Depuis de nombreuses années, la pointe des Poulains (Belle-Ile, Morbihan) souffrait d’une fréquentation touristique insuffisamment maîtrisée. Ses 130 000 visiteurs annuels ont ainsi fortement contribué au piétinement de la pelouse littorale, à l’érosion des sols et au ravinement des chemins. Une dégradation accentuée par l’absence d’infrastructures d’accueil et par la présence d’un parking mal placé qui défigurait le site en le coupant en deux.
« Cet état justifiait l’intervention du Conservatoire du littoral, explique Denis Bredin, délégué pour la Bretagne. L’objectif était double : restaurer le patrimoine naturel tout en maintenant l’accès touristique. » Une tâche rendue difficile par la question foncière : le Conservatoire ne détenait que la moitié du site, les 4,4 ha restants dépendant de la propriété dite Sarah-Bernhardt, en souvenir de l’actrice qui fit longtemps du fortin de la pointe des Poulains sa résidence d’été. L’acquisition de ce bout de lande et de rochers est négociée en 2000. Une première étude précise les grands principes d’intervention : renaturation par plantation, restructuration des cheminements et des accès, déplacement et intégration paysagère du stationnement. Dès 2001, l’équipe du paysagiste Alain Freytet, qui a réalisé l’étude, se voit confier la maîtrise d’œuvre de la restauration du site.
Priorité numéro un : la revégétalisation. Sur l’îlot du phare, notamment, la pelouse littorale était profondément dégradée. La pose de toiles de géojute biodégradable, qui piègent les sédiments et retiennent les graines, a favorisé la repousse dans les endroits les plus abîmés. Les nouvelles plantations sont exclusivement des espèces autochtones : iris, narcisse, armérie. L’ancien chemin érodé, qui menait directement au phare, a laissé place à des massifs de tamaris : « La revégétalisation mettra trois à cinq ans pour produire tous ses effets », estime Alain Freytet.
L’acquisition de la propriété Sarah-Bernhardt s’accompagne aussi d’interventions paysagères. Un couloir de tamaris borde la nouvelle allée qui met en perspective le phare des Poulains. Dans le jardin, planté par l’actrice autour du fortin et de la villa Les cinq parties du monde, un traitement discret dégage le dessin originel. Les allées sont reprises et les arbustes taillés, ourlés par endroits de narcisses.
Sur l’îlot, l’ancien chemin raviné est abandonné pour un tracé plus souple qui met en scène le phare, comme posé sur le ciel. Des monofils en bois piquetés le long du parcours suggèrent au promeneur de ne pas s’écarter des sentiers afin de préserver la pelouse littorale. En bout d’îlot, les sentiers sauvages longeant les à-pics des falaises ont été reculés par souci de sécurité. Dans l’ancienne propriété de Sarah Bernhardt, certains passages ont été fermés. Une nouvelle allée dans la perspective du phare mène à un petit belvédère, d’où l’on peut contempler l’ensemble de la pointe des Poulains : les falaises et le rocher du Sphinx, la lande, et le phare, planté sur son plateau granitique. A l’entrée du site, renvoyé à l’intérieur des terres, le parking est maintenant intégré dans des plantations de tamaris. Les piliers du portail de l’ancienne propriété privée ont été déplacés pour le passage des bus. Enfin, l’intervention sur l’ancienne aire de stationnement est spectaculaire : la galette de bitume, détruite, a laissé la place à un espace renaturé. La pointe retrouve ainsi son unité, dans un parcours plus simple et plus lisible.