Jurisprudence

Contestation d’un marché de conception-réalisation : l’intérêt à agir de l’Ordre des architectes rogné

Par trois arrêts rendus début juin, la Haute juridiction administrative a jugé qu’un conseil régional de l’ordre des architectes n’avait pas d’intérêt à agir pour demander l’annulation d’un marché au motif qu’il aurait été passé indûment en conception-réalisation.

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Conception-réalisation
Le Conseil d'Etat réduit l'intérêt à agir du conseil régional de l'ordre des architectes
Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2014/04/04N°358994
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2020/06/03N°426932
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2020/06/03N°426933
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2020/06/03N°426938

Coup dur pour les architectes. Dans trois décisions du 3 juin, le Conseil d’Etat a limité les capacités d’action de l’Ordre des architectes pour contester un marché de conception-réalisation. Les faits de l’affaire sont simples : en 2014, le département de Loire-Atlantique attribue trois marchés de conception-réalisation pour la construction de collèges. Le conseil régional de l'ordre des architectes (Croa) des Pays de la Loire demande au tribunal administratif de Nantes - via un recours dit « Tarn-et-Garonne » - l'annulation, ou à défaut la résiliation des marchés. Il soutient que le recours à la conception-réalisation est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 37 du Code des marchés publics (reprises aujourd’hui à l'article L. 2171-2 du Code de la commande publique).

Devant la cour administrative d'appel de Nantes, en novembre 2018, le Croa obtient gain de cause et donc l'annulation des marchés. La CAA estimait que les critères retenus justifiant le recours à la conception-réalisation n'étaient en réalité pas remplis. L’affaire arrive finalement devant le Conseil d’Etat.

Rappel de l’intérêt à agir

La Haute juridiction administrative rappelle tout d’abord les principes du recours « Tarn-et-Garonne » (CE, Assemblée, 4 avril 2014, « Département de Tarn-et-Garonne », n° 358994). Et notamment le fait qu’un tiers à un contrat administratif n’est recevable à contester la validité d’un contrat que s’il est susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou par ses clauses.

Par ailleurs, elle souligne que selon l'article 26 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture, « le conseil national et le conseil régional de l'ordre des architectes [...] ont qualité pour agir sur toute question relative aux modalités d'exercice de la profession ainsi que pour assurer le respect de l'obligation de recourir à un architecte. »

Pas de lésion directe et certaine

Néanmoins, poursuit le Conseil d’Etat, « si, en vertu des dispositions de l'article 26 précité de la loi du 3 janvier 1977, les conseils régionaux de l'ordre des architectes ont qualité pour agir en justice en vue notamment d'assurer le respect de l'obligation de recourir à un architecte,la seule passation, par une collectivité territoriale, d'un marché public confiant à un opérateur économique déterminé une mission portant à la fois sur l'établissement d'études et l'exécution de travaux ne saurait être regardée comme susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs dont ils ont la charge. » Autrement dit, dans le cadre d’un recours en contestation de validité d’un contrat, les marges de manœuvre d’un Croa sont dorénavant limitées. Le Conseil d’Etat rejette les trois requêtes.

Cette décision marque un tournant dans la jurisprudence administrative. Pour mémoire, en 2001 (CE, 28 décembre, n° 221649), le Conseil d'Etat avait jugé que le conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, garant des intérêts collectifs de la profession, avait un intérêt à agir pour contester le choix d’une collectivité de recourir à la conception-réalisation pour la restructuration d’un collège.

CE, 3 juin 2020, n° 426932, mentionné au recueil Lebon

CE, 3 juin 2020, n°426933

CE, 3 juin 2020, n°426938

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