Comment la méthanisation influe sur la qualité de l’air et les odeurs

Une étude lancée par les Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) révèle que les unités de méthanisation, ces installations qui transforment des déchets organiques en biogaz, ont peu d’impact sur la qualité de l’air.

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L'unité de méthanisation G3 Environnement SARL à Coussey, dans les Vosges, fait partie des douze installations étudiées par le projet de recherche Aqametha afin d'évaluer l'impact des odeurs et de la qualité de l'air sur les riverains.

« La première maison située à 150 m de mon unité de méthanisation est la mienne, celle d’à côté est celle de mes voisins qui n’ont rien à voir avec nos activités agricoles, et le village se situe en contrebas, sous les vents dominants », commence Silvère Adam, l’ancien éleveur devenu gérant de l’unité de méthanisation G3 Environnement à Coussey, dans les Vosges. Son implantation en 2013 n’était pas sans gêner les riverains, qui se plaignaient des odeurs et s’interrogeaient sur la qualité de l'air.

C’est pourquoi l’installation a été choisie comme lieu d’expérimentation dans le cadre du projet national Aqametha. Lancé en 2021, et porté majoritairement par les Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), « il étudie les effets de la méthanisation. Un enjeu d'autant plus important que cette technologie est en plein essor avec près de 1500 installations dénombrées en France », indique Emmanuel Jantzem, responsable unité enjeux émergents à la direction aménagement et développement d’Atmo Grand Est. Douze unités de méthanisation réparties dans six régions ont ainsi servi de laboratoires de mesures, durant deux campagnes reparties sur deux semaines par unité. Les premiers résultats, traduits en graphiques très visuels, apportent de bonnes nouvelles.

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unité de methanisation a coussey dans les vosges unité de methanisation a coussey dans les vosges (Emmanuel Jantzem)

Les points de mesures olfactifs, situés sur la carte selon leur intensité, sont visualisables sous forme de graphique. On observe que l'intensité des odeurs est faible à modérée du côté des trois fosses de stockage (en haut à g.) où sont d'abord entreposés les déchets organiques (effluents d’élevage, déchets agricoles …). L'intensité est la plus forte (point rouge) au niveau du digesteur, là où sont brassées, chauffées, et privées d’oxygène les matières afin d’optimiser le processus de dégradation pour produire du biogaz et du biométhane. © Atmo Grand Est

Les polluants sous les seuils recommandés 

Côté qualité de l’air, l’étude s’est concentrée sur l’exposition à l’ammoniac et à l’hydrogène sulfuré. Elle révèle que leurs concentrations diminuent à distance de la source et se situent sur la période de mesure en dessous des valeurs définies par les organismes de santé publique.

Concrètement, des échantillonneurs passifs ont mesuré les concentrations d’ammoniac et d’hydrogène sulfuré dans l'air, à diverses distances de l’unité sur quatre sites de mesures, et au niveau des zones habitées. La collecte de données a été réalisée en juin et octobre 2022 et 2023, avec des conditions météorologiques et de vents différents, durant deux fois quatorze jours soit quatre semaines au total.

Pour l’ammoniac, la concentration moyenne, mesurée sur l’ensemble des unités en limite de propriété sur la période de quatre semaines est de 12,5 μg/m3, bien en dessous des valeurs toxicologiques de référence de l’Anses (500 μg/m3 sur 1 an). La concentration maximale observée sur un site sur une semaine est de 78 μg/m3. Pour les premières habitations, la concentration moyenne n’est plus que de 3,8 μg/m3, avec une concentration maximale observée sur une semaine de 25 μg/m3 sur un site.

Pour l’hydrogène sulfuré,les concentrations moyennes en limite de propriété sont très faibles, de 1 μg/m3, avec une concentration maximale observée sur une semaine de 5 μg/m3 sur un site. Au niveau des premières habitations, elles s’élèvent en moyenne à 0,4 μg/m3, et jusqu’à 2 μg/m3 pour les maximales. Ces valeurs sont presque en dessous des minimales que l’analyse peut détecter, et donc bien inférieures à  la valeur guide sanitaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 150 μg/m3 sur 24 heures.

Une dispersion des odeurs au delà de 230 m 

Côté odeur, l’analyse de le leur dispersion révèle une présence olfactive significative près des sources (entre 0 et 230 m), diminuant également rapidement avec la distance. Pour l’évaluer, la campagne olfactive a suivi la méthodologie du langage des Nez. Ce référentiel permet aux experts à l’odorat surdéveloppé de décrire l’ambiance olfactive de la façon la plus objective possible à partir de molécules odorantes organisées selon leur dominance (notes phénolées, souffrées, etc). 38 notes olfactives ont été recherchées.

Les secteurs les plus odorants sont les stockages d’intrants solides, en particulier en présence de matières animales comme du fumier et les trémies en extérieur permettant l’alimentation du digesteur. Plus généralement, les phénomènes de fermentation et de dégradations organiques sont le plus souvent associés aux intensités odorantes les plus élevées. Au-delà de 230 m, la diminution de l’intensité odorante varie en fonction de l’installation, passant à une faible intensité jusqu’à 2,3 km de la source. Des données qui collent avec la réglementation qui impose un éloignement de l'installation de 200 m minimum.

Les préconisations établies 

L'ensemble de ces résultats seront publiés dans un rapport complet d’analyse à la fin du premier semestre 2025. Il présentera le protocole de mesures et les taux obtenus autour des douze unités investiguées au niveau national. « Il apportera aussi des préconisations à l’intention des exploitants, comme de minimiser les durées de stockage, couvrir les fosses ou encore maitriser les échappements d’odeurs lors des opérations occasionnelles de maintenance et d'en informer en amont les riverains », prévoit Emmanuel Jantzem. Ce qu’appuie le gérant de l’unité de Coussey : « nos soucis d’odeur du brassage des matières organiques dans le digesteur ont pu être réglés par la réalisation de parfaites étanchéités. Nous évitons aussi l’apport d’effluents depuis deux autres fermes voisines les week-ends et prévenons le maire lors d’opérations techniques ».

Un projet porté par un collectif

Aqametha regroupe 8 porteurs de projet (Atmo France,?Air Pays de la Loire,?Atmo Hauts-de-France,?Atmo Normandie,?Atmo Grand Est,?Atmo Auvergne-Rhône-Alpes,?Atmo Nouvelle-Aquitaine?et la société Osmanthe) et des partenaires issus des milieux académiques (IMT Nord Europe?et l’Université du Littoral-Côte-d’Opale), professionnels (Ademe, Gaz Réseau Distribution France,?Centre Technique national du Biogaz et de la Méthanisation) et associatif (France Nature Environnement). Cet équilibre entre les partenaires permet de prendre en compte les différentes sensibilités et regards, avec un socle technique et neutre garanti par les Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA).

Ce projet est développé dans le cadre des appels à projets 2020  : « Comment préparer aujourd’hui la qualité de l’air de demain » associé au programme de recherche?Aqacia?(Amélioration de la Qualité de l’Air : Comprendre, Innover, Agir) financé par l’Ademe. GRDF est également cofinanceur du projet.

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