« Pont-Aven, ville de renom, 14 moulins, 15 maisons » (1) … et bientôt une de plus ! Avec l'arrêt du Conseil d'Etat rendu le 28 décembre 2016 (2), la première pierre de cette nouvelle maison va pouvoir être posée, une décennie après avoir été autorisée. Tout commence en 2006 : un permis pour construire une maison d'habitation au lieu-dit Coteau du Bourgneuf, situé rive gauche de l’estuaire de l’Aven, à Pont-Aven (Finistère), est délivré. La voisine du terrain d'assiette du projet forme un recours contre l’arrêté accordant le permis ; elle obtient finalement gain de cause devant la cour administrative d'appel (CAA) de Nantes en 2013.
Motif invoqué pour l'annulation de l'arrêté du maire ? Il ne fait pas de doute – pour la CAA – que Pont-Aven est une commune littorale, sur le territoire duquel s’applique donc l’article L. 146-4 du Code de l'urbanisme limitant l'extension de l'urbanisation. Or pour la CAA, la construction projetée ne répond pas aux conditions fixées dans ce cadre pour bénéficier d’une autorisation. Mais le débat juridique se déplace en amont : pour le maire de Pont-Aven, la loi Littoral ne s'applique tout simplement pas sur sa commune. Il forme un pourvoi auprès du Conseil d’Etat. Et ce dernier, dans son premier arrêt rendu sur l’affaire le 12 novembre 2014, sanctionne effectivement le raisonnement retenu par la CAA pour qualifier Pont-Aven de commune littorale, car reposant sur un seul texte édicté plus d’un siècle auparavant, et dont la portée n’a pu être discutée par les parties.
Le trait de côte, critère décisif pour appliquer la loi Littoral...
La CAA avait considéré, à juste titre, que pour qu'une commune soit qualifiée de littorale au sens de la loi homonyme du 3 janvier 1986, elle doit être riveraine des mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs de plus de 1000 hectares, ou encore des estuaires et des deltas, si la commune est située « en aval de la limite de salure des eaux » et qu’elle « participe aux équilibres économiques et écologiques littoraux ». Or dans notre affaire, c’est effectivement un décret du 3 juin… 1899 qui a fixé la limite transversale de la mer à l'embouchure de la rivière Aven, « suivant une ligne tracée le long de la crête du déversoir commun à des moulins situés sur le territoire de la commune de Pont-Aven ».
Pas besoin d’ergoter donc, pour la CAA – et c'est bien le problème : une partie du territoire de Pont-Aven se situant en aval de la limite transversale de la mer, cette commune doit, pour l'intégralité de son territoire, être regardée comme une commune « riveraine des mers et des océans » au sens du 1° de l'article L. 321-2 du Code de l'environnement. Et peu importe si l’existence de ce texte datant du XIXe siècle n’était connue d'aucune des parties.
… mais très fragile au regard du changement climatique
Mais les Sages du Palais-Royal ne sont pas de cet avis : en statuant ainsi, « la cour (a) méconnu les exigences du caractère contradictoire de la procédure ». Après annulation de l’arrêt et renvoi de l’affaire à la même cour, cette dernière a, dans un second arrêt du 26 juin 2015, renforcé les fondements de sa démonstration du caractère littoral de la commune, estimant que "le terrain d'assiette de la construction autorisée par le permis de construire contesté, situé sur le coteau du Bourgneuf, à l'extrémité Sud de Pont-Aven et à environ 100 mètres de la rive gauche de l'estuaire de l'Aven, constitu(ait) un espace proche du rivage au sens (de l'article L. 146-4 du Code de l'urbanisme)".
En clair, le terrain d'assiette du projet se situe bien en zone littorale, l'extension de l'urbanisation devant ainsi se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Sur ce point, la CAA estime que le projet s'insère bien dans un secteur au sein duquel "la quasi-totalité des parcelles étaient déjà bâties et la densité des constructions était significative", tout en s'inscrivant "dans le prolongement du quartier de Bourgneuf, (…) en continuité avec le centre-bourg de Pont-Aven", et qu'ainsi, le permis litigieux "ne méconnaissait pas, en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 146-4 du Code de l'urbanisme". Un raisonnement finalement validé par le Conseil d’Etat, dans son ultime arrêt du 28 décembre 2016.
Hasard du calendrier, une proposition de loi adoptée en première lecture le 11 janvier, « portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique » pourrait conduire à un assouplissement de la loi Littoral de 1986. Une meilleure prévention du recul du trait de côte dû à l'érosion est notamment prévue, de même qu'une densification des hameaux pour répondre à la problématique des « dents creuses ». Sauf qu’un autre calendrier – électoral cette fois – va sans doute décider du sort de cette proposition de loi, qui pourrait rester lettre morte… jusqu’à la prochaine, tant la loi Littoral fait taire de convoitises !