« Certaines formes d’agriculture questionnent l’habitabilité des territoires », Jean-Marc L’Anton, président de l’Association des paysagistes conseil de l’Etat

L’agriculture vient en tête des priorités de l’association des paysagistes conseil de l’Etat, jusqu'en 2026. Son président justifie la démarche par le « mandat social » exercé par la profession : « Avoir prise sur l’évolution de nos paysages ». Cette vocation ne peut plus exclure les exploitations agricoles, majoritaires dans la surface de la France.

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Jean-Marc L'Anton
Jean-Marc L'Anton

Avec leur séminaire annuel, les paysagistes conseil de l’Etat ont franchi ce mois-ci la première étape d’un cycle de deux ans de travaux sur l’agriculture. Pourquoi ce choix ?

Les Paysagistes Conseils de l’Etat, nommés sur concours pour conseiller les services déconcentrés de l’Etat à raison de 2 à 4 journées par mois, voient les projets arriver en amont. Ils font le constat de projets agricoles qui vont bouleverser nos paysages.

En ville, depuis une cinquantaine d’années, les paysagistes ont fait leur preuve dans des projets où la biodiversité, les systèmes végétalisés multi-strate, le réemploi ou la gestion intégrée des eaux pluviales sont au service de nouveaux modes de vies en accord avec l’environnement.

Mais à la campagne, force est de constater que certaines activités agricoles impactent les paysages et leurs raisons d’être. A l’extrême, l’habitabilité de nos territoires est questionnée par certaines tendances agricoles. Les replantations de haies ne compensent pas les disparitions, des chemins ruraux sont enclavés voire labourés, les bâtiments agricoles échappent à toute capacité d’insertion de par leur taille, et ils sont la plupart du temps à « obsolescence programmée », leur espérance fonctionnelle ne dépassant pas 25 ans.

Pour avoir prise sur ces tendances, les paysagistes doivent apprendre à travailler avec le monde agricole. Encore faut-il qu’ils en aient une meilleure connaissance.

Les paysagistes doivent apprendre à travailler avec le monde agricole. Encore faut-il qu’ils en aient une meilleure connaissance.

—  Jean-Marc L'Anton, président de l'association des paysagistes conseil de l'Etat

Qu’avez-vous découvert, durant ce premier séminaire en Bretagne ?

Une première séquence généraliste a d’abord permis d’informer sur les particularités du monde agricole : la transmission foncière (cession, baux ruraux, rôle des Sociétés d’aménagement foncier et d’équipement rural, etc.), le système social agricole et institutionnel, avec la mutualité sociale agricole et son système de retraite, les chambres d’agriculture, les syndicats. Enfin, nous avons pris la mesure des grandes évolutions récentes, notamment marquées par la financiarisation de certaines activités.

Après cette entrée en matière, les paysagistes conseil de l’Etat se sont répartis par groupes de 15, pour suivre six itinéraires. Chacun d’eux a permis de visiter deux fermes, et de sonder le regard porté par les agriculteurs sur le monde urbain.

Face à ces réalités, le décryptage des politiques de l’Etat a occupé le troisième jour, autour de l’orientation de l’agriculture, de la gestion de l’eau et de la biodiversité, de l’énergie et des paysages.

Quels prolongements opérationnels espérez-vous ?

La très forte attente, sur ce sujet majeur, nous a poussés à dérouler le thème de l’agriculture sur deux années. De la ville à la campagne, l’ambition opérationnelle ne change pas, depuis la création des formations qui ont lancé notre métier dans les années 70 : nous avons vocation à pouvoir opérer sur les transformations des paysages.

En fin de séminaire, des tables rondes ont commencé à esquisser les premières pistes pour œuvrer sur les bouleversements qui nous attendent.

Le off du séminaire nous a mis sur une première piste : celle de Rennes, comme modèle de métropole archipel, sans banlieue, et dont le développement se construit en harmonie avec le monde rural environnant.

L’an prochain dans la Drôme, nous approfondirons la question des outils. Après les Petites villes de demain et les Villages d’avenir, faut-il imaginer un programme d’Etat sur les campagnes du futur ? Le cadre à inventer doit créer les conditions pour sortir de l’impasse actuelle : les éléments de paysages traditionnels sont devenus une charge pour le monde agricole, les haies, les bois, les chemins, les fossés, les rivières et leurs ripisylves, etc.

Dans l’esprit de la population, les agriculteurs sont aujourd’hui trop coupés de leur utilité sociale. Ils se retrouvent bien seuls, pour gérer des aménités dont chacun profite, sans reconnaissance en rapport avec le service rendu à la société.

Les agriculteurs se retrouvent bien seuls, pour gérer des aménités dont chacun profite, sans reconnaissance en rapport avec le service rendu à la société

—  Jean-Marc L'Anton, président de l'association des paysagistes conseil de l'Etat

Avez-vous pris la mesure des tensions  suscitées par les contributions des agriculteurs à la production d’énergies renouvelables ?

Ces tensions tendent à se calmer dans l’éolien terrestre. Sur la méthanisation, la prise de conscience d’effets pervers commence à se manifester, quand certains produits sont plus rentables à valoriser dans la production de gaz que dans l’alimentation du bétail, par exemple.

Après avoir conquis les toitures des hangars agricoles, le photovoltaïque progresse au sol avec l’agrivoltaïsme. Cette percée suscite des avis divergents au sein de l’administration. De nombreux projets d’agrivoltaïsme se font jour, portés davantage par des développeurs que par des agriculteurs.

Après le récent rapport sur ce sujet signé par Julia Golovanoff, qui représente notre association à la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, le groupe de travail que nous avons constitué sur ce sujet cherche à recaler nos positions avec celles du Ministère de la Transition Ecologique.

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