2. Contrats de partenariat et partage de la maîtrise d'ouvrage

Construction -
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Les formules contractuelles utilisées dans les contrats de partenariat ont profondément modifié le rôle de la maîtrise d'ouvrage. Les constructions sont réalisées par un partenaire privé, les équipements lui étant en principe destinés. La maîtrise d'ouvrage n'est donc plus dans le camp du partenaire public. C'est ce renversement qui provoque un véritable renouvellement du rôle du maître d'ouvrage public.

Équipement public, maîtrise d'ouvrage privée

Un transfert intégral

L'ordonnance du 17 juin 2004 organise un transfert complet de la maîtrise d'ouvrage au profit du partenaire privé. En posant comme principe que le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser, la position du maître d'ouvrage publique est verrouillée. Elle ne saurait, en principe, être aménagée. La collectivité n'a plus de compétence forcée pour diriger et conduire des actions de construction. Au regard du contexte jurisprudentiel, on peut même en conclure que la séparation des compétences doit être assurée strictement. Le Conseil d'État a admis que les pouvoirs publics pouvaient sortir du cadre de la pour réaliser des équipements publics, mais à la condition que l'utilisation de montages complexes ne soit pas constitutive d'un détournement de procédure visant à exclure l'application des principes de mise en concurrence.

Un transfert strict

Dès lors que la personne publique n'a plus compétence pour diriger et conduire l'opération, le contrat qui contiendrait des clauses permettant à celle-ci de s'octroyer un pouvoir exclusif de définition ou de contrôle du projet encourt la critique. L'affaire SA Sofap-Marignan Immobilier et autres, (Conseil d'État, 25 février 1994, n° 144641) en est l'illustration. En l'espèce, un bail emphytéotique était exposé à une requalification, l'État ne pouvant être maître d'ouvrage, alors même qu'il avait fourni au constructeur des éléments de programme correspondant à ses besoins. Cela revient à exclure la personne publique au stade de la conception, en laissant le soin à la personne privée de réaliser le programme fonctionnel de l'équipement en cause. La collectivité peut intervenir, mais elle doit le faire en marge de la maîtrise d'ouvrage et limiter son rôle à l'exercice des prérogatives de puissance publique qui lui sont reconnues dans le cadre de contrats administratifs.

Dans les contrats de partenariat, le transfert de la conception et de la réalisation au profit du partenaire privé est la caractéristique, voire l'intérêt le plus marquant des PPP. C'est sur ce point que le Conseil constitutionnel a d'ailleurs estimé qu'il fallait considérer le contrat de partenariat public-privé comme dérogatoire au « droit commun de la commande publique » (Conseil constitutionnel, 26 juin 2003, déc. n° 2003-473 DC, loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit). En recourant à un PPP, l'administration devient l'utilisateur final des ouvrages réalisés, mais elle en perd en principe la maîtrise d'ouvrage. Sauf à ce qu'elle puisse s'immiscer en amont, dans des limites très précises.

Équipement public, maîtrise d'ouvrage partagée

Les architectes, les professionnels de la maîtrise d'œuvre et les représentants des entreprises du second œuvre ont vivement critiqué la réforme du contrat de partenariat, qu'ils jugent inéquitable, à la fois du point de vue des PME, mais aussi au regard de la spécificité de la fonction de maîtrise d'œuvre. Ils ont obtenu de la part du législateur que la conception des ouvrages ne soit pas forcément considérée comme relevant du titulaire du contrat de partenariat. Et dès lors qu'elle n'en relève pas exclusivement, que la collectivité puisse conserver un rôle clef dans le choix du maître d'œuvre.

Trois degrés de partage

La loi du 28 juillet 2008 relative au contrat de partenariat maintient la faculté, pour le cocontractant public, de prendre en charge tout ou partie de la conception s'il le souhaite. Plusieurs hypothèses se distinguent.

1. La collectivité désigne le concepteur suite à une procédure de concours

Le concepteur ainsi désigné exécutera une mission de base de type . La conception est donc sous le contrôle direct du partenaire public. Ce scénario détourne quelque peu la substance du contrat de partenariat. En effet, la personne publique s'immisce très largement dans la maîtrise d'ouvrage des travaux. Elle conclut le marché de maîtrise d'œuvre sur la conception, le suivi et l'exécution des travaux. Elle assure la gestion du contrat. Enfin, elle soumet le chantier à l'autorité du maître d'œuvre avec qui elle entretient une relation contractuelle. Si cette solution paraît étonnante, on la réservera cependant à des situations dans lesquelles la collectivité souhaite conserver une maîtrise complète sur l'architecture de l'équipement.

