Les projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale sont examinés par une commission départementale d’équipement commercial (CDEC), créée par arrêté préfectoral. L’article L.751-2 du Code de commerce fixe à six le nombre des membres de la CDEC, qui se repartissent entre les élus locaux et les représentants d’organismes socioprofessionnels, le préfet présidant la commission sans prendre part au vote.
Pour chaque demande d’autorisation, un arrêté préfectoral fixe la composition de la commission, cette dernière variant selon chaque demande en fonction du lieu d’implantation du projet (article R.751-6 du Code de commerce).
Nom ou fonction ?
S’agissant de cet arrêté de composition, le juge administratif a été amené à trancher la question suivante : le préfet du département peut-il désigner les membres de la CDEC par la seule indication de leur mandat ou fonction, ou bien doit-il procéder à la désignation nominative des membres ?
Les cours administratives d’appel ont adopté des positions divergentes. Dans un arrêt du 30 décembre 2003 « Union Hôtelière de Bayeux », la CAA de Nantes a considéré que l’arrêté de composition de la CDEC ne peut désigner les membres par leurs seuls mandats ou fonctions sans les identifier par leur nom, sinon la commission est considérée comme irrégulièrement composée et ses décisions délivrées à l’issue d’une procédure irrégulière (1).
Dans le même sens, plus récemment, les CAA de Nantes, Versailles et Bordeaux ont jugé que le préfet doit, afin de permettre aux intéressés de s’assurer de l’impartialité de la commission, et sous peine de méconnaître une formalité substantielle, préciser l’identité des représentants éventuels des élus et autorités composant la commission (2).
Les juges d’appel ont ainsi repris la solution précédente de l’arrêt « Union hôtelière de Bayeux ». Cependant, ils ont adopté une rédaction qui permet la désignation des élus par leur seule fonction et celle des représentants de ces élus et des autres autorités par leur identité, l’important étant de pouvoir identifier chaque membre de la CDEC pour s’assurer de son impartialité.
Le raisonnement des juges résulte notamment d’une lecture combinée de plusieurs articles du décret n° 93-306 du 9 mars 1993 et notamment de l’ancien article 11 (actuel article L.752-13 du Code de commerce) qui dispose « qu’aucun membre de la commission départementale ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt personnel et direct ou s’il représente ou a représenté une des parties intéressées ».
L’intention des juges d’appel est donc de s’assurer de l’impartialité des membres de la CDEC.
Règle prétorienne
Toutefois, cette jurisprudence est largement critiquable. En effet, cette règle ne repose sur aucun texte, l’article R.751-6 du Code de commerce se contentant de disposer que « pour chaque demande d’autorisation, un arrêté préfectoral fixe la composition de la commission », sans préciser que cet acte désigne nominativement les membres de la CDEC.
Par ailleurs, cette règle prétorienne est facteur d’insécurité juridique puisque rares sont les arrêtés de composition qui précisent l’identité des membres des commissions.
Les juges de la première chambre de la CAA de Lyon (3) l’ont compris puisque dans un arrêt du 24 mai dernier, ils ont considéré que les dispositions du décret du 9 mars 1993 « n’imposent pas au préfet, au stade de l’arrêté fixant la composition de la commission, de désigner nominativement ceux des membres de la commission qui sont suffisamment identifiés par la désignation de leur fonction ou de leur mandat; que si ces personnalités peuvent se faire représenter, il n’appartient pas non plus au préfet de désigner par avance la personne ainsi appelée à siéger selon les usages de la fonction représentée ».
Le Conseil d’Etat devra donc trancher très rapidement entre ces prises de position afin d’unifier la jurisprudence administrative.
Incertitude
Une décision du Conseil d’Etat du 28 novembre 2005 (4) laisse d’ailleurs à penser qu’il pourrait juger à l’avenir que le préfet n’est pas tenu de désigner nominativement les membres de la CDEC appelés à siéger sur une demande d’autorisation d’exploitation commerciale.
En effet, à l’occasion d’un recours contre une ordonnance de référé suspension, la haute juridiction administrative a considéré, sur le fondement de l’article L.822-1 du Code de justice administrative (5), que l’absence de désignation nominative des membres de la CDEC n’était pas un moyen sérieux de nature à permettre l’admission du pourvoi.
Cette décision d’espèce, qui constitue un rejet de l’admission d’un pourvoi en cassation, est insuffisante pour en déduire avec certitude que le Conseil d’Etat consacrera la solution retenue par la CAA de Lyon dans son arrêt du 24 mai 2007.