Aux portes de l’habitat connecté

Domotique -

Internet se glisse dans tous les recoins du logement. La technique offre de nombreuses possibilités, mais manque de maturité.

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En octobre dernier, le fabricant de serrures Vachette lançait Révo'Motion, une gamme de serrures connectées. « Nous anticipons ainsi le virage du numérique. Le marché est encore jeune, mais nous souhaitons nous y implanter avant qu’il atteigne sa maturité », assure Florian Malapelle-Mallard, chargé de projet marketing de ces produits. Aujourd’hui, ce discours devient le leitmotiv de toute l’industrie du second œuvre. Au cours de la prochaine décennie, tous escomptent une nouvelle forme d’habitat où tous les équipements domestiques seraient reliés à Internet.

Les Anglo-Saxons ont baptisé ce concept de réseau informatique total « Internet of things », l'Internet des objets. L’ensemble des machines du quotidien échangerait des données, et s’adapterait aux comportements des individus, sans intervention humaine. L’habitant ne se conformerait plus à son lieu de vie, mais c'est l'inverse qui se produirait. Cette vision d’un bâtiment évolutif demeure théorique. Dans le secteur de la domotique, l’évolution se limite, pour le moment, à remplacer le traditionnel réseau filaire par un réseau numérique. Les données produites par un équipement dit « connecté » sont transmises par des ondes radio, selon des protocoles de types Wi-Fi ou Bluetooth, jusqu’au boîtier Internet le plus proche. Celui-ci les envoie dans un serveur extérieur, où elles sont stockées et analysées. L’usager peut y accéder avec une connexion Internet. Ses consignes de réglages emprunteront le même chemin. C’est le principe de l’informatique dématérialisée, ou cloud computing : le traitement de l’information ne s’effectue plus au sein d’un noyau central installé dans le bâtiment, mais ailleurs dans le nuage web. Ce changement d’organisation accroît le nombre de consommateurs potentiels. Les produits connectés se greffent sur des infrastructures de communication déjà en place dans la majorité des foyers français. Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) estimait, en 2013, que 81 % de la population française âgée de plus de 12 ans disposait d’une connexion Internet à domicile. Plus besoin de se lancer dans de coûteux travaux de câblage. En outre, avec la gestion externalisée des données, un simple ordinateur ou un smartphone suffit pour piloter un système. Le client n’est pas contraint d’investir dans des dispositifs supplémentaires.

La donnée, une valeur montante.

L’informatique dématérialisée offre bien d’autres possibilités. Les entreprises pourraient tirer parti des capacités de calcul et de stockage des serveurs pour inventer des appareils adaptables. Les thermostats de Nest et Qivivo illustrent cette nouvelle dynamique. A partir des éléments collectés, un algorithme règle automatiquement le chauffage selon les habitudes du consommateur. L’étape suivante consisterait à élargir les bases de données employées par les logiciels. Elles demeurent restreintes aux relevés envoyés par les capteurs de l’habitat. Or, le volume d’informations disponibles sur Internet ne cesse de croître ; une masse considérable de connaissances appelée big data, ou mégadonnées. Les programmes informatiques pourraient profiter de cette manne pour proposer de nouveaux services. Ce contexte confirme l’entrée des données informatiques sur la scène économique. Elles deviennent définitivement un bien monnayable. Tout objet capable d’en produire dispose donc d’une valeur ajoutée supplémentaire, dont une entreprise peut tirer profit. Le constructeur de revêtements de sol Tarkett l’a bien compris. En 2014, le groupe a créé l’unité Floor in Motion, dédiée à l’exploitation numérique de ses produits. « Nous cherchons à transformer le sol en acteur du bâtiment. Des capteurs génèrent des signaux en fonction des déplacements sur la surface. Ces signaux sont collectés et interprétés dans le cloud. Les fonctions développées sont compatibles avec tous les revêtements de la marque », explique Jean-Sébastien Moinier, directeur de l'unité Floor in Motion. La première application imaginée consiste en un détecteur de chute pour les personnes âgées : un service destiné aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (voir encadré page 77).

La technique et l’éthique à l’épreuve.

Si l’habitat connecté semble proche d’une commercialisation de masse, quelques obstacles techniques pourraient ralentir sa conquête du grand public. En premier lieu, l’interopérabilité entre les différents équipements. A l’heure actuelle, il n’existe pas de langage informatique commun pour l’Internet des objets. Deux machines de marques différentes ne peuvent pas dialoguer entre elles. L’acheteur est donc obligé de télécharger une application pour chaque fabricant. Pis, il ne peut pas créer de liens entre ses différents objets. Conscients de l’enjeu, les parties prenantes, privées et publiques, ont formé des groupes de normalisation. Néanmoins, ils restent divisés sur cette question. Apple et Google demeurent à l’écart. En parallèle, des start-up offrent des rustines pour pallier le manque de coordination des grands groupes : des logiciels ou des boîtiers domotiques qui assurent la traduction entre les machines du logement.

Le contact entre l’appareil et le réseau est aussi un point critique. Dans la majorité des cas, un protocole Wi-Fi assure les échanges avec la box Internet domestique. Cette technologie consomme d’importantes quantités d’énergie. Quand ils ne sont pas reliés au réseau électrique, les objets connectés utilisent donc des piles ou des batteries. Par ailleurs, en cas de mauvaise réception du signal, ou de panne de la box, le système ne fonctionne plus. Les professionnels réfléchissent donc à d’autres procédés plus économes, et plus fiables. Deux entreprises françaises se positionnent sur ce marché. La société Sigfox a développé un dispositif de transmission par ondes radio. Les informations transitent depuis le bâtiment jusqu’au serveur par des fréquences libres. Le procédé est bien moins énergivore, peu coûteux, mais reste limité en termes de débit. Il ne convient donc qu’aux données peu volumineuses. Pour des applications plus gourmandes, Matooma a conçu un procédé qui s’appuie sur les réseaux de téléphonie mobile (voir page 72).

Les acteurs de la filière prennent également conscience de la fragilité d’Internet. « Connecter un objet revient à créer une porte d’accès numérique dans le réseau d’un bâtiment. Si elle est mal protégée, un pirate peut très bien entrer », analyse Nicolas Arpagian, directeur scientifique du cycle « Sécurité numérique » de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Les consommateurs se trouvent aussi confrontés à l’usage commercial de leurs données personnelles.

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