Assurances Quand les assurances de responsabilité se suivent…

La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a mis un terme à la jurisprudence qui permettait à l’assuré de bénéficier du contrat d’assurance pendant toute la durée de sa responsabilité, dès lors que les primes avaient été payées à la date du fait dommageable. lDésormais, le contrat d’assurance ne s’applique que lorsque le fait générateur survient entre la date de prise d’effet et la date de cessation des effets du contrat d’assurance. Pour les sinistres antérieurs à l’application de la loi, la liberté contractuelle redevient la règle.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
DESSIN - COINTE moniteur 5363.eps

La loi du 1er août 2003 ne s’applique qu’aux assurances ne faisant pas l’objet de dispositions spécifiques, comme par exemple la loi du 4 janvier 1978 sur la responsabilité des constructeurs et l’assurance-construction. Celle-ci prévoit que le contrat d’assurance s’applique à compter de l’ouverture du chantier au bénéfice des personnes assujetties à l’obligation d’assurance dont, rappelons-le, les sous-traitants, fabricants et négociants de matériaux autres qu’EPERS (*) ne font pas partie.

Mécanismes de la loi

Avant l’entrée en vigueur de la loi le 2 novembre 2003, c’est la jurisprudence du « fait générateur » qui s’appliquait, aux termes de sept arrêts de principe de la Cour de cassation du 19 décembre 1990. L’assuré pouvait bénéficier du contrat d’assurance pendant toute la durée de sa responsabilité, dès lors que les primes avaient été payées à la date du fait générateur. Désormais, le contrat d’assurance ne s’applique que lorsque le fait générateur survient entre la date de prise d’effet et la date de cessation des effets du contrat d’assurance.

Définition du sinistre

Aux termes de l’article L.124.1.1. du Code des assurances, le sinistre est défini comme un dommage, ou un ensemble de dommages, causé à des tiers, qui engage la responsabilité de l’assuré et résulte d’un fait dommageable ayant donné lieu à une réclamation.

Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique. Les conséquences en sont l’application d’une seule franchise contractuelle, mais également l’application d’un seul plafond de garantie, ce qui peut poser problème en cas de sinistres sériels.

La nécessité de la réclamation du tiers-lésé est maintenue, l’assureur ne pouvant payer à un autre que le tiers-lésé l’indemnité d’assurance (art. L.124-3 du Code des assurances).

Déclenchement de la garantie

La loi n’ayant pas retenu la possibilité du déclenchement de la police par la survenance du dommage, l’article L.124-5 du Code des assurances prévoit seulement deux modes de déclenchement de la garantie:

Le fait dommageable ou fait générateur, continue de s’appliquer mais dans des conditions différentes de la jurisprudence de 1990. Le contrat d’assurance ne garantira le sinistre que lorsque le fait dommageable sera survenu entre la prise d’effet de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration. Dans la solution jurisprudentielle précitée, l’assureur devait sa garantie pendant toute la durée de la responsabilité de l’assuré, même en cas de résiliation, dès lors que le fait dommageable était intervenu pendant la période d’application du contrat d’assurance.

Le déclenchement par la réclamation implique que le fait dommageable (par exemple : livraison) ait été antérieur à la résiliation du contrat d’assurance. La réclamation doit être adressée entre la prise d’effet du contrat et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration, qui ne saurait être inférieur à cinq ans. Sur cette base, le passé inconnu (c’est-à-dire les sinistres non connus de l’assuré à l’époque de la souscription) est repris sans limitation de durée. La garantie subséquente (qui pouvait être originellement accordée à l’assuré après résiliation du contrat moyennant paiement d’une surprime) devient obligatoire. Sa durée ne peut être inférieure à cinq ans. Dans ce système, l’assuré peut se trouver à découvert de garantie lorsque le délai de la garantie subséquente a été dépassé.

L’article L.112-2 du Code des assurances prévoit la remise par l’assureur d’une fiche d’information dont le modèle est fixé par un arrêté du 31 octobre 2003. Celui-ci décrit le fonctionnement dans le temps des garanties d’assurance déclenchées par le fait dommageable ou par la réclamation et le fonctionnement des contrats d’assurance successifs qui ont des modes de déclenchement différents.

Déclenchement dans le temps de la garantie de responsabilité civile

L’arrêté du 31 octobre 2003 définit aussi bien le fait dommageable (fait, acte ou événement à l’origine des dommages subis par la victime et faisant l’objet d’une réclamation) que la réclamation (mise en cause de la responsabilité par lettre adressée à l’assuré ou à l’assureur ou par assignation). Il précise qu’un même sinistre peut faire l’objet de plusieurs réclamations, par une ou plusieurs victimes, les sinistres qui ont la même cause technique constituant un seul et même sinistre. La période de validité de la garantie est celle comprise entre la date de prise d’effet et sa date de résiliation ou d’expiration et la durée de la période subséquente, qui se situe après la résiliation ou l’expiration de la garantie, ne peut être inférieure à cinq ans.

La responsabilité civile« professionnelle »

L’arrêté du 31 octobre 2003 distingue le contrat d’assurance qui garantit la responsabilité civile « vie privée » et celle qui garantit la responsabilité civile « professionnelle » de l’assuré. Dans ce dernier cas, la garantie est déclenchée, suivant le choix des parties à la souscription, par le fait dommageable ou la réclamation, dans les conditions indiquées ci-dessus. Précisons toutefois que dans le cas de déclenchement par réclamation, la garantie de l’assureur n’est pas due si l’assuré avait connaissance du fait dommageable au jour de la souscription du contrat d’assurance.