2. La personne publique désigne le maître d'œuvre, qui n'assurera qu'une partie de la mission de base

Il poursuivra sa mission au côté de la personne publique à titre de conseil. Le conseil se contente de suivre l'exécution des travaux, sans exercer une quelconque direction technique des actions de construction, et en se limitant strictement à la conception de l'ouvrage. Un autre concepteur, sélectionné par le partenaire privé, poursuit la mission de maîtrise d'œuvre. Là encore, cette hypothèse, juridiquement exacte, ne manquera pas de poser des problèmes de coordination entre la maîtrise d'œuvre de la personne publique et celle du partenaire privé. On en viendrait presque à recommander la nomination d'un architecte coordonnateur désigné après la constitution d'un groupement de commandes entre les deux partenaires, mais l'intérêt du contrat de partenariat finira par être débattu.

3. Le concepteur, sélectionné sur concours, n'exécute qu'une fraction de la mission de base

Le concepteur, sélectionné sur concours par la personne publique, n'exécute qu'une fraction de la mission de base, du type , pour le compte de celle-ci. C'est ensuite ce même et unique maître d'œuvre qui poursuivra sa mission pour le compte du partenaire privé. Pour la personne publique, cette hypothèse revient à imposer son maître d'œuvre au partenaire privé. L'hypothèse semble difficile en pratique. Elle revient à imposer au partenaire privé une obligation dont le contenu n'est pas déterminé au stade de la conclusion du contrat de partenariat.

Équipement public-privé, maîtrise d'ouvrage partagée

La vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) fait partie des contrats complexes dans lequel un partenariat entre un promoteur privé et une personne publique se noue au profit de la construction d'un équipement mixte. Rappelons que la Vefa est le contrat par lequel « le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux ».

L'intérêt pour les personnes publiques de recourir à la Vefa est double : saisir les opportunités qui s'offrent parfois à elles de s'insérer dans un projet immobilier conçu par un promoteur privé et opérer un transfert complet de la maîtrise d'ouvrage au profit du partenaire privé. Ce transfert s'opère d'ailleurs jusqu'à la réception de l'ouvrage. Clairement conçu pour écarter les procédures spécifiques prévues par la , ce montage contractuel n'exclut pas d'associer la personne publique à la maîtrise d'ouvrage, dans la définition du besoin par exemple. Le Conseil d'État, dans son arrêt - fondateur en la matière - Région Midi-Pyrénées du 8 février 1991 (n° 57679), confirmé par un avis du 31 janvier 1995 (n° 356960), a tenu à rappeler « qu'aucune disposition législative n'interdit aux collectivités publiques de procéder à l'acquisition de biens immobiliers en utilisant le contrat de vente en l'état futur d'achèvement prévu à l' ». Cependant, toujours selon le Conseil d'État, « lorsque l'objet de l'opération est la construction même pour le compte d'une collectivité d'un immeuble entièrement destiné à devenir sa propriété et conçu en fonction de ses besoins propres », cette collectivité ne peut légalement recourir à la Vefa et doit passer par la voie classique du marché de travaux (arrêt du 8 février 1991 susvisé).

Dans le cadre de la réalisation d'un équipement public, le recours à la Vefa n'est donc possible que si l'opération porte sur « une partie » de l'ouvrage, afin d'éviter que la conclusion d'une Vefa ne soit entachée de détournement de procédure, c'est-à-dire n'ait pour objet d'éluder l'application du code des marchés publics et la . Récemment, le Conseil d'Etat a confirmé cette restriction. Par un arrêt du 14 mai 2008, (Communauté de communes de Millau-Grands Causses, n° 280370), il est rappelé que, si aucune disposition législative n'interdit aux collectivités publiques de procéder à l'acquisition de biens immobiliers au moyen de contrats de vente en l'état futur d'achèvement, elles ne sauraient recourir à de tels contrats lorsque l'objet de l'opération consiste en la construction même d'un immeuble pour le compte de la collectivité publique, lorsque l'immeuble est entièrement destiné à devenir sa propriété et lorsqu'il a été conçu en fonction des besoins propres de la personne publique (pour en savoir plus, voir Opé. Immo. n° 7, juillet-août 2008, p. 35). Le recours à la Vefa, pour opportun et fréquent qu'il soit en pratique, reste donc une voie limitée pour les collectivités publiques, qui ne peut être utilisée qu'avec précaution.

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