Comment espérez-vous élargir l'adhésion des élus à l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ?
A tous les élus que je rencontre, à raison de 20 à 70 par semaine, et en particulier aux maires, je commence par rappeler les deux temps de la loi : 2050 pour le ZAN, et 2030 pour la division par deux des consommations d'espaces naturels, agricoles et forestiers, par rapport à la consommation observée depuis 2010. C'est un objectif. Tout le monde le sait, mais cela aide à diminuer le stress. Je me réjouis de voir les mentalités évoluer : je ne rencontre plus de maires qui le contestent.
Le différend porte beaucoup sur le rythme…
Depuis juillet 2022, nous travaillons, main dans la main avec le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu, les associations d'élus mais aussi les parlementaires afin de faire évoluer les conditions de mise en œuvre du ZAN. Une part importante des mesures préconisées dans la proposition de loi de la majorité sénatoriale a recueilli notre accord, mais certaines propositions s'éloignent trop des fondements ou mettent en péril l'objectif global. De manière générale, je dis aux élus : vous pouvez construire, nous avons besoin de logements, mais pensez d'abord à lutter contre la vacance, comme le montre le jeune maire de Lavardac, dans le Lot-et-Garonne, avec la rénovation de 200 logements délabrés en deux ans. Quand on explique et qu'on rassure, le ZAN cesse d'apparaître comme un problème.
Restent tout de même les désaccords sur la marge de 1 ha ou de 1 % laissée aux communes rurales, ainsi que sur l'assiette des projets d'intérêt national à sortir des surfaces comptabilisées par les collectivités…
J'ai confiance en l'atteinte d'un accord sur ces deux sujets. S'agissant de la « garantie rurale », le gouvernement comme le parlement veulent travailler à donner un droit au développement des petits territoires. S'agissant des ports, des LGV ou des très grands projets industriels à sortir des assiettes régionales, la solution ne peut pas consister à décompter complètement cette artificialisation, mais plutôt à l'inscrire dans un compte national pour ensuite la répartir équitablement entre tous.
Alors que le projet de loi Industrie verte arrive au Parlement, comment résoudre les conflits entre réindustrialisation et sobriété foncière ?
J'ai cet objectif de réindustrialisation de notre nation chevillé au corps. Selon la taille des projets, les arbitrages appartiendront aux régions et aux intercommunalités, compétentes en matière de développement économique.
Les friches déjà artificialisées offrent un gisement important pour y installer des entreprises, comme le montre l'application Cartofriches, développée par le Cerema. Il faut que les élus et les entreprises s'en saisissent.
Le 12 avril, la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé la perspective de pérenniser le Fonds vert. Souhaitez-vous une évolution de cette dotation ?
Christophe Béchu et moi tenons à cette pérennisation, qui doit maintenant être travaillée avec les associations d'élus pour définir les évolutions utiles de ce fonds. Sa première vertu réside dans son objectif : soutenir l'investissement dans la transition écologique, très souvent génératrice d'économies de fonctionnement, rendues vitales par la hausse des cours de l'énergie. Nous nous réjouissons de constater que l'investissement local ne fléchit pas. Avec Bercy, nous travaillerons à préserver ces capacités dans la prochaine loi de finances.
Quelles sont vos ambitions pour la ruralité ?
Je veux d'abord souligner les efforts faits en faveur des territoires ruraux, depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée en 2017, notamment le lancement de l'Agenda rural en 2019 et la nomination d'un secrétaire d'Etat chargé de la Ruralité en 2020. Depuis six ans, notre majorité agit pour que nos ruralités ne soient pas oubliées.
Le besoin d'ingénierie constitue le point commun entre des thèmes très divers : lutte contre la vacance, soutien aux mobilités du dernier kilomètre, lutte contre les déserts médicaux, revitalisation des petits villages… Le plan France Ruralités, évoqué par la Première ministre lors de la réunion que vous citez, y répondra avec de nouvelles mesures pour résoudre ces problématiques. En outre, l'ANCT [Agence nationale de la cohésion des territoires, NDLR] lancera prochainement un nouveau programme d'ingénierie à destination des petites communes rurales pour les épauler dans leurs chantiers. La méthode, elle, ne change pas : tout part du projet du maire. Quant au financement, je travaille avec les associations d'élus, notamment des départements et des régions, pour définir de nouvelles façons de les cofinancer, plus simples pour les collectivités qui les portent. Nos maires ruraux ont besoin que tout le monde les soutienne et leur facilite la vie
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Votre politique rurale nécessite-t-elle le passage par la voie législative ?
Le plan France Ruralités comporte certaines mesures susceptibles de relever de la loi, en particulier sur la reconduction des zones de revitalisation rurale (ZRR) et leur réforme, dans le sens de la mission conduite par le préfet François Philizot. Il en va de même pour la reconnaissance et la valorisation des aménités rurales, c'est-à-dire le patrimoine naturel de nos campagnes. La forêt, les sols et les zones humides nécessitent en effet un entretien non rémunéré, qui bénéficie pourtant à tous. Il faut que nous soutenions la préservation de ce patrimoine, qui est un gisement précieux pour la transition écologique !
Quel calendrier prévoyez-vous pour ce plan ?
La Première ministre devrait présenter France Ruralités dans les prochaines semaines, afin de commencer à le mettre en œuvre dès cette année et dans le cadre du budget 2024.
Pour stimuler l'ingénierie, pensez-vous vous appuyer sur la Plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines - la Popsu - qui croise les savoirs scientifiques et opérationnels ?
Comme première vice-présidente de la métropole de Toulouse, j'ai découvert Popsu avec un énorme plaisir. Les travaux des scientifiques ont beaucoup nourri ma vision de l'aménagement. Les mettre au service de la ruralité constitue une évidence pour moi. Après une immersion dans les territoires reculés, les géographes et sociologues vont éclairer notre politique. De même, je me réjouis d'avoir pu annoncer la pérennisation du programme des volontaires en administration (VTA), afin d'encourager l'engagement des jeunes en soutien à l'ingénierie de l'aménagement dans nos territoires ruraux. Ces jeunes réfléchissent aujourd'hui à la France de demain. Dans vingt ans, ils la gouverneront. J'aime ces politiques publiques à objectifs multiples.
En même temps que France Ruralités, vous lancez la seconde phase des programmes phare de l'ANCT : Action cœur de ville et Petites villes de demain. Avec quels objectifs ?
L'ANCT est un opérateur de terrain efficace, qui grandit année après année. Il reste encore du travail devant nous, pour compléter sa dissémination par capillarité, en nous appuyant sur les impulsions données par Jacques Mézard et Jacqueline Gourault. La seconde phase d'Action cœur de ville et de Petites villes de demain répond à cet objectif, avec un accent plus fort sur la sobriété foncière et les entrées de ville. L'évolution sociétale nous y aide, grâce au regain d'attractivité des commerces de proximité. Les foncières soutenues par la Banque des territoires joueront un rôle fondamental, pour amplifier le mouvement.