Sera-ce le séisme de trop pour la géothermie à Strasbourg (Bas-Rhin) ? Vendredi 4 décembre au matin, les habitants de l’agglomération ont été réveillés par une significative secousse de magnitude 3,59 sur l’échelle de Richter, à proximité de la centrale de géothermie profonde qu’installe la société Fonroche à Vendenheim, au nord de Strasbourg, en vue de produire électricité et chaleur. Cinq autres événements ressentis, d'une magnitude supérieure à 2, avaient déjà été observés du 27 octobre au 11 novembre derniers dans son périmètre.
Plus importante et venant à la suite des autres, la dernière secousse vient ébranler le relatif consensus politique qui régnait autour de la géothermie comme pilier d’une stratégie zéro carbone du territoire.
L’Eurométropole de Strasbourg vise son alimentation à 100 % par les énergies renouvelables en 2050. La géothermie profonde, puisant l’eau chaude à plusieurs milliers de mètres sous la surface du sol serait en mesure de couvrir, à elle seule, une majorité des besoins de chauffage, si ce projet Fonroche et les suivants planifiés (deux par la même société et un par Groupe ES la filiale locale d’EDF) se concrétisaient.
Or plusieurs élus ont réclamé, vendredi, l’arrêt définitif du projet. La préfecture du Bas-Rhin, de son côté, a indiqué que « l’événement survenu le vendredi 4 décembre remet en cause certaines conditions de conduites des opérations et de fonctionnement du projet ».
La cause de l’événement déclencheur fait débat
Sous pression, Fonroche explique que ces séismes résultent d’une situation « éloignée du fonctionnement normal d’une centrale en activité », à savoir les tests qui ont été diligentés après un premier séisme le 12 novembre 2019.
Cet événement déclencheur, de magnitude 3,1, Fonroche assure ne pas en être la cause. Pour trancher la question, un comité d’experts a été constitué par la préfecture et ces scientifiques ont demandé la conduite de tests pour pouvoir dresser leur conclusion, toujours en attente à ce jour.
Un test de « traçage » a alors été lancé à partir du 1er octobre dernier, destiné à mesurer comment l’eau géothermale circule dans le puits d’injection, situé à 4 600 mètres de profondeur. Il a entraîné la série de séismes à partir du 28 octobre. Fonroche les attribue à des conditions modifiées par rapport à une configuration normale : d’abord une « montée en charge du débit d’eau » plus rapide et moins régulière que lors d’un « démarrage standard de centrale géothermique », puis, le test ayant été suspendu, une « rétractation de la roche » induite par l’arrêt de l’injection d’eau dans le puits. Quant à la secousse de vendredi, elle découle du « maintien d’un débit de sécurité », avance l’entreprise.
L’incertitude plane ainsi sur la concrétisation du projet, qui est à nouveau à l’arrêt. Avant l’événement de vendredi, Fonroche visait la montée en charge durant le premier semestre prochain, de façon à rendre la centrale complètement opérationnelle fin 2021 pour la production d’électricité – la partie thermique suppose la construction d’un réseau de chaleur urbain de connexion au site.
L’électricité pourrait alimenter 15 000 à 20 000 foyers et la chaleur 26 000 foyers. La technique à Vendenheim exploite les failles naturelles dans la roche, sans fracturation hydraulique provoquée. Fonroche, société basée à Roquefort (Lot-et-Garonne) active dans les énergies renouvelables (250 salariés et 200 millions d’euros de chiffre d’affaires) investit 100 millions d’euros dans son projet à Vendenheim.