Comme nous l’avons décrit dans notre épisode précédent, 27 % des bureaux de contrôle présentent des liens avec soit des acteurs du monde des CEE, soit des entreprises de travaux. Ces liens peuvent prendre trois formes. La plus fréquente est celle de l’actionnariat ou des dirigeants : une même personne détient du capital ou un mandat social dans un bureau de contrôle et une autre société. Ce lien d’actionnariat ou de direction est parfois indirect. L’actionnaire du bureau de contrôle est alors co-actionnaire ou co-dirigeant d’une autre société, avec une personne ayant des intérêts dans le monde des CEE ou des travaux. Enfin, nous avons identifié un cas spécifique, celui de deux actionnaires fondateurs d’un bureau de contrôle par ailleurs salariés, pour l’un, d’un énergéticien et, pour l’autre, d’une société commerciale dans le monde des CEE.
Encadrement des liens
Un document du Cofrac (INS 31) précise que « l’existence d’un lien autre qu’une relation client-fournisseur entre l’organisme d’inspection et un acteur du dispositif CEE est compatible avec le respect des exigences d’indépendance de type A, sous réserve que l’acteur auquel est lié l’organisme d’inspection ne soit pas engagé, par exemple, dans la conception ou la réalisation des opérations d’économies d’énergie ou n’en prenne pas la responsabilité. » Le paragraphe suivant du même document précise que « dans le cas contraire, l’organisme d’inspection doit démontrer qu’il respecte les exigences de l’annexe A.1d) de la norme NF EN ISO/IEC 17020 pour faire en sorte que la nature de ses liens ne puisse pas influencer les résultats de ses inspections. »
Nous avons pu consulter cette norme NF, qui fixe le cadre de l’accréditation des organismes d’inspection. Voici ce qu’elle énonce dans son annexe A1. « L’organisme d’inspection (…) doit répondre aux exigences ci-dessous :
a) L’organisme doit être indépendant des parties engagées,
b) L’organisme d’inspection et son personnel ne doivent s’engager dans aucune activité incompatible avec leur indépendance de jugement et leur intégrité en ce qui concerne leurs activités d’inspection. En particulier, ils ne doivent jouer aucun rôle dans la conception, la fabrication, la fourniture, l’installation, l’acquisition, la possession, l’utilisation ou la maintenance des objets inspectés.
(…)
c) Un organisme d’inspection ne doit pas faire partie d’une entité juridique agissant dans les domaines de la conception, de la production, de la fourniture, de l’installation, de l’acquisition, de la possession, de l’utilisation ou de la maintenance des objets qu’il inspecte.
(…)
d) Un organisme d’inspection ne doit pas être lié à une entité juridique agissant dans les domaines de la production, de la fourniture, de l’installation, de l’acquisition, de la possession, de l’utilisation ou de la maintenance des objets inspectés par :
1) Un même propriétaire, sauf lorsque les propriétaires n’ont pas la capacité d’influer sur les résultats d’une inspection ;
2) Des personnes nommées par un propriétaire commun aux conseils d’administration ou équivalent dans les organisations, hormis lorsqu’ils exercent des fonctions qui n’ont aucune influence sur le résultat d’une inspection.
Réalité des liens
La liste que nous présentons en infographie ne présume en rien du niveau d’endogamie des inspections de chaque bureau de contrôle – il n’existe en effet aucune base de données publique rassemblant les informations sur le mandataire ou le délégataire, l’obligé, les entreprises de travaux et les bureaux de contrôle intervenus sur chaque chantier CEE. Elle n’a pour vocation que de démontrer la fréquence et la nature de liens d’intérêt, qui rendent chez certains les dérives possibles. Nous sommes allés au-delà des liens directs (actionnaire ou dirigeant en commun), pour mettre également en lumière les liens indirects, quand par exemple un bureau de contrôle est dirigé par une personne qui détient une autre société avec un associé impliqué soit dans l’univers des CEE, soit dans le monde de la rénovation.
Cette collecte de données a été réalisée à partir de la liste publique des bureaux de contrôle accrédités par le Cofrac, et avec les informations légales des entreprises sur le site Pappers.fr.