Enquête

Contrat : le CPE, l'autre bouclier énergétique

Sommées de rendre leur bâti plus sobre, les collectivités peuvent opter pour une garantie réelle de performance énergétique.

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A Bonneville (Haute-Savoie), c'est à l'unanimité que le conseil municipal a décidé l'an dernier de s'engager dans la voie du contrat de performance énergétique (CPE) pour l'éclairage public de la commune. « C'était très fédérateur car ce type de contrat comporte peu de risques pour la collectivité, estime la directrice générale des services, Anaïs Danjou. Et l'augmentation du coût de l'énergie nous conforte dans notre choix ! » Le marché, attribué en août pour 9,2 M€, permettra à cette ville de réaliser en dix ans 72 % d'économies d'énergie grâce à l'installation de leds et à l'extinction monitorée de certaines zones.

A l'heure où les collectivités sont prises à la gorge sur leurs factures d'énergie et manquent parfois de ressort pour investir, « le CPE est un bel outil de passage à l'acte », plaide Alban Lapierre, président d'Altyn et de sa filiale Alteresco, entreprise générale spécialisée dans le CPE. L'idée : les collectivités étant aujourd'hui tenues de rénover énergétiquement, notamment leur parc tertiaire, autant le faire avec la certitude d'atteindre les objectifs de réduction de leurs consommations - ou d'obtenir une indemnisation. La garantie de performance énergétique, sur la durée du contrat, constitue en effet l'atout essentiel du CPE en ces temps d'inflation. « C'est une obligation de résultat, souligne Olivier Ortega, avocat chez LexCity, et le protocole international de mesure IPMVP est un vrai gardien de la paix pour vérifier si les performances contractuellement prévues sont atteintes. » De fait, sur les quelque 70 CPE qu'il a accompagnés en tant qu'AMO, l'avocat n'a constaté « aucun contentieux, aucune expertise ».

Retour sur investissement accéléré. Les opérateurs œuvrent à rassurer les collectivités. Pour Benoît Martin, directeur Territoire Centre-Ouest en charge des sujets CPE pour Engie Solutions, « les planètes s'alignent pour favoriser ces contrats ; le pic énergétique raccourcit le temps de retour sur investissement. Et certains CPE sont très faciles à lancer ». Le secteur propose en effet des CPE pilotage, sans gros investissements, permettant des économies de 6 à 15 % ; des CPE systèmes, comprenant la rénovation des installations de production et de distribution d'énergie (20 à 30 % de gains) ; et des CPE bâtimentaires (35 à 50 % de gains). « Des clients, comme les départements, utilisent les trois types de CPE sur leur parc, selon les ouvrages », souligne l'énergéticien.

La clé du succès tient en effet dans le choix du bon vecteur contractuel au regard de son patrimoine - et sans fantasme, avertit Olivier Ortega : « Un CPE avec travaux ne s'autofinancera pas en totalité. » La phase d'études est primordiale, et l'on constate un frémissement des demandes de conseils depuis quelques semaines. « Si le CPE peut couvrir une bonne partie des besoins des personnes publiques, il sera sans doute trop lourd pour un petit bâtiment d'une commune, au vu de l'ingénierie contractuelle, juridique et financière requise, analyse Alban Lapierre. Mais ces coûts peuvent être facilement amortis dès lors qu'on massifie : pour réhabiliter 8 ou 10 bâtiments, c'est pertinent. » Voire beaucoup plus, à l'instar du département de la Gironde, qui mène actuellement un dialogue compétitif pour un CPE en marché global de performance sur ses 111 collèges publics. Les collectivités peuvent aussi former des groupements de commande. « L'essentiel étant d'avoir une situation de référence très précise », insiste Benoît Martin.

Etudes d'opportunité. Des initiatives foisonnent pour faciliter la tâche des personnes publiques. Ainsi en est-il du clausier CPE que vient de publier la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Ou encore du marché que vient d'attribuer le Syndicat de gestion des énergies de la région lyonnaise (Sigerly) pour la réalisation d'études d'opportunité CPE sur une partie du patrimoine bâti de communes membres. « Nous renouvelons l'expérience menée en 2019, grâce à des fonds de l'Ademe, qui souhaite pousser les CPE, relate Eric Perez, président du syndicat. La première vague avait permis de mener 11 études sur 70 bâtiments. Ce qui a abouti à quatre CPE, signés par des petites municipalités, pour des grappes de bâtiments, mais aussi dans l'un des cas pour la seule réhabilitation- extension d'une salle polyvalente. » L'outil, aussi alléchant soit-il, ne peut faire pour autant des miracles. « Sur les CPE aujourd'hui en phase travaux, l'exécution est compliquée, avec des surcoûts de l'ordre de 10 à 40 % sur certains matériaux, pointe Alban Lapierre. Et l'inflation conjuguée aux problèmes d'approvisionnement vont renchérir les prestations. Mais c'est le cas quel que soit le type de contrat. Le CPE a au moins l'avantage de garantir une baisse des consommations. » En cela, ce contrat constitue, selon les mots d'Olivier Ortega, « un bouclier énergétique, toutes choses égales par ailleurs » - l'opérateur s'engageant en général sur une réduction des kWh, pas du prix directement.

La conjoncture pourrait reconfigurer un peu la demande, avec des exigences plus fortes des clients sur les objectifs de performance et sur la méthode pour les atteindre. Ainsi, le Sigerly « pousse à aller de plus en plus loin sur les critères de performance », indique Eric Perez. Tout en rappelant que « le CPE n'est qu'un outil parmi d'autres : nous travaillons aussi sur le recours à l'intracting mutualisé comme le fait le syndicat Energies Vienne ». Il s'agit d'avances apportées par la Banque des territoires au syndicat, qui seront remboursées grâce aux économies d'énergie générées par les travaux mis en œuvre par chaque collectivité.

Préservation des PME. Pierre Le Goff, maire de Guimaëc (Finistère) et référent Commande publique de l'AMF, montre, lui, peu d'appétit pour le CPE, estimant que les petites collectivités peuvent généralement se contenter « d'un gros audit et d'un plan pluriannuel d'investissement » et alertant sur « la préservation du travail des artisans et des PME ». CPE n'est toutefois pas fatalement antinomique avec PME : « Quelque 80 % de notre marché d'éclairage public sera réalisé par des entreprises locales, rassure Eric Drouart, responsable d'opérations à la mairie de Bonneville. Nous aurions pu procéder classiquement par bons de commande, mais le CPE nous permet de nous projeter sur dix ans, avec des clauses de revoyure régulières qui permettront éventuellement d'accélérer les investissements. » La rédaction de ces contrats permet en effet toujours des ajustements afin de tenir compte des changements climatiques ou du volume de mètres carrés chauffés. Souple, l'outil pourrait permettre d'éviter les fermetures temporaires d'équipements publics pour cause d'explosion des factures…

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