C'est quelque chose de très identitaire chez nous, la bière. On a une belle dynamique de production en région, avec beaucoup de diversité, souligne Pierre Marchica, président du Syndicat des brasseurs des Hauts-de-France. Avec plus de 200 brasseries faisant couler un tiers de la production nationale, couplées à des événements, comme le festival Bière à Lille, le Festival international des bières artisanales, Dunkerque sous pression, Dernières gorgées d'été ou la Nuit du houblon, la région a en effet de nombreux arguments à mettre en avant. L'Echappée Bière, une agence de tourisme autour de ce breuvage, y a même été créée.
Pour fédérer cette belle dynamique, le président de la région, Xavier Bertrand, annonçait fin 2019 sa volonté de créer une Cité de la bière. En 2023, l'appel à manifestation d'intérêt, aux contours et au budget encore un peu flous, n'attire que quatre candidatures. Celle de Cœur de Flandre Agglo, avec un projet situé en centre-ville de Bailleul (Nord) -entre Lille et Dunkerque -, est donnée gagnante, juste devant celle de la communauté de communes de Pévèle Carembault, sur la friche Agfa, à Pont-à-Marcq.

« Evidence historique »
« C'était une évidence historique et patrimoniale pour la Flandre intérieure de postuler. Notre territoire dispose d'une activité brassicole depuis le Moyen Age, d'une quinzaine de brasseries en activité, et du houblon y est encore cultivé », souligne Valentin Belleval, le président de l'agglomération retenue. La Cité prendra place sur la friche Nordlys, située à proximité de la Grand'Place et du beffroi, classé au patrimoine mondial de l'Unesco.
Pour le président des brasseurs des Hauts-de-France, également directeur de la brasserie 3 Monts, ce choix de Bailleul, « capitale du houblon du Nord », sur un site bien desservi est cohérent. Il faudra cependant plus de 20 M€ pour transformer la friche Nordlys de 8 000 m², occupée à 70 % par l'ancienne usine textile, avec cheminée, sheds et trame en poteaux-poutres métal, en un équipement d'environ 4 000 m² SP.
Le musée, qui prendra place sur à peu près un quart de cette surface, « sera doté d'un jardin », ajoute Christophe Bocquin, directeur général de la société publique de l'agglomération dunkerquoise (Spad), qui, depuis fin 2024, assure la maîtrise d'ouvrage déléguée pour Cœur de Flandre Agglo. La Spad sera accompagnée de l'assistant à maîtrise d'ouvrage La Boîte à Histoire pour la partie muséographique. Le reste de l'édifice abritera notamment un restaurant, une grande boutique commercialisant presque toutes les bières régionales et une salle de séminaire polyvalente avec gradins rétractables. La région a acté qu'elle apporterait 50 % du financement, plafonné à 10 M€, fonds européens compris. Reste à la collectivité à trouver les 10 M€ manquants. « Nous voulons que les professionnels puissent devenir des donateurs ou des co-investisseurs », projette Valentin Belleval.
Le choix de l'équipe de maîtrise d'œuvre doit se faire d'ici la fin de l'année. « Pas moins de 91 dossiers avaient été déposés avec des candidats régionaux, nationaux et internationaux de grande qualité. Cela démontre l'attractivité du projet, mais a rendu le choix difficile », explique le président de l'agglomération. En juin, un premier jury a retenu quatre groupements dont les mandataires sont les agences Coldefy (avec GSM Project pour la scénographie), Dream (avec Epatant), Snøhetta et 9.81 (avec Klapisch Scénographes) et Inca (avec Atelier Bruckner). Charge a été confiée à ces finalistes de présenter un programme conjuguant la réhabilitation de l'ancienne usine avec une extension et des aménagements paysagers favorisant la connexion au centre-ville.
« Vaisseau amiral »
« Nous ne voulons pas que cette Cité de la bière soit un point fixe dans l'horizon mais plutôt un vaisseau amiral entouré de frégates, souligne Pierre Marchica. Nous disposons d'une grande diversité de brasseries à faire découvrir : des centenaires, des récentes, de productions variables… Sans compter les restaurants qui brassent eux-mêmes. Par ailleurs, une quinzaine de brasseries, comme La Choulette ou Castelain, sont déjà très bien équipées pour recevoir du public. Goudale, par exemple, accueille déjà 50 000 visiteurs par an. Et une quinzaine d'autres producteurs sont en train de s'équiper pour offrir de belles expériences complémentaires. » Cette offre pléthorique se structurera au travers plusieurs « routes de la bière », mises en avant par la Cité et les offices de tourisme. A l'instar de Destination houblon, qui, depuis 2018, propose en Flandre intérieure diverses activités : « On peut imaginer un parcours par terroir. Par exemple, en Avesnois, il inclura le maroilles. Il s'agit de trouver la bonne équation économique et des offres pour tous les publics », se projette Pierre Marchica.
C'est la SPL Destination Cœur de Flandre qui exploitera le lieu, visant 70 000 visiteurs par an et de nombreuses activités : des séminaires, des formations et même de la R & D. Rendez-vous en 2028 à Bailleul, pour une première gorgée de bière, voire pour la nuit entière.
Cet article fait partie du dossier "Aménagement du terroir" de notre série de l'été "Miam".