Jurisprudence

Collectivités locales Cession de terrain à une entreprise au franc symbolique

-Le Conseil d'Etat estime qu'il ne s'agit ni d'une aide directe ni d'une libéralité si cette cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et assortie de contreparties suffisantes.

Dans un important arrêt de principe (1), le Conseil d'Etat vient de décider que l'aide consentie par une commune à une entreprise, sous la forme d'une cession de parcelle de terrain nu, pour le franc symbolique, en contrepartie d'une promesse de création d'emplois, n'est pas une aide directe mais indirecte, c'est-à-dire libre. Il ne s'agit pas non plus d'une « libéralité », au sens où les personnes publiques ne peuvent céder des biens de leur patrimoine à un prix inférieur à leur valeur sans violer les principes constitutionnels.

Promesse de création d'emplois

La commune de Fougerolles (Haute-Saône) avait, en 1994, cédé une parcelle de son domaine privé à une entreprise pour un franc symbolique. Celle-ci s'était engagée à créer cinq emplois en trois ans et à payer 36 000 francs au cas où elle ne tiendrait pas cette promesse. Saisi par le préfet, le tribunal administratif avait annulé la délibération du conseil municipal (2) pour un double motif : cette délibération violait la loi du 7 janvier 1982 (art. 4) interdisant aux communes d'accorder, de leur propre chef, des aides directes aux entreprises ; la commune n'avait pas respecté le principe de propriété des collectivités publiques énoncé par le Conseil constitutionnel (3).

Le Conseil d'Etat, au contraire, a estimé que « la cession de terrain par une commune à une entreprise, pour un prix inférieur à sa valeur, ne saurait être regardée comme une libéralité lorsqu'elle est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes ». Or, l'engagement de l'entreprise de créer des emplois et de rembourser la commune en cas d'échec, a paru une compensation suffisante. « Il n'est pas allégué, précise le Conseil d'Etat, que la commune aurait con-senti de telles cessions en échange de contreparties différentes. »

En l'absence de définition légale, il est admis que les aides directes aux entreprises sont limitativement énumérées par la loi (primes régionales à la création d'entreprises ou à l'emploi, bonifications d'intérêts, prêts et avances) contrairement aux aides indirectes, qui améliorent les services offerts aux entreprises. Les premières relèvent de la compétence des régions, les communes et les départements ne pouvant apporter qu'une aide complémentaire, tandis que les secondes sont libres. Mais les situations de fait sont plus complexes (recours aux organismes-relais...) et l'administration, comme les tribunaux, semble utiliser la mise à disposition de l'entreprise comme critère objectif pour qualifier l'aide directe. Le Conseil d'Etat vient donc d'établir une interprétation qui pourrait clarifier la situation de nombreuses collectivités. A condition, bien sûr, que cette jurisprudence ne soit pas contradictoire avec le droit européen.

(1) Conseil d'Etat, arrêt du 3 novembre 1997, requête no 169473. (2) TA de Besançon, requête no 941-213, 6 avril 1995. (3) Décision du Conseil constitutionnel, 25 juillet 1986.

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