Quelles sont les principales difficultés pour modifier le comportement des gens dans l'espace public ?
Il est difficile de faire évoluer les comportements. Mais s'il y a un temps où c'est possible, c'est bien celui des grands chantiers. Pour les concepteurs, la première difficulté est de trouver des marges de liberté, y compris dans la commande. Ensuite, il faut échapper à la dictature du trafic. Dans un nœud urbain comme la place de la République, à Paris, personne n'imagine que la circulation puisse diminuer. Pourtant, le faire crée d'immenses possibilités d'appropriation. Le troisième défi est de transformer les infrastructures, tout en les maintenant en exploitation.
Quels sont les facteurs de succès pour de tels changements ?
La procédure peut aider. Toujours pour la place de la République, le concours de maîtrise d'œuvre nous a donné de la liberté. Malgré les scénarios de déplacement de la Ville, nous avons proposé une autre idée, qui a séduit et a ainsi remis en cause les contraintes initiales. Deuxièmement, il faut transformer la ville en apportant une plus-value. De sorte que les éléments positifs engendrés - en l'occurrence de la place pour une vie urbaine - dominent ce que l'on perd - un peu de capacité routière. Cette utilité n'est pas qu'esthétique. Elle répond aux aspirations d'une population et d'une époque. Troisièmement, le succès dépend de la qualité du triumvirat élu, concepteur, et « grand technicien de l'administration ». L'élu apporte une vision et interprète les vœux de la population. Le concepteur, avec sa sensibilité, révèle le potentiel du lieu. Le technicien, relais privilégié dans l'appareil administratif, traduit cela dans l'opérationnel et veille au respect des contraintes.
Y-a-t-il d'autres clés ?
Oui, qui dépendent de chaque projet. A Poitiers, le principe d'une piétonnisation stricte a donné de la lisibilité et, au final, une identité et de la valeur au centre-ville. Une autre clé est la concertation. Dans ce projet, elle a été menée de façon exemplaire par la mairie, ce qui a permis de faire mûrir l'idée, bien plus que si elle n'avait été conduite que par les techniciens.
