Avec le Greffon, Gwendoline Dos Santos a mis sa double formation de designer et de paysagiste conceptrice au service de ses convictions : économiser les matières premières, promouvoir le réemploi.
Les modules de mélèze se fixent sur des bancs publics de toutes marques, auxquels ils donnent une seconde jeunesse : « Un projet d’obsolescence déprogrammée », commente Eric Sembach, dont l’agence de communication strasbourgeoise a organisé le 50ème anniversaire du fabricant alsacien de mobilier urbain Sineu Graff, fêté le 16 novembre au salon des maires.
Obsolescence déprogrammée
Lauréate du concours copiloté par l’industriel et la fédération française du paysage en catégorie jeune diplômé, Gwendoline Dos Santos espère libérer l’imagination des usagers : « J’ai pensé le greffon pour leur proposer de s’allonger, de s’accouder, d’étendre leurs jambes ou de faire du sport. Mais j’aimerais que d’autres idées émergent », dévoile la jeune femme établie depuis septembre dernier à Auxerre (Yonne), munie des diplômes de paysage, de design et des Beaux-Arts décrochés en 2019, 2016 et 2014 à Versailles, Bruxelles (école La Cambre) et Nîmes.
En catégorie paysagiste confirmé, le concours propulse un chorégraphe du mobilier urbain : comme un papillon sortant de sa chrysalide, les bancs compacts se transforment en salon de jeu ou de concert, dans les Modules S développés par Ken Novellas pour promouvoir la sieste, la scène ou le sport dans l’espace public.
Sieste, sport et scène
Les surfaces donnent une idée de l’ampleur de la métamorphose conceptualisée par le confondateur de l’agence marseillaise Puya Paysage : 3 mètres sur 2,5 en version compacte dédiée à la sieste, 15 à 20 m2 pour l’espace central délimité par les trois modules proposés pour la scène ou le sport.
En phase d’industrialisation après la fabrication des prototypes, les greffons et les modules S découlent d’une question qui taraudait la fédération française du paysage et Sineu Graff à la fin 2020 : comment sortir de la routine un partenariat établi de longue date ? « L’idée du concours est née autour d’un verre. Compte tenu des délais imposés par le cinquantième anniversaire de l’industriel à fêter au Salon des maires 2021, nous espérions 10 dossiers. Nous en avons récolté 30 », sourit Régine Debray, attachée de direction de la FFP.
Cerise olympique sur le gâteau
« Le mobilier urbain découle d’une vision globale de l’espace, avant de se matérialiser dans un objet. Cette conviction justifie un concours dédié aux paysagistes concepteurs », décrypte Vincent Schaller, P-DG de l’entreprise basée à Kogenheim (Bas-Rhin), au centre de la plaine d’Alsace.
Le rebondissement post-covid de l’industriel ne se limite pas au lancement commercial des deux œuvres lauréates : la cerise sur le gâteau du cinquantième anniversaire prend la forme du mobilier urbain du village olympique de 2024, un marché de 2,4 millions d’euros décroché à l’issue d’un dialogue compétitif lancé par la Solideo, maître d’ouvrages des installations.
Décarbonation en cours
Pour répondre au cahier des charges axé sur l’inclusion, l’industriel a réuni trois compétences : Clément Willemin pour le paysage, Alexandre Moronnoz pour le design et Riccardo Leone (Tactile Studios) pour l’ouverture à toutes formes de déficience, de la mobilité à la malvoyance.
Forte de ce succès, l’entreprise alsacienne, qui retrouve en 2021 les 13 millions d’euros de chiffre d’affaires de 2019 avec 85 salariés, poursuit son cap de décarbonation, dans le cadre d’un contrat avec l’agence de la transition écologique (Ademe). La consolidation des relations de proximité avec les fondeurs et scieurs en constitue le socle.