Il s'agit d'un véritable ouvrage hydraulique », souligne Helen Stokes de l'agence Ter en parcourant l'allée en stablisé qui traverse l'île des Cerisiers, première tranche réalisée de la partie ouest du Parc du Trapèze à Boulogne-Billancourt. Gestion des eaux et jardin sont en effet les deux aspects inséparables du projet imaginé par Olivier Philippe - dirigeant de l'agence - qui a traduit cette exigence en paysage fluvial imbriqué dans la ville.
Des marais aux prairies fleuries.
Ce concept de jardins submersibles permet de réguler les eaux pluviales des toits des immeubles riverains et d'absorber celles des crues de la Seine. Les bassins végétalisés à ciel ouvert, les bâches souterraines, les noues, les réceptacles des eaux claires et le grand ouvrage enterré central, stockant et décantant les eaux sales du ruissellement des voies de circulation, peuvent ainsi faire face à un orage décennal. « Les piétons pourront se promener à pied, au sec, dans les allées sillonnant et reliant les quatre îles du parc dans un paysage inondé », précise Anne-Sophie Verriest du bureau d'études Setec TPI en charge de la conception hydraulique. Entre les zones couvertes en permanence par les eaux (les marais) et celles qui le seront quelques jours tous les dix ans (les prairies fleuries) et les îles, l'agence Ter a concentré sur les 7 ha du Trapèze une gamme de paysages où le niveau des eaux va créer une succession d'ambiances de la plus humide à la plus sèche. La réalisation de tourbières a constitué un tour de force pour lequel le paysagiste s'est appuyé sur l'expertise du BET Biotope.
Une humidification permanente.
« Nous avons traité les parties émergées sur un mode horticole et recréé des écosystèmes fonctionnels dans les jardins en creux », résume Céline Dubreuil (Biotope). Les plantes protégées et fragiles ont été écartées, tout en tenant compte de la disponibilité des essences chez les pépiniéristes. Deux autres contraintes se sont ajoutées. D'abord, la nature alcaline de l'eau du site - et non pas acide comme celle des tourbières - venant du pompage de la nappe (80 m/jour) présente l'avantage d'être toujours fraîche (un plus pour les plantes !). Ensuite, l'interdiction d'exploiter des tourbières naturelles. « Nous avons par conséquent constitué un substrat de substitution avec de grandes capacités d'absorption, explique Céline Dubreuil, composé d'un mélange de fibres de coco et de poussières de coquilles, très utilisé en culture hydroponique. » L'installation de la tourbière, réalisée par une équipe de 5 à 6 jardiniers de l'entreprise Agrigex et pilotés par Benoît Lafoucrière, a consisté à répandre un lit de pouzzolane puis un géotextile et des fibres de coco. Par sécurité, un système d'arrosage automatique a été ajouté pour garantir, avant la mise en eau complète, une humidification permanente pour les 265 plantes appartenant à 16 espèces différentes. « Les végétaux aquatiques, reprend Céline Dubreuil, doivent toujours être en contact avec la lame d'eau. »
Étroite coordination.
La disposition des végétaux, réalisée avec le concours de Céline Dubreuil, a demandé une grande précision et le respect du plan de mise en place pour les profondeurs. Benoît Lafoucrière a donc manié non seulement le mètre, mais aussi la règle ainsi que le niveau. « Une opération qui s'est révélée à la fois intéressante et complexe selon le chargé d'affaires d'Agrigex Pierre Le Potier et qui a demandé une étroite coordination avec l'entreprise de terrassement Segex et tous les intervenants, chaque milieu naturel recréé exigeant un mélange de terre, sable et de compost dosé différemment sur la plate-forme installée sur le chantier. » -
