Quelle est la genèse de cette démarche qualité ?
L’idée de la certification ISO 9001 a germé début 2004, à l’occasion d’une restructuration dans les services du conseil général, avec la création de la direction des marchés publics pour fédérer les pratiques, et d’une direction de la construction pour regrouper l’activité construction des collèges et des autres bâtiments. C’était l’occasion de poser par écrit nos façons de faire, et de demander à un organisme extérieur d’en valider la pertinence via la certification. Un consultant a été chargé de lancer la démarche et de l’accompagner : diagnostic, définition de thèmes, constitution de groupes de travail et mise en place du système qualité.
Quel champ de certification le conseil général a-t-il choisi ?
Notre activité de construction peut se découper en trois phases : la passation, l’exécution des marchés de travaux et l’entretien des bâtiments. Nous avons ciblé la phase de passation des marchés publics, qui dure quasiment trois ans sur les « 4 ans 4 mois » consacrés en moyenne à la construction d’un collège par exemple. Nous avons donc retenu ce champ, avec pour objectifs, comme pour tout contrat commercial, le respect des délais et la maîtrise des coûts, et la conformité juridique, puisque nos contrats sont des marchés publics.
Comment le travail en groupes s’est-il déroulé ?
Les quinze groupes de travail ont tenu plus de 70 réunions, afin de mettre à plat les pratiques et rédiger des procédures : Qui fait quoi ? Quand ? Comment ? Un comité de projet représentant les deux directions concernées validait, après analyse, les documents produits par les groupes. Au niveau supérieur, un comité de pilotage placé sous l’autorité du directeur général des services et regroupant toutes les directions utilisatrices de bâtiments, suivait l’avancement de la démarche et décidait des questions stratégiques.
A quel moment êtes-vous intervenue dans le projet ?
Une fois la démarche lancée, le consultant a préconisé le recrutement d’un responsable qualité, comme l’impose la norme. Ingénieure ETP, j’ai débuté en bureau de contrôle où j’ai vu arriver les « cercles Qualité », espaces de questionnement sur les méthodes et les pratiques. Je m’y suis engagée et j’ai professionnalisé ma démarche par une formation en management. Puis je me suis orientée vers l’univers de la qualité appliquée au monde de la construction. Enfin, après un DESS d’aménagement, j’ai été embauchée en juin 2005 au conseil général. J’ai commencé par consolider le système : je suis garante de sa conformité à la norme. Ainsi, j’ai conçu un « classeur qualité » diffusé aux 120 agents concernés, qui rassemble tous les documents et dont je gère les mises à jour. Une version informatique de ces documents est disponible.
Quels sont les principaux apports du système qualité ?
La norme ISO 9001 demande de dire ce qu’on fait, et de prouver qu’on fait ce qu’on a dit. Le plus : le principe d’amélioration continue, dit PDCA. Il comporte quatre étapes : tout organisme planifie et développe, mais seuls les organismes « qualité » contrôlent et analysent les résultats des mesures pour améliorer. Nous avons défini une vingtaine d’indicateurs, dont les résultats sont affichés dans les tableaux de bord. Par exemple, un indicateur mesure si chaque projet a bien fait l’objet d’une commande précise de la part de la direction utilisatrice. L’objectif est aujourd’hui atteint.
Et du point de vue organisationnel ?
Le conseil général, grande administration à la culture très verticale, s’est converti au mode « projet ». Nous avons procédé à une réflexion approfondie sur l’élaboration et la prise en compte de la commande, et créé la casquette de chef de projet. Celui-ci a une responsabilité sur sa commande : il définit son besoin, passe sa commande, est associé aux esquisses de l’architecte ; mais, une fois l’esquisse finalisée, il ne peut plus demander de modifications majeures. Autre innovation : autour du chef de projet, nous constituons une équipe projet afin de coordonner toutes les autres activités nécessaires au projet impliquant d’autres directions (foncier, voirie, mobilier, etc.). Enfin, l’équipe construction regroupe les acteurs directs des deux directions concernées : le chargé d’opération (technique), le gestionnaire d’opération (administratif) et le contrôleur des marchés (juriste). Ces trois partenaires dialoguent, au lieu de s’échanger des parapheurs !
