Commande publique : le détail des mesures du projet de loi Industrie verte

Le texte, déposé au Sénat le 16 mai, comporte quelques enrichissements par rapport à l’avant-projet qui avait circulé.

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Le projet de loi ouvre la voie à l’anticipation du verdissement obligatoire des marchés publics.

Le projet de loi relatif à l’industrie verte a été présenté en Conseil des ministres le 16 mai et sera débattu au Sénat à partir du 19 juin puis à l'Assemblée nationale un mois après. Pas d’énormes surprises, à sa lecture, par rapport au contenu de l’avant-projet de loi qui avait circulé en avril et aux annonces gouvernementales. Panorama des mesures prévues, avant leur probable enrichissement par le travail parlementaire.

Exclusions de l’accès à la commande publique

L’article 12 vise à habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance une nouvelle interdiction de soumissionner aux contrats publics, qui sera à l’appréciation de l’acheteur ou de l’autorité concédante. Elle sanctionnera les entreprises ne satisfaisant pas aux obligations prévues par la directive européenne n° 2022/2464 du 14 décembre 2022 dite « CSRD »,en ce qui concerne la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises.

Dans le détail : le projet de loi complètera pour ce faire l'habilitation à légiférer par ordonnance figurant dans la loi Daddue du 9 mars 2023, afin d'introduire ce nouveau cas d'exclusion en cohérence avec le calendrier de transposition de la directive « CSRD » qui sera également réalisée par ordonnance (avant le 9 décembre). L’ordonnance créant l’interdiction de soumissionner devra être prise - c'est une précision nouvelle – dans les quatre mois après la promulgation de la loi Industrie verte.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’Etat souligne que si celui-ci « crée une possibilité et non une obligation pour les acheteurs publics, le respect du principe d’égalité impose que, lorsqu’elle est mise en œuvre, cette cause d’exclusion soit appliquée de manière identique à tous les candidats ».

Une seconde interdiction de soumissionner facultative, prise cette fois directement par le projet de loi (art. 13), visera les personnes soumises à l’obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (en vertu de l’article L. 229-25 du Code de l’environnement, ciblant notamment les entreprises de plus de 500 personnes) qui ne sont pas dans les clous l'année précédant l'année de lancement du marché ou de la concession.

Le Spaser étend son champ

L’article 13 prévoit l’élargissement de l’obligation de conclure un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser), à tous les acheteurs soumis au Code de la commande publique (CCP) dont le montant total annuel des achats est supérieur à un montant fixé par voie réglementaire – actuellement fixé à 50 millions d’euros H.T. Cela englobera donc l’Etat. Aujourd’hui, seuls sont assujettis les collectivités territoriales et les acheteurs soumis au Code de la commande publique (CCP) dotés d’un statut législatif (SNCF, La Poste par exemple) dans les conditions de seuil précitées.

Pour faciliter la tâche, l’article 13 précise que plusieurs acheteurs peuvent mettre leurs objectifs d’achat responsable en commun au sein d’un Spaser élaboré conjointement. Selon l’étude d’impact du projet de loi, cela « permet de réduire les coûts administratifs pour les acheteurs et d'avoir une stratégie d'achat responsable plus ambitieuse et cohérente par rapport au territoire des bassins d'activité et d'emploi. De même, cette mise en commun des Spaser, notamment par des acheteurs d'un même territoire, a également vocation à favoriser la visibilité auprès des opérateurs économiques locaux de la stratégie d'achat sur un territoire donné. »

L’offre économiquement la plus avantageuse remaniée

Contre l’avis du Conseil d’Etat, le gouvernement a maintenu dans son projet de loi (art. 13) une disposition à insérer dans l’article L. 2152-7 du CCP, lequel énonce que le marché est attribué à l’auteur de l’offre économiquement la plus avantageuse. Y serait ajouté que : «L’offre économiquement la plus avantageuse est déterminée sur la base du prix ou du coût, selon une approche fondée sur le rapport coût-efficacité, et peut tenir compte du meilleur rapport qualité-prix, qui est évalué sur la base de critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux ».

Une précision destinée à « conforter les acheteurs dans leur démarche » selon l’exposé des motifs mais qui, selon le Conseil d’Etat, « ne change rien au droit positif », car « la partie réglementaire du code prévoit déjà que des critères environnementaux peuvent être pris en compte au titre de l’offre économiquement la plus avantageuse ». En outre, cet article L. 2152-7 du CCP a déjà été modifié par la loi Climat et résilience avec effet différé, au plus tard le 21 août 2026. « Un tel enchaînement de textes, dans un temps aussi court, n’est pas de bonne méthode législative et est inutilement complexe » conclut l’instance du Palais-Royal.

La voie ouverte à l’anticipation du verdissement obligatoire des marchés publics

Nouveauté par rapport à l’avant-projet de loi, la mouture déposée au Sénat (art. 13) modifie l’article 35 de la loi Climat et résilience - qui imposera notamment un critère environnemental obligatoire dans l’attribution des marchés publics d’ici août 2026 - pour permettre de fixer des dates « différenciées selon l’objet du marché ». Il s’agit ici en réalité d’une simple « clarification de l’habilitation du pouvoir réglementaire » à anticiper l’échéance de 2026 dans certains secteurs. Même si le législateur ne l’a pas attendue pour avancer l’échéance au 1er juillet 2024 pour l'attribution des marchés portant sur l'implantation ou sur l'exploitation d'installations de production ou de stockage d'énergies renouvelables, via la loi EnR du 10 mars 2023

L’objectif du gouvernement, une fois cette habilitation clarifiée par la loi, sera « d’accélérer la mise en œuvre obligatoire (dès juillet 2024 au lieu d’août 2026) de critères environnementaux dans les marchés publics pour des produits clés de la décarbonation (véhicules électriques, pompes à chaleur, etc.) », dévoile le dossier de presse relatif à la loi Industrie verte.

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