Dentelle de béton sur le Vieux-Port

2 MUCEM -

Relié au Fort Saint-Jean par une longue passerelle sans arc, ni hauban, le bâtiment d’exposition du MuCEM est enveloppé d’une résille tout en finesse. Derrière elle, des poteaux arborescents, non moins fins, assurent la structure du bâtiment. Un ouvrage qu’il aurait été impossible de construire sans l’utilisation des Bfup.

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Devant le Fort Saint-Jean, à l’entrée du Vieux-Port, le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), conçu par l’architecte Rudy Ricciotti associé à l’architecte marseillais Roland Carta, transforme radicalement l’arrivée sur Marseille (13) depuis la mer.

Un bâtiment audacieux doté d’une structure et d’une enveloppe béton qui cumulent les innovations technologiques. Le parti pris architectural était le suivant : réaliser un ouvrage à la structure légère et contemporaine, tant dans le dessin que dans la technologie utilisée. Ce qui fut possible, grâce à l’utilisation presque systématique du Béton fibré à ultrahautes performances (Bfup) pour les principaux éléments de la structure, à savoir les poteaux arborescents, la résille de façade et de la toiture. Sans oublier la passerelle de liaison avec le Fort Saint-Jean. En outre, l’ouvrage devait intégrer deux contraintes importantes dès la phase conception : stabilité au vent du fait de sa position géographique en bord de mer, et prise en compte anticipée dans les calculs du zonage sismique issu de la nouvelle réglementation parasismique.

Dix Atex pour vérifier les hypothèses

L’ensemble de ces points a évidemment requis un important travail de recherche et de méthodologie, notamment en termes de modélisation et de calcul appropriés au dimensionnement des éléments de la structure, sachant que l’ensemble est préfabriqué. Résultat ? Pas moins de dix Atex (Appréciation technique d’expérimentation) délivrées par le Cstb - huit pour les éléments en béton, deux pour les façades ont été nécessaires pour valider et vérifier les hypothèses de calcul. Par exemple, les poteaux ont été testés sur toute leur hauteur à des températures de 1 000 °C sur une face et de 20 °C sur l’autre pendant une heure et demie pour en contrôler la déformation. De même, ceux assurant le contreventement, à l’origine précontraints à hauteur d’étage, ont été adaptés au risque sismique par une précontrainte élargie à l’ensemble du bâtiment. C’est une technique connue, développée par Eugène Freyssinet, qui a été mise en œuvre : des rotules articulées, dont le dimensionnement a été préalablement défini par le biais d’une Atex, ont été placées en tête et en pied.

Pieux avec radier rapporté

Avant même la mise en place de la structure, le terrain d’implantation, difficile, a demandé un travail préparatoire important. En devers sensible vers la mer, le sol du môle J4 sur lequel est construit le bâtiment d’exposition du MuCEM, est constitué de remblais médiocres qui recouvrent le substratum stampien (marnes, grès et poudingues). Pour ne rien arranger, le niveau de la nappe se situe à une profondeur comprise entre 0,50 et 1 m environ par rapport au terrain fini. La réponse face à ces contraintes ? Une paroi moulée périphérique et des pieux avec radier porté. Soit une membrane d’étanchéité mise en place sous radier et sur les parois avec un traitement étanche de la reprise. Pour capter les fuites éventuelles et éviter l’humidité dans les sous-sols (auditorium, ateliers, locaux de stockage et locaux techniques), une double paroi drainée et ventilée en radier a été prévue sur les parois périphériques. L’interposition de blocs de rétention d’eau (50 cm d’épaisseur) entre le radier et la dalle basse du sous-sol a permis d’incorporer des caniveaux techniques, des réseaux et des puisards, et de créer ainsi un volume de stockage d’eau en cas d’incident.

Tous préfabriqués, les 308 poteaux de forme organique, dessinés par l’architecte, se déclinent en trois familles : des poteaux droits, de même section sur toute leur hauteur, ou coniques avec des sections inférieures en partie haute : en Y avec plusieurs formes de Y ; en N constitués de deux poteaux droits ou coniques reliés par une branche inclinée. Tous passent devant les poutres de rives des planchers et tous reçoivent, de ce fait, des charges excentrées qui les font travailler en flexion. L’assemblage des poteaux entre eux avec les radiers et poutres de rives des planchers a donc été réalisé par une précontrainte par post-tension, laquelle permet également d’augmenter la résistance en traction du Bfup.

Mise en œuvre « à l’envers »

Des excroissances en forme de départs de branches, disposées en tête et en pied des poteaux Bfup, reçoivent les ancrages des câbles qui sont tous de type actif. Pour rythmer l’ensemble et les répartir différemment, ils ont été mis en œuvre dans les deux sens, dans le plan du poteau à 0 ou 180°, soit vingt configurations différentes en tout.

Pour des raisons d’ordre économique, les planchers des salles d’exposition, poutres en L accolées de 22,65 m de portée, initialement prévus en Bfup, ont été réalisés en béton B60. En zone courante, ils supportent sur leur face supérieure un faux plancher utile au passage des réseaux (courants forts et faibles) et au traitement d’air. Ce dernier s’effectue par un soufflage en vrac qui permet d’adapter les bouches de ventilation en fonction de la muséographie. La sous-face, elle, est arrondie, notamment pour des raisons acoustiques. Elle prévoit aussi l’incorporation de l’éclairage et des gaines de désenfumage, tout en servant de support aux grilles de suspension des œuvres. L’ensemble de ces contraintes a imposé la réalisation de plancher, dont la charge d’exploitation permet d’accepter en tout point des charges concentrées poinçonnantes isolées et la circulation d’un transpalette ou d’un plateau roulant.

Sur le plan technique, les poutres ont été préfabriquées et précontraintes par prétension de fils adhérents et reposent sur des poutres périphériques. Celles du plancher terrasse, plus sollicitées que les poutres courantes - du fait de la charpente métallique porteuse de la résille de toiture, ainsi que des potences auxquelles sont suspendues les passerelles périphériques - ont le même coffrage avec une précontrainte renforcée.

Deux types de résille

Compte tenu de la complexité et pour des raisons de phasage, le bâtiment a été monté « à l’envers ». Alors qu’habituellement les poteaux en béton sont coulés sur un niveau pour construire le plancher supérieur sur lequel il repose, ici ce sont les planchers qui ont d’abord été mis en place sur étaiement, de façon indépendante des poteaux.

Une fois tous les éléments posés, lesdits planchers ont été raccordés à la structure et les étais démontés un à un en partant des étages supérieurs jusqu’au rez-de-chaussée. Seule la précontrainte par post-tension autorise une telle mise en œuvre.

Élément le plus visible du bâtiment, la résille en béton, dont l’une des fonctions est de filtrer la lumière, est de deux types : résille de façade et résille de toiture. Les éléments de