Le bassin Adour Garonne anticipe et amplifie l’une des ambitions du plan eau. Alors que le président Emmanuel Macron a fixé un objectif national de multiplier par 10 le réemploi des eaux usées, les territoires du sud-ouest ambitionnent de passer de 3 millions à 60 millions de m3 dans les 10 ans. Autrement dit, une multiplication par 20.
Entente pour l’eau
Cette perspective découle d’une stratégie conjointe du comité de bassin, des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ainsi que des services de l’Etat. Réunis dans « Entente pour l’eau », ils ont récolté une centaine de candidatures, à la suite de l’appel à projets Economie circulaire de l’eau (Ec’Eau) clôturé le 30 mars 2022, après avoir été lancé en juillet 2021.
Les 28 lauréats bénéficient de 8 M€ d’aides. Un tiers des projets sélectionnés sont entrés en phase travaux. « L’aboutissement passe nécessairement par un travail pédagogique, compte tenu des problèmes d’acceptabilité », explique Aude Witten, directrice adjointe de l’agence de l’eau.
Dans une stratégie qui privilégie la frugalité, ce qui exclut le recyclage à tout prix et dans n’importe quelle condition, la démarche suscite l’adhésion de tous les collèges rassemblés dans le comité de bassin, y compris les associations de protection de l’environnement. "Tous s'accordent sur l'idée d'utiliser plusieurs fois la même goutte d'eau, avant qu'elle ne retourne à la mer", se réjouit la directrice adjointe.
Filtres agricoles
Inscrit au programme territorial de gestion de l’eau (PTGE) Midour, le projet de Mont-de-Marsan figure parmi les exemples mis en avant par l’agence de l’eau. « Dès le départ, les agriculteurs ont volontairement participé aux discussions sur les économies d’eau, plutôt que de miser sur la création d’une réserve », souligne Aude Witten. Pendant les périodes d’étiage, le milieu naturel peine à assimiler les fortes charges contenues dans les rejets de la station d’épuration. Les sols agricoles peuvent en bénéficier pour l’irrigation, et faire office de filtres.
Avec deux golfs et un hôtel du club Med irrigués par deux stations d’épuration depuis 30 ans, Royan illustre l’important potentiel du littoral, où l’eau recyclée ne manque pas aux rivières. Le nouveau projet sélectionné dans cette ville concerne l’extension du recyclage au domaine agricole en fort déficit hydrique.
Un mix de solutions
Les 28 pionniers ont permis à l’agence de dégager la typologie des projets à soutenir à l’avenir, dans quatre domaines : la lutte contre les déficits hydriques locaux, l’économie d’eau potable, la réduction des pollutions issues des stations d’épuration et la protection des milieux.
La mobilisation précoce du bassin Adour Garonne s’explique par la conscience aigüe de l’impact prévisible du réchauffement : en 2050 alors que la population se sera accrue d’1,5 million de personnes, l’agence de l’eau évalue le déficit hydrique annuel à 1,2 milliards de m3, au lieu de 250 millions actuellement. Pour y faire face, le Reuse figure en sixième position, dans un mix de solutions qui totalisent 850 millions de m3. Les économies viennent en tête (200 millions), devant l’investissement hydroélectrique (160 millions), la création d’ouvrages inscrits aux PTGE (110 à 150), l’agro-écologie (140) et la restauration des zones humides (80)…
Généralisation
Le passage de l’expérimentation à la généralisation s’est opéré le 8 février : Alain Rousset, président du comité de bassin, a réuni un millier de collectivités pour leur présenter la carte des gisements les plus prometteurs.
Cette publication coïncide avec l’entrée en vigueur d’un nouveau régime d’aide : en 2023 et 2024, le recyclage des eaux non conventionnelles sort des appels à projets, pour entrer dans les financements de droit commun de l’agence.