", à paraître courant mai 2008 aux Editions Non Lieu.

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