Développer une agriculture de proximité, susceptible de répondre aux besoins des populations qui l’environnent, oui. Mais pas au dépend des continuités écologiques et des bastides, vestiges des grandes propriétés agricoles qui nourrissaient Marseille au XIXème siècle.
Préserver et valoriser
Car la préservation et la valorisation des qualités naturelles, paysagères et patrimoniales des contreforts du Massif de l'Etoile, au nord de la cité phocéenne, sont bien tout l'enjeu du parc agricole de 350 ha piloté depuis près de deux ans par la métropole Aix Marseille Provence (AMP, 92 communes, 1 889 666 hab, 3 149,20 km2) en lien avec la ville, le département et la société publique locale d’équipement et d’aménagement de l’aire métropolitaine (Soleam).
« Décidé en conseil métropolitain le 15 octobre 2020, le projet est né du constat que ce territoire recèle des fonctionnalités indispensables à un espace « à vivre ». Il peut rendre de multiples services aux habitants et à la ville. La production agricole locale alimentera des circuits courts et confortera des exploitations en activité », se réjouit Christian Burle, vice-président délégué à l'agriculture, à la viticulture, à la ruralité, à l'alimentation et aux circuits courts à la métropole AMP.
L’élu pointe également le rôle du parc agricole dans la réduction des risques incendie et inondations. « Les cultures, comme la vigne ou les champs d’olivier, peuvent constituer une ceinture de protection contre le risque incendie », souligne Christian Burle.
Potentiel agricole de 100 ha
4500 personnes habitent dans le périmètre d’étude urbanisé à 35 %, et irrigué par le canal de Marseille au nord duquel se trouve l’essentiel des espaces naturels (25% au total). Les autres surfaces présentent un potentiel agricole estimé à 100 ha, dont 42 actuellement cultivés ou en projet.
« Le reste se compose des prairies fauchées ou pâturées, des friches et délaissés urbains. Tout ne sera peut-être pas exploité car notre premier objectif est bien la protection des continuités écologiques», poursuit l’élu.
Coup de frein à l’urbanisation
De nombreux facteurs convergent pour sortir de l’urbanisation à tout crin engagée depuis 20 ans : le projet alimentaire territorial élaboré par la métropole en lien avec le pays d’Arles, l’adaptation au changement climatique ainsi que la restauration des corridors écologiques de liaison avec les grands massifs, conformément au projet d’aménagement de développement durable (PADD) du PLUI du territoire de Marseille Provence, approuvé fin 2019.
Pour l’aménagement de la ZAC des Hauts-de-Sainte-Marthe, des difficultés techniques plaident dans le même sens : bastides inscrites à l’inventaire des monuments historiques, topographie accidentée, hydrologie, investissements publics plus coûteux que prévu... Cette analyse s’est aussi imposée dans le secteur Bessons-Giraudy, à l’ouest du périmètre. Ces coups de frein ont conduit le département des Bouches-du-Rhône à enclencher le processus de déclassement d’un tronçon de la RD « U4d », qui devait traverser d’est en ouest le secteur.

Le canal de Marseille irrigue le nord du futur parc agricole, urbanisé à 35 %.
Les arbitrages politiques attendent encore leur traduction réglementaire : réduction du périmètre de la ZAC de 150 à environ 70 ha, et modification du PLUI pour transformer les zones urbaines ou à urbaniser en zones agricoles et naturelles. Mais cela n’empêche pas la dynamique agricole de s’affirmer.
Circuits courts
Suite à un appel à projets, la métropole a installé en mai 2021 quatre agriculteurs car « il s’agit de prouver la rentabilité des circuits courts et de prendre la mesure des contraintes d’accessibilité, d’alimentation en eau,… », déclare Christian Burle. De son côté, la Ville de Marseille a lancé un appel à projets pour accorder une délégation de service public à un agriculteur dans le domaine de Montgolfier.
Ensuite, la métropole a confié en mars 2021 au groupement de maîtrise d’œuvre conduit par l’agence de paysagistes et d’urbanistes STOA une mission de deux ans pour produire une étude de programmation agricole, écologique et paysagère. L'équipe de conception comprend également Ecomed, Astredhor, le Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab), Cultures permanentes et Chorus.
Démarche participative
« Dans le cadre d’une démarche participative, il s’agit de définir les aménagements publics et les mesures d’accompagnement des initiatives privées pour la mise en œuvre d’un plan-guide, ainsi que de poser les bases d’une future charte», explique Mathieu Coquet, paysagiste chez STOA, soucieux de fonder sa vision sur un cadre partagé par tous.
A côté des champs, jardins, vergers et bastides, les Piémonts de l’Etoile contiennent des poches d’habitat et de nombreuses structures en charge de public en situation de handicap, de personnes âgées,… « Cette densité particulière d’établissements spécialisés traduit une véritable quiétude des lieux faisant du site un territoire de soins et d’aménité. Le projet favorisera le maintien de la vocation médico-sociale du site par le lien avec un environnement naturel immédiat », précise Claire Gausset, responsable du service foncier agricole à la métropole Aix Marseille Provence.
L’intervention publique comme levier
La mutation agricole ne passe pas forcément par des préemptions. Limitée, mais structurante, l'intervention des collectivités doit servir de levier, sur les 15% d’emprises publiques. Cela peut se traduire par l’installation d’agriculteurs, l’aménagement de jardins collectifs, des actions de restauration écologique ou la création d’un réseau de cheminements pour les riverains et promeneurs.
Ce dernier point permettra de lever un frein à la mobilité sur des voiries souvent étroites et sans issue. Les collectivités prévoient d’empêcher le transit des voitures, tout en prenant en compte la circulation d’engins agricoles, les livraisons, la commercialisation sur site... « Cela ne remet pas en question le potentiel des 100 ha, mais il faudra écarter certains types de cultures », estime Mathieu Coquet.
Un programme ficelé en décembre
Le groupement de maîtrise d’œuvre a ouvert cette piste de réflexion lors d’une première réunion publique de concertation, le 7 avril 2022. En termes de trame paysagère, il propose de maintenir les connexions existantes en valorisant les haies.
L’irrigation demande une étude au cas par cas. La première phase de l’élaboration du plan-guide a déjà permis de confirmer la possibilité d’irriguer la totalité des 60 ha de potentiel cultivable en priorisant l’eau brute du canal de Marseille.
Pour répondre au manque de transitions et aux ruptures fortes liées à la topographie et aux infrastructures routières, le paysagiste concentrera son effort sur les interfaces ville-nature.
Trois ateliers thématiques, dont le dernier sur la biodiversité ce 12 juillet, ont jalonné le travail du concepteur. A la fin de l’été, une première version du plan-guide, avec des fiches-actions associées, alimentera une nouvelle étape de concertation. En décembre 2022, un comité de pilotage devra valider le rendu de l’étude de programmation.