La préférence européenne devrait faire son apparition dans les directives Marchés publics et Concessions. Comme l’a annoncé la Commission européenne en février dernier lors de la présentation du Pacte pour l’industrie propre et sauf revirement, la notion figurera dans la proposition de révision des deux textes de 2014 que communiquera Bruxelles en 2026.
Dans un avis remis ce vendredi 13 juin au Premier ministre, le Conseil national de l’industrie (CNI) « salue cette ambition européenne ». L’instance de dialogue entre l’Etat, les filières industrielles et les organisations syndicales se dit en effet favorable à l’introduction d’un principe de préférence européenne dans le droit des marchés publics. Une mesure nécessaire dans un « contexte de concurrence de plus en plus asymétrique », estime-t-il.
« Un principe de référence »
Mais alors que la Commission européenne envisage pour l'heure de ne rendre obligatoire la préférence européenne que dans certains secteurs stratégiques, le CNI plaide pour qu’elle devienne « le principe directeur des achats publics ». De sorte qu’il ne s’agisse plus d’une « exception difficile à rendre opérationnelle et réduite à certains secteurs ».
Le CNI fait ici sans doute référence au mécanisme de l’article L. 2112-4 du Code de la commande publique – qui transpose une disposition de la directive Marchés publics de 2014. Celui-ci prévoit qu’« un acheteur public peut imposer que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie d'un marché, pour maintenir ou pour moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des États membres de l'Union européenne afin, notamment, de prendre en compte des considérations environnementales ou sociales ou d'assurer la sécurité des informations et des approvisionnements ». Mais il ne s’agit que d’un dispositif dérogatoire, comme l’avait confirmé Bercy en 2023 dans une réponse ministérielle.
Réciprocité
Dans son avis, le Conseil national de l’industrie préconise aussi « d’introduire un principe général d'interdiction d'accès aux marchés publics de l'Union européenne (UE) pour les opérateurs économiques et les productions des pays tiers qui n'ont pas conclu d'accord avec l'UE ».
A cet égard, la Cour de justice de l’UE a rendu un arrêt le 22 octobre 2024 (CJUE, 22 octobre 2024, « Kolin », C-652/22) dans lequel elle précise que les entreprises originaires d’un pays tiers n’ayant pas conclu d’accord de réciprocité avec l’Union n’ont pas de garantie d’accès à la commande publique des Etats membres. Ce principe ne vaut toutefois pas interdiction générale comme le souhaiterait le CNI. Surtout, il ne s’applique qu’aux opérateurs économiques et non aux produits.
Origine des produits
Or le CNI souhaite également que soit inscrit dans les futures directives « un principe de préférence européenne fondé sur l’origine de fabrication des produits et non seulement sur la nationalité des entreprises ». Il pourrait être entendu dans la mesure où, pour réviser les directives de 2014, la Commission européenne devrait s’inspirer des récentes réglementations sectorielles dans lesquelles elle a d’ores et déjà introduit une forme de préférence européenne basée sur l’origine des biens.
Par exemple, le règlement NZIA du 28 juin 2024 impose aux acheteurs publics de prévoir une condition d’exécution relative à la résilience dans les marchés publics et les concessions portant sur des technologies dites « net-zero » comme les pompes à chaleur ou les batteries. Elle prend la forme d’une clause interdisant à l’entreprise titulaire de se fournir ou de produire plus de 50 % de la valeur de la technologie objet du contrat dans un pays tiers n’ayant pas conclu d’accord de libre-échange avec l’UE. En France, ces obligations seront notamment mises en œuvre dans les prochains appels d’offres liés aux parcs éoliens en mer.
Une révision dès 2026 ?
Autre desiderata du CNI : que la révision des directives de 2014 intervienne dès 2026. Ce qui semble compliqué au regard des étapes qui restent à accomplir. La consultation publique lancée par la Commission pour évaluer les textes en vigueur s’est achevée début mars 2025 et sa synthèse n'a été publiée que fin mai. Bruxelles doit désormais rendre son rapport d’évaluation d'ici les prochaines semaines. Avant de proposer un projet de texte courant 2026. Débutera ensuite le processus d'adoption, relativement long au sein des instances de l’Union.
A noter enfin que le Conseil national de l’industrie se montre favorable à l'introduction de nouveaux critères dans les futures directives. Il évoque notamment l’économie circulaire et le recyclage, les emplois de qualité ou encore le produit d’origine de la propriété intellectuelle.
Etendre la préférence européenne au-delà des achats publics
Le CNI défend l’extension du principe aux financements européens, aux mécanismes de soutien publics ou aux obligations réglementaires présentant des obligations d’équipement ayant un impact sur la demande de produits industriels.
Il souhaite par ailleurs que soit prévu un dispositif de marquage des produits importés dans l’UE, afin de renforcer l’information des consommateurs.