Jurisprudence

Candidat irrégulièrement évincé : des précisions sur le calcul de l’indemnisation du manque à gagner

Dans le cadre d’un marché public susceptible de reconductions, le manque à gagner d’un candidat écarté à tort se détermine sur la durée du contrat initial. C’est le Conseil d’Etat qui l’a indiqué dans une récente décision.

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Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat apporte des précisions sur le calcul du manque à gagner d'un candidat irrégulièrement évincé
Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2019/12/02N°423936

Un candidat évincé irrégulièrement d’une procédure de passation n’a pas forcément tout perdu. Il peut, dans certains cas, et suivant un raisonnement bien huilé du juge administratif, obtenir réparation. Ce dernier recherche tout d’abord si le candidat était dépourvu ou non de toute chance de remporter le marché. Si la réponse est positive, alors il n’a droit à aucune indemnisation. Dans le cas contraire, il va regarder si le candidat avait des chances sérieuses de remporter ce marché, auquel cas, il sera indemnisé de son manque à gagner. Récemment, le Conseil d’Etat a ajouté une nouvelle précision concernant le calcul de l’indemnisation dans le cas particulier d’un marché tacitement reconductible.

Il s’agissait d’une entreprise, candidate à un marché public d’une durée d’un an renouvelable deux fois, qui a été informée de son classement en deuxième position. Désireuse de faire annuler ce contrat, elle a obtenu gain de cause en appel. L’affaire est arrivée devant la Haute juridiction administrative.

Appréciation du caractère certain du préjudice

Le Conseil d’Etat précise dans un considérant de principe que « lorsqu'il est saisi par une entreprise qui a droit à l'indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l'attribution d'un marché, il appartient au juge d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain ». Il ajoute ensuite, et c’est là tout l’intérêt de cette décision, que « dans le cas où le marché est susceptible de faire l'objet d'une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d'éventuelles reconductions. »

La Haute juridiction suit ainsi les conclusions de son rapporteur public, Gilles Pellissier, pour qui « la solution d'une indemnisation limitée à la durée d'exécution certaine a le grand mérite de la simplicité ». Selon lui, « l'évaluation de la perte de chance d'un renouvellement du contrat risque d'ouvrir un champ infini de discussions sur des conjectures qui seront souvent indécidables et aboutira le plus souvent à une évaluation forfaitaire qui ne manquera pas d'être contestée en appel. » 

Erreur de droit

En l’espèce, la cour administrative d’appel a jugé que le requérant, irrégulièrement évincé, avait des chances sérieuses de remporter le marché, et de fait avait droit d’être indemnisé de son manque à gagner. En revanche, c’est à tort qu’elle a retenu que l’indemnisation devait être calculée sur une période de trois ans, correspondant à la période d’exécution initiale du contrat plus les deux années supplémentaires au titre des reconductions.

Le Conseil d’État a donc réduit à l’équivalent de 12 mois l’indemnisation du manque à gagner de la société requérante.

CE, 2 décembre 2019, n°423936, mentionné au recueil Lebon

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