La transversalité, c’est si nouveau ?
C’est une révolution culturelle ! D’une part, la démarche qualité a été portée par deux directions conjointement (marchés publics et construction), ce qui est très original. D’autre part, à travers cette nouvelle organisation, nous avons impliqué toutes les directions du conseil général.
Quel est le coût ?
En coût externe, la prestation du consultant s’élève à près de 170 000 euros auxquels s’ajoute le coût de la certification par Afaq Afnor de près de 13 000 euros sur trois ans. La démarche qualité implique des coûts internes impossibles à chiffrer. Il faudrait calculer le temps investi mais aussi déduire le temps gagné et les économies faites à moyen terme.
Comment s’est passé l’audit de certification initial ?
La période septembre 2005-juin 2006 a été consacrée à la mise en œuvre de la méthode qualité. Puis l’auditeur de certification est venu. Il nous a formulé une remarque sur l’utilisation de nos fiches, qui n’étaient pas toujours bien remplies. En effet, nous avons créé deux types de fiches qui rassemblent des informations sur les dates cibles, l’historique et la traçabilité du dossier. Suite à cet audit, et tout au long de l’année, j’ai accompagné les uns et les autres dans une attitude compréhensive et ferme à la fois : les fiches devaient être bien utilisées afin d’éviter que la remarque ne se transforme en non-conformité à l’audit suivant. Sur la base du rapport favorable de l’auditeur, l’Afaq Afnor nous a délivré la certification.
Vous avez passé avec succès le premier audit de suivi en juin dernier…
C’est une grande satisfaction, car l’auditeur a noté une très nette amélioration dans l’appropriation du système qualité par les différents acteurs. Ils ont intégré la valeur ajoutée du fonctionnement qualité qui, témoignent-ils, leur apporte un certain confort dans leur travail. L’auditeur a levé les remarques de l’année précédente et n’en a formulé aucune autre. Il a constaté que l’organisation en mode projet avait bien pris.
Comment continuez-vous à améliorer le système ?
Nous réalisons des audits internes, comme la norme l’impose, mais à un rythme plus soutenu qu’exigé – en moyenne tous les trois mois. J’ai une bonne équipe d’auditeurs volontaires qui accompagnent les acteurs qualité en déployant une dimension pédagogique encore nécessaire. Ces audits nous permettent de détecter des espaces d’amélioration. Qui plus est, chacun peut proposer des idées pour perfectionner le système.
Quels sont vos chantiers actuels ?
Tout d’abord, travailler à un respect des délais encore plus poussé puisque, dorénavant, nous connaissons avec plus de précision le temps nécessaire à la réalisation des multiples étapes. Plus largement, nous poursuivons nos efforts avec la même intensité et avec un rythme soutenu d’audits internes et de revues de direction. Car nous allons vers l’audit de suivi n° 2 (juin 2008), plus sévère. Je vais organiser cette année des réunions de communication qualité après chaque revue de direction pour faire un point sur le bilan des audits, l’analyse des indicateurs et les actions correctives décidées. Je voudrais créer des lieux d’échange « méthode » entre tous les acteurs concernés.
Allez-vous étendre le périmètre de votre démarche ?
Oui, nous sommes prêts pour lancer l’étape suivante : la certification de la phase exécution des marchés de travaux. Nous allons constituer, dès la rentrée, des groupes de travail que j’animerai. Seront impliqués les acteurs actuels, auxquels se joindront les agents dont la mission principale est de suivre les chantiers. Puis, en septembre 2008, nous mettrons en œuvre le système qualité sur la phase exécution. De façon à nous présenter en juin 2009 à l’audit de renouvellement sur une activité étendue : passation et exécution.
Nous envisageons une extension à la phase d’entretien des bâtiments par la suite.
Avez-vous le sentiment d’être des pionniers ?
La démarche est assez rare dans le secteur public. Nous sommes le premier conseil général d’Ile-de-France à nous y être engagés. La norme ISO 9001 est un instrument solide, qui peut s’appliquer à toute structure. Elle permet d’accompagner le changement de culture, d’obtenir une meilleure efficacité en interne et de fournir un meilleur service aux usagers.




