L'année 2022 démarre sur les chapeaux de roues pour les praticiens de la commande publique. La Direction des affaires juridiques de Bercy vient en effet de lancer une consultation publique sur un projet de décret portant diverses modifications du Code de la commande publique (CCP). Le texte, en consultation jusqu'au 27 janvier 2022,contient diverses mesures. Décryptage.
Les clauses vertes (et roses) déclinées dans le code
La mission principale du projet de texte est de retranscrire, dans la partie réglementaire du code, les évolutions programmées par l’article 35 de la loi Climat et résilience au sein de la partie législative. Ainsi, l’obligation de prévoir un critère de sélection prenant en compte les caractéristiques environnementales des offres (articles R. 2152-7 du CCP pour les marchés publics et R. 3124-4 pour les concessions), et celle faite aux concessionnaires de décrire dans le rapport annuel communiqué à l’autorité concédante les mesures mises en œuvre pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique dans le cadre de l’exécution du contrat (article R. 3131-3), font leur apparition.
Plus précisément, selon le futur article R. 2152-7, l’acheteur qui choisit comme critère d’attribution le critère unique du coût devra le faire « selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie […] à condition qu’il prenne en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ».
Et s’il recourt à une pluralité de critères, devront figurer parmi eux le prix ou le coût ainsi qu’un « critère prenant en compte en compte les caractéristiques environnementale de l’offres. » La prise en compte des aspects sociaux au titre de l’attribution des contrats demeure facultative, comme prévu par la loi Climat et résilience.
Pas d’accélération du calendrier, malgré l’urgence climatique : le texte prévoit une entrée en vigueur de ces mesures au 21 août 2026, soit la date limite d’entrée en vigueur prévue par la loi.
L’exclusion facultative, c’est maintenant
Concernant en revanche les dispositions de la loi Climat et résilience qui permettent (sans les y obliger) aux acheteurs et aux autorités concédantes d’exclure de la procédure d’attribution les entreprises qui n’ont pas satisfait à l’obligation d’établir un plan de vigilance prévue à l’article L. 225-102-4 du Code de commerce (1), l’exécutif ne souhaite pas attendre. Il devance l’échéance maximale de 2026 fixée par le législateur. Le projet de décret énonce ainsi que les articles L. 2141-7-1 du CCP (marchés publics) et L. 3123-7-1 (concessions) entreront en vigueur dès le lendemain de sa publication.
Un Spaser obligatoire dès 50 M€ d’achats par an
Le projet de décret élargit l’obligation d’élaborer un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser). Le montant d’achats annuels à partir duquel une collectivité est tenue de se doter d’un tel plan d’action passe de 100 millions d’euros à 50 millions d’euros. La DAJ rappelle que ce nouveau seuil est celui que préconisaient les parlementaires Sophie Beaudouin-Hubière et Nadège Havet dans leur rapport « Pour une commande publique sociale et environnementale » remis le 20 octobre dernier. Cela permettrait « de faire passer le nombre de collectivités concernées de près de 130 à environ 300 », estime Bercy.
Pour mémoire, le Spaser d’une collectivité, « rendu public, détermine les objectifs de politique d'achat comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l'intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Ce schéma contribue également à la promotion d'une économie circulaire », prévoit l’article L. 2111-3 du CCP.
La loi Climat et résilience est déjà venue renforcer les obligations en la matière, imposant une mise en ligne du Spaser sur le site internet de l’acheteur et l’utilisation de certains indicateurs et objectifs cibles en matière d’achats auprès d’entreprises employant des personnes défavorisées.
Toutes ces mesures relatives au Spaser entreront en vigueur le 1er janvier 2023.
Les données essentielles et de recensement fusionnent
Le futur décret prévoit, conformément à l’action 16 du Plan de transformation numérique de la commande publique (PTNCP), une fusion des données essentielles et des données de recensement. Deux points importants sont à retenir : le décret indique un seuil unique fixé à 25 000 euros ainsi que la création d’un portail national de données ouvertes.
Pour rappel, aujourd’hui, les acheteurs publics ont l’obligation de publier, sur les profils d’acheteurs, les données essentielles pour les marchés dont le montant est supérieur à 40 000 euros HT. Ils peuvent également, sans y être obligés, publier des données moins complètes pour leurs marchés dont le montant est supérieur à 25 000 euros HT sur le support de leur choix. Les données de recensement qui sont transmises par les acheteurs publics à l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) concernent, elles, les contrats dont le montant est supérieur à 90 000 euros HT.
Le décret mis en consultation par Bercy prévoit donc de modifier l’article R. 2196-1 du CCP. Ce nouvel article indique que « l'acheteur publie sur le portail national de données ouvertes les données essentielles des marchés répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure à 25 000 euros hors taxes dans les deux mois suivant la notification du marché ou sa modification. » Concernant les données de recensement, l’acheteur public n’aura donc plus besoin de les transmettre à l’OECP, puisque celui-ci pourra les récupérer via la transmission des données essentielles. Tout ceci va dans l’esprit de simplification demandé par les acheteurs publics qui n'auront ont à multiplier les saisies de données.
Le projet de décret prévoit une entrée en vigueur de ces dispositions à une date prévue par arrêté et au plus tard le 1er janvier 2024.
A noter enfin que le texte, "dans le cadre de la mise en œuvre par l’Etat d’une plateforme d’interopérabilité des profils d'acheteurs, vient sécuriser l’horodatage des candidatures et des offres déposées sur un profil d’acheteur différent de celui de l’acheteur ayant lancé la consultation", précise la DAJ. Des articles R. 2143-2-1 du CCP (candidatures) et R. 2151-5-1 offres sont créés à cet effet, et seront d'application immédiate.
(1) Issu de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre de 2017, cet article oblige toute société employant au moins 500 salariés à se doter d’un plan de vigilance afin d’identifier et prévenir les atteintes graves aux droits humains, à la santé et la sécurité des personnes ainsi qu’à l'environnement résultant de ses activités ou de celles de ses sous-traitants ou fournisseurs. Ce plan doit être publié dans son rapport de gestion.