Cette précision paraît résulter d’une erreur des rédacteurs du texte : en effet, l’assuré a toujours connaissance du fait dommageable, qui est son activité professionnelle. Toutefois, il peut ne pas avoir connaissance du dommage à la date de la souscription, auquel cas, le contrat s’appliquera. En revanche, s’il avait connaissance du dommage à la date de la souscription, le contrat d’assurance ne s’appliquera pas à la réclamation qui concerne le même dommage, à défaut d’aléa.

Deux cas sont à distinguer.

1er cas : la réclamation du tiers-lésé est adressée à l’assuré ou à l’assureur pendant la période de validité du contrat. L’assuré doit la garantie, même si le fait dommageable s’est produit avant la souscription du contrat d’assurance.

2e cas : la réclamation est adressée à l’assuré ou à l’assureur pendant la période subséquente. Lorsque l’assuré n’a pas souscrit de nouvelle garantie en « base réclamation » pour le même risque, l’assureur doit sa garantie et ce, même si le fait dommageable à l’origine du sinistre est intervenu avant la souscription de la garantie. Par contre, lorsque l’assuré a souscrit une nouvelle garantie en « base réclamation », c’est la nouvelle garantie qui s’applique, sauf si l’assuré avait connaissance du fait dommageable (en réalité, le dommage) au jour de la souscription du nouveau contrat, auquel cas la garantie précédente s’applique.

Ainsi, lorsque la réclamation est adressée à l’assuré ou à l’assureur avant l’expiration de la garantie subséquente du contrat initial et qu’il n’y a pas eu interruption entre les deux garanties successives, l’un des deux assureurs est toujours compétent.

Lorsque la garantie initiale est déclenchée pendant la période subséquente, le plafond de l’indemnisation ne peut être inférieur à celui de l’année précédant la date de résiliation.

En cas de changementd’assureurs

En cas de changement d’assureurs, lorsque le fait dommageable est intervenu avant la souscription du nouveau contrat et n’a fait l’objet d’une réclamation qu’au cours dudit contrat, il convient de déterminer l’assureur habilité à indemniser. Ce peut être l’ancien ou le nouvel assureur, selon la définition du sinistre (fait dommageable ou réclamation).

Plusieurs cas sont à distinguer.

L’ancienne et la nouvelle garanties sont déclenchées par la réclamation. Si l’assuré a eu connaissance du fait dommageable (en réalité, le dommage) avant la souscription de la nouvelle garantie, c’est l’ancien assureur qui doit indemniser. Cependant, aucune garantie n’est due par l’ancien assureur si la réclamation est adressée à l’assuré ou à l’assureur, après l’expiration du délai de la garantie subséquente. En revanche, lorsque l’assuré n’a pas eu connaissance du fait dommageable avant la souscription du nouveau contrat, c’est celui-ci qui s’applique.

L’ancienne garantie est déclenchée par le fait dommageable et la nouvelle garantie par la réclamation. Lorsque le fait dommageable s’est produit pendant la période de validité de l’ancien contrat, c’est l’ancien assureur qui garantit. Si le montant de la garantie est insuffisant, la nouvelle garantie complète l’indemnité d’assurance.

Lorsque le fait dommageable s’est produit avant la prise d’effet de l’ancienne garantie et est demeuré inconnu de l’assuré à la date de la souscription de la nouvelle garantie, c’est le nouvel assureur qui indemnise (à notre avis, il faut lire que le dommage est demeuré inconnu de l’assuré à la date de la souscription de la nouvelle garantie pour que celle-ci s’applique).

L’ancienne garantie est déclenchée par la réclamation et la nouvelle garantie par le fait dommageable. Lorsque le fait dommageable s’est produit avant la date de souscription de la nouvelle garantie, c’est l’ancien assureur qui indemnise à condition que la réclamation intervienne avant l’expiration de la garantie subséquente.

Lorsque le fait dommageable se produit pendant la période de validité du nouveau contrat d’assurance, c’est le nouvel assureur qui indemnise.

En cas de réclamations multiples concernant le même fait dommageable. Le même fait dommageable peut faire l’objet de dommages multiples qui peuvent se révéler à des moments différents (ex : sinistres sériels). Rappelons que le sinistre est considéré comme unique, dès lors que la cause technique est identique. L’assureur qui prend en charge le premier sinistre prend en charge les suivants qu’il y ait, ou non, résiliation.

Lorsque le fait dommageable s’est produit alors que le contrat avait été souscrit sur la base du fait dommageable, c’est l’assureur à la date du fait dommageable qui prend en charge.

Si l’assuré n’est pas garanti sur la base du fait dommageable à la date de celui-ci, l’assureur qui indemnise est celui dont la police était en vigueur à la date de la réclamation.

Pour les contrats en vigueur avant le 1er novembre 2003, les conditions d’application sont celles du déclenchement sur la base du fait dommageable, pour les garanties conclues sur cette base et sur la base « réclamation » pour les garanties déclenchées par celle-ci.

Image d'illustration de l'article
DESSIN - COINTE moniteur 5363.eps DESSIN - COINTE moniteur 5363.eps
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !