D’une manière générale, ce nouveau CCAG MOE répond-il aux attentes et aux pratiques des entreprises d’ingénierie ?
Christophe Mérienne : "Le texte proposé par la DAJ est vraiment adapté aux spécificités de la maîtrise d’œuvre, contrairement au CCAG prestations intellectuelles (PI) que l’on utilise aujourd’hui. Notre demande d’homogénéisation entre le CCAG MOE et le CCAG travaux a notamment été entendue. Cela se traduit, par exemple, par la prise en compte des ordres de service de prix nouveau pour les prestations modificatives ou supplémentaires alors que cela n’existait pas dans le CCAG PI. Autre point positif : la mensualisation des acomptes, car, encore maintenant, des contrats prévoient une rémunération trimestrielle. Enfin, on peut se réjouir du mécanisme du décompte général qui suit le modèle du CCAG travaux.
Le CCAG MOE apporte également son lot de modernité, avec par exemple l’introduction des primes d’optimisation lorsque c’est possible. Il s’agit d’une pratique des maîtres d’ouvrage qui intéressent financièrement les MOE aux réalisations d’économies qu’ils procurent."
L’article 13.3.5 du projet de CCAG MOE traite le sujet de l’allongement de la durée des chantiers. Il prévoit notamment un rapprochement entre les parties. Que pensez-vous de ce nouvel article ?
Christophe Mérienne : "Il s’agit d’une véritable avancée textuelle sur un sujet de préoccupation majeure pour la profession. Toutefois, le texte qui est proposé à la consultation prévoit une clause de rendez-vous sans consacrer le principe du droit à rémunération complémentaire qui serait déclenché à l’atteinte d’un seuil trop élevé : 10% de la durée du marché de MOE alors que nous proposions 10% de la seule DET. Aujourd’hui, il y a quelques contrats qui ont prévu des mécanismes de réexamen de la rémunération, mais il faut l’avouer, ils sont assez rares. De nombreux différends trouvent leur source dans l’allongement de la durée et leurs conséquences sur le marché de MOE. Les acheteurs ont tendance à s’appuyer sur l’aspect forfaitaire du prix de la MOE, en disant que le prix comprend tout, sauf que ce n’est pas réaliste. Grâce au CCAG MOE, on va impulser une action pour que davantage de MOA entrent dans un dialogue. Cette mesure demandera néanmoins des précisions dans les CCAP pour déterminer les modalités de mise en œuvre de cette clause, mais aussi pour régler la question financière. Nous espérons néanmoins que la consultation en cours permettra d’améliorer cet article et ainsi de limiter les besoins de complément au CCAP. Sur ce point, nous avions fait des propositions plus précises, en évoquant un prorata temporis ou l’application du BPU, mais cela n’a pas été repris par Bercy à ce stade."
L’instauration d’un plafond à 10% pour l’application des pénalités semble faire grincer les dents des acheteurs publics. Quel est votre avis sur le sujet ?
Christophe Mérienne : "Nous pouvons constater que ce plafond de 10% est identique à tous les projets de CCAG réformés. Cette limite nous permet de mesurer le risque au moment de notre offre. L’intérêt est que le prix proposé au moment de l’offre n’intègre pas d’aléas ou des sources d’augmentation pour couvrir le risque de pénalités. C’est donc une garantie d’avoir le meilleur prix. Enfin, il est important de rappeler que notre marge est très faible, au mieux de l’ordre de 3% du montant du contrat. Nous considérons, par ailleurs, que les pénalités doivent être un guide, quelque chose qui nous oblige à bien respecter les délais. Et je pense qu’avec ce plafond de 10%, l’objectif est atteint. Nous sommes donc très attachés à ce que cette disposition soit maintenue dans le document final."
Les nouveaux CCAG font la part belle au développement durable. Qu’en pensez-vous ?
Benjamin Valloire : "Nous sommes bien évidemment favorables à la direction prise par les CCAG sur ce sujet. En revanche, nous avons une interrogation sur la signification et la portée de l’article 16.2.3 du CCAG MOE relatif à la valorisation des déchets. Soit il fait référence aux déchets produits stricto sensu par le maître d’œuvre, mais dans ce cas, cela concerne peu de déchets, voire pas du tout vu que nous travaillons de façon dématérialisée. Soit, étant donné que cette disposition ne se retrouve pas dans les autres CCAG, cela concerne la gestion des déchets de chantier. Mais, dans ce cas, ce n’est plus du tout la mission de base du maître d’œuvre et donc cela ne nous semble pas non plus la bonne interprétation. Nous sommes donc en attente d’éclaircissements.
Il est par ailleurs dommage que l’accent ne soit pas mis sur l’écoconception des travaux ou des ouvrages, car c’est là qu’est notre plus-value en matière environnementale."
Quels sont vos souhaits concernant ce nouveau CCAG MOE ?
Benjamin Valloire : "Nous souhaitons que les documents finaux conservent l’équilibre trouvé entre le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage. Il faut pour cela espérer que le plafond des pénalités à 10 % soit conservé. Par la suite, des ajustements pourront être faits dans les documents particuliers des contrats, mais il faudra faire attention à ce que ces dérogations soient vraiment justifiées par les spécificités du projet. Enfin, maintenant que nous disposons d’un outil spécifique adapté, nous espérons que les maîtres d’ouvrage, et en particulier ceux qui disposaient d’un CCAG spécifique, vont s’en saisir."