La prestation de l’architecte ne répond pas aux règles communes concernant les services en cours d’élaboration à Bruxelles. Les architectes de l’Union nationale des syndicats français d’architectes (Unsfa), réunis en congrès à Strasbourg du 19 au 21 octobre, ont réaffirmé leur rôle social au moment où la commission européenne s’apprête à adopter la directive Services.
Catherine Trautmann, député européen, est venue les encourager, plaidant pour qu’ils ne dépendent pas de cette directive aux visées essentiellement économiques : « Les architectes doivent répondre à des contraintes qui ne peuvent être résolues dans le strict cadre du marché. Les hommes et les femmes sont la quatrième dimension avec laquelle travaillent les architectes », a-t-elle lancé devant quelque 250 adhérents du syndicat et leurs confrères venant de Belgique, d’Allemagne, d’Italie, d’Irlande, de Suisse, provoquant un tonnerre d’applaudissement.
Pratiques pour concevoir des villes autrement, réglementation européenne au service du cadre de vie, accessibilité des bâtiments à tous, comparaison des pratiques professionnelles au sein de l’Union et enjeux de la formation étaient les débats du 37e congrès. La directive Services concentre les critiques des architectes qui ne s’estiment pas assez consultés par la commission. « La directive risque également d’introduire des distorsions de concurrence par des exigences inégales en matière de qualification, de garanties et d’assurances », remarque Michel Roulleau, président de l’Unsfa (voir « Le Moniteur » n°5368 du 13 octobre, p. 16).
Harmoniser plutôtqu’uniformiser. Sophie Malétras, juriste à la direction générale du marché intérieur et services à la Commission, a rappelé que la directive vise simplement à faciliter la circulation des services et l’accès aux marchés, ainsi que l’établissement à l’étranger, au sein de l’Union, notamment par la création du « guichet unique ». Certes, des barrières doivent disparaître, mais selon Pierre-Henri Schumtz, architecte Suisse (donc hors Union), pas au point d’abolir les différences de pratiques qui font aussi la richesse des nations, soulignant que l’exception culturelle si chère aux Français ne doit être gommée ni par la mondialisation, ni par la construction européenne : « Nous représentons des différences qui ne sont pas des obstacles à la qualité architecturale », estime-t-il, plaidant pour le modèle de la Confédération helvétique qui accorde entre elles des cultures et des langues différentes.
Sophie Malétras a rappelé que le projet invite les professionnels des 25 membres de l’Union à établir leur code de bonne conduite… L’appel pourrait s’adresser en particulier au Conseil des architectes européens (CAE) présidé par le Français Jean-François Susini. Sera-t-il entendu ? Ce dernier juge que les professionnels du cadre de vie « doivent démontrer avec le concours des économistes que l’architecture est créatrice de biens et d’activités économiques » pour se faire mieux entendre.
La technique substituée à l’humain. Les architectes redoutent que leur métier soit noyé au milieu des règles diverses destinées à construire l’Union. Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles et du partenariat à l’Union sociale pour l’habitat, témoigne volontiers de cette tendance à segmenter les professions par les réglementations, « substituant la technique à l’humain ». Une tendance qui ne colle pas au métier qui, selon Gilbert Ramus, architecte, « est d’abord affaire de dialogue ». Un dialogue qu’il semble urgent de renforcer entre architectes et commissaires européens qui, chacuns à leur manière, « fondent la société en contribuant à organiser les relations humaines », selon l’expression employée par Catherine Trautmann.