Superkilen, espace public de 750 m de long, se niche au cœur du quartier dense, populaire et multiethnique de Nørrebro, à Copenhague (Danemark). En lieu et place d'un délaissé attirant drogués et dealers, il accueille, depuis juin 2012, jeux pour enfants, terrains de sport et bancs publics. Superkilen est un espace ouvert, traversé par une route cyclable et se compose de trois parties aux couleurs et à l'atmosphère distinctes. « La place rouge », aux couleurs vives, est dédiée aux activités sportives et aux rassemblements. Jeunes enfants et personnes âgées se partagent « la place noire », plus calme. Enfin, « le parc vert », végétal et vallonné, accueille un vaste terrain de sport et des lieux de repos.
Ouvert sur la rue commerçante de Nørrebro, l'espace public est aussi connecté de toute part au tissu urbain environnant. Il s'inscrit dans une continuité piétonne et cyclable à l'échelle de la ville et la piste réservée aux vélos lui offre un flux régulier d'usagers. Lieu de passage comme de récréation, la diversité de ses fonctions y attire une population aux intérêts variés. Loin des aires de loisirs stéréotypées, Superkilen juxtapose jeux pour enfants et sports en tout genre sans barrières, ni séparation par classes d'âge.
Ce lieu atypique, marqué par des couleurs tranchées et des dessins au sol, témoigne de l'intérêt des Danois pour le graphisme et le design. Mais surtout, il est meublé d'une collection de 100 éléments de mobilier urbain différents venus de 57 pays.
Ce mobilier (bancs, poubelles, lampadaires, équipements sportifs...) a été suggéré par les résidents originaires de Turquie, du Pakistan, des Etats-Unis, de Bosnie, de Somalie, d'Afrique du Sud ou encore d'Espagne Tous ont participé à la réalisation du quartier. Constitués en jury, la Ville et les architectes ont retenu une centaine d'éléments. Chef du projet pour l'agence BIG, Nanna Gyldholm Møller explique qu'il a fallu adapter les jeux aux règles de sécurité locales, organiser l'acheminement du mobilier venant de l'autre bout du monde ou, finalement, répliquer certains éléments. Le groupe d'artistes de Superflex a même organisé avec des habitants des voyages en Espagne, Thaïlande, Palestine, Jamaïque et Etats-Unis, afin d'obtenir localement certains objets. C'est ainsi que deux Danoises d'origine palestinienne se sont rendues en Palestine pour chercher un peu de terre qui, après un contrôle d'usage, a été déversée en haut d'une butte du parc. Et qu'un toboggan en forme de pieuvre japonaise côtoie dorénavant une fontaine marocaine, que des barbecues argentins jouxtent des poubelles écossaises, que des palmiers venus de Chine prolongent une rangée de cèdres du Liban...
Ce projet conceptuel, ainsi que sa démarche d'élaboration, a été reconnu par les professionnels de l'aménagement. De leur côté, les habitants se sont rapidement appropriés les lieux. On aimerait penser qu'ils reconnaissent le sens donné à cet espace public. Pourtant, un an seulement après son ouverture, les usagers interrogés sont unanimes : ils s'y rendent car c'est un endroit agréable à côté de chez eux. Aucune référence n'est faite au caractère multiculturel de sa conception. Elle donne pourtant une identité forte à cet espace public qui s'inscrit dans une échelle locale et globale.







