Dans l’école Denis Mukwege ouverte à la dernière rentrée scolaire, Brigitte Tixier lit le plus beau chapitre de sa vie d’élue locale : «Mes petites-filles sauront que leur grand-mère aura contribué à cette réalisation qui porte le nom du lauréat du prix Nobel de la paix 2018», s’enthousiasme l’adjointe au maire de Melun en charge de la rénovation urbaine et de l’écoquartier de la plaine de Montaigu – rebaptisé Woodi.
Irradiation pacifique
Depuis du 13 septembre dernier, jour de l’inauguration du groupe scolaire conçu parTectoniques Architectes, avec atelier Z (architectes associés), l'élue se remémore l’hymne à l’éducation prononcé par Denis Mukwege, «l’homme qui répare les femmes dans les zones de guerre de l’Est du Congo». Motif principal, à ses yeux, de l’un des plus importants nouveaux quartiers d’habitation neuve d’Ile-de-France, l’irradiation des valeurs de tolérance, de non-violence et de fraternité se poursuit du côté de la crèche contiguë à l’école : cet équipement de 60 berceaux regarde vers la future place Nelson-Mandela, du nom de l’autre prix Nobel de la paix africain.

Attendue dans les mois à venir, la mise en chantier de cet espace public central s’inscrira dans la démonstration de mixité fonctionnelle qui guide le Crédit agricole immobilier, actionnaire majoritaire, aux côtés de Bouygues immobilier, de la société concessionnaire de la Zone d’aménagement concerté, pour un coût d’aménagement égal à 85 millions d’euros entre 2017 et 2027 : les espaces végétalisés inviteront à la promenade vers le bois environnant ; le boulodrome incitera aux liens sociaux, tandis que les parkings de surface faciliteront l’accès aux commerces.
Une fracture routière s’estompe
Conformément au plan établi par les urbanistes et paysagistes de l'Atelier LD, la place articulera les composantes du programme, dominé par les immeubles collectifs au sud, côté centre-ville, et par les maisons au nord, en direction de la campagne. Dans ce même axe, les liaisons douces traverseront bientôt l’actuelle rocade. Sous maîtrise d’ouvrage départementale, la transformation prochaine de cette dernière en un boulevard desservi par le bus à haut niveau de service T Zen achèvera d’arrimer le nouveau quartier à la ville. Sous maîtrise d'ouvrage d'Habitat 77, de Vilogia ou des promoteurs, les 19 % de logements sociaux reconstitueront l'offre rognée par les démolitions des quartiers en rénovation urbaine.
Après les difficiles expropriations qui ont retardé les premières opérations pendant plusieurs années, l’audace municipale s’est exprimée dans l’usage transitoire des terres : la ville a confié à un agriculteur l’exploitation de 10 ha de chanvre, pour contribuer à l’émergence d’une filière régionale dédiée à la construction.
Chanvre construction
La volonté de stimuler le marché émergeant du matériau bio-sourcé a soudé l’architecte Robert Weitz (agence Tectoniques) et le maître d’ouvrage du groupe scolaire : fourni par le vendéen Biofib, le chanvre isole les murs de la structure bois, tandis que des caissons de paille assurent cette fonction, sous les planchers en CLT.
Ce dernier matériau permet d’anticiper l’avenir : la structure pourra accueillir une extension de l’école, sur un étage supplémentaire. En attendant, des plantations de sedum couvrent le toit-terrasse. Le choix du bois n’interdit pas le bon usage du béton, mis en valeur dans son apparence brute, au pied des bardages pour les protéger de l’humidité, et dans les escaliers pour servir de coupe-feu.
Porosité et sécurité
Fruit d’un budget de 15 millions d’euros dont 11,5 de travaux, l’ensemble composé de l’école maternelle et primaire, de la crèche et de la cantine réussit un tour de force : «Nous avons concilié porosité et sécurité», explique Robert Weitz.

A travers les plantations et les grilles, les passants peuvent regarder les enfants jouer dans la cour. La lumière solaire se répand dans toutes les classes. Au sud des façades, les auvents atténuent les pics de chaleur.
Appropriation
L’ancrage de l’équipement public dans la vision écologique de Melun se manifeste aussi dans un équipement moins visible, mais déterminant : la centrale géothermique municipale alimente l’école, tout comme les immeubles collectifs de Woodi.
Certes, la démonstration de l’appropriation nécessitera encore quelques années. Mais Brigitte Tixier identifie déjà un encouragement : une habitante lui a offert un pot de confiture de framboises récoltées sur le talus comestible qui borde le nord du quartier.