Comment pourriez-vous qualifier votre budget au moment où les craintes dans le secteur du BTP ne sont pas toutes dissipées ?
jean-claude gayssot. Franchement, obtenir un budget de 160 milliards de francs, en progression de 3,2 %, si l'on compte l'apport des fonds spéciaux et la dotation de RFF, ce n'est pas si mal. Cependant, il est vrai qu'il existe des craintes dans le BTP et, pour les routes par exemple, je n'ai pas pu rattraper les retards accumulés.
Bref, je dirai que 1999 sera une année charnière. D'une part parce que c'est l'année de la discussion des contrats de Plan Etat-région qui seront étalés sur sept ans (2000-2006), ainsi que des schémas de service inscrits dans le cadre de la loi d'aménagement durable du territoire et, d'autre part, parce que va se préparer la présidence française de l'Union européenne, en l'an 2000.
C'est donc durant cette période que se décideront les prochains grands équipements dont la France a besoin. En effet, je ne suis pas de ceux qui pensent que la France est trop équipée. A mon sens, le progrès durable doit s'accompagner de nouveaux équipements, d'autant qu'ils sont également porteurs de réalisations à l'étranger.
Mais où en est la situation aujourd'hui, ce qui est lancé va-t-il se traduire par un « moins » ?
Sur les autoroutes concédées, nous en sommes à 1000 km de sections en travaux, plus 200 à 300 km d'autoroutes non concédées. De plus, les crédits routiers augmentent de 6 % pour les travaux d'entretien-réhabilitation, qui bénéficient d'un meilleur ratio en termes d'emploi. Pour ce qui concerne le TGV Est et le TGV Rhin-Rhône, les grandes décisions ont été prises. Les études se poursuivent sur Seine-Nord, le chantier des pistes de Roissy avance et, avec nos voisins européens, nous discutons sur les traversées alpines.
Pour ce qui est du bâtiment, je tiens à rappeler une mesure qui n'était pas facile à prendre et dont nous nous sommes dotés pour soutenir l'activité : la baisse du taux du Livret A, qui a été inférieure à la baisse de l'inflation. Cette mesure aboutit à diminuer l'endettement des organismes HLM d'environ 15 milliards de francs. Cela se traduit aussi par la reconduction d'un bon volant de PLA (prêt locatif aidé). De plus, nous avons pérennisé le 1 % logement, ce qui n'était pas évident. Au final, tout cela doit contribuer à instaurer la confiance dans le secteur de la construction.
Qu'en est-il du viaduc de Millau et de son calendrier ?
Pour qu'on puisse livrer dans les temps la RN 75 dans sa continuité, j'ai décidé de sa mise en concession. Le projet n'est absolument pas remis en cause, mais la concession suppose une nouvelle enquête publique qui va être lancée dans les prochaines semaines et durera quelques semaines. Il n'y a donc pas un décalage de deux ans comme certains se plaisent à le dire.
Où en est le dossier de la loi d'aménagement du territoire ?
Ce projet de loi s'accompagne de l'élaboration de huit schémas de service collectif. Pour les deux qui me concernent, les schémas de service transports fret et voyageurs, c'est enclenché. J'ai écrit aux préfets de région qui doivent remettre leur copie dans les six mois à venir.
N'y a-t-il pas un risque de contradiction entre le calendrier de cette loi et celui de la préparation des prochains contrats de Plan ?
Même si les discussions sur ces deux dossiers comporteront des avis forcément contradictoires, je ne suis pas inquiet. Les schémas de service doivent servir à mettre à jour des choix de société. Nous devrons assurer la cohérence entre cette planification et la programmation des contrats de Plan.
Qui du ministère des Transports ou de l'Environnement tranchera ?
Par rapport aux multiples aspirations des élus, il faudra arbitrer à tous les niveaux, regarder les cohérences au plan régional et supra régional. Ces schémas de service sont un exercice novateur qui mérite encore d'être plus travaillé. Mais le couperet, ce sera aussi la question du financement de tous ces équipements. Pour les équipements destinés à durer 20 ans et au-delà, nous ne pourrons pas éviter la question du volume et du rythme d'investissement.
Enfin, si la concertation est indispensable, arrive le moment où il faut décider. Sur les pistes de Roissy, j'ai réussi à faire tenir ensemble les intérêts de l'aviation civile, l'intérêt de l'emploi et le souci de ne pas accroître les nuisances. On se trouvera dans la même situation avec ce dossier et je suis de ceux qui militent pour que l'on prenne en compte les coûts liés aux externalités. C'est pour mettre à plat toutes ces questions, pour que l'on réfléchisse mieux, également, aux relations entre transports et urbanisme, que je vais lancer prochainement un grand débat national sur les transports.
Où en êtes-vous de la réforme du financement des routes ?
C'est une question très complexe. Nous négocions actuellement avec Bruxelles pour bien tenir compte de la nouvelle réglementation sur les concessions et les directives travaux. L'objectif n'est pas le désengagement de l'Etat. Encore moins de privatiser la route. En clair, nous ne créerons pas d'établissement public ou de Routes de France. Mais notre but est de rééquilibrer secteur concédé et secteur non concédé et de respecter les engagements pris par les précédents gouvernements vis-à-vis de l'Europe. Ceci, afin d'éviter que ne se reproduisent les errements de type A86 Ouest. Je rappelle que les décrets d'A86 Ouest ont été signés par le précédent gouvernement.
Quelles autres réformes vous tiennent à coeur ?
Côté SNCF, nous entrons dans la phase de négociations pour la mise en place du Conseil supérieur du service public ferroviaire qui devra garantir l'unicité du système. Parallèlement, nous négocions à Bruxelles pour résister à la proposition de libéralisation du fer et de concurrence intramodale. Que ceux qui veulent le faire, le fassent. Mais nous sommes pour une coopération entre les réseaux. La Belgique, le Luxembourg, l'Italie et l'Espagne nous appuient. Avec eux, nous faisons la démonstration qu'en coopérant, nous réussissons à mettre des millions de tonnes de fret sur le rail.
Et sur la filière portuaire ?
Notre action s'inscrit dans le cadre des décisions prises lors du conseil interministériel de la Mer. Il s'agit de renforcer l'hinterland des ports, d'améliorer leurs dessertes ferroviaires et routières. Là encore, je constate qu'au cours des cinq dernières années précédant notre arrivée, les investissements sur les ports avaient chuté de 40 %.
Etes-vous favorable au projet Port 2000 du Havre ?
Dès la semaine prochaine, je rendrai mon avis, puis le dossier passera en réunion interministérielle. Pour Port 2000, je me place dans l'optique d'une décision à quatre mois et mon avis sur ce projet est tout à fait positif car je ne me résigne pas à voir les trafics se détourner vers les ports du Nord. D'ailleurs, l'an dernier, le Havre a vu son trafic global progresser de 15 %, soit près du double de la moyenne nationale.
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«Il est vrai qu'il existe des craintes dans le BTP et, pour les routes, par exemple, je n'ai pas pu rattraper les retards accumulés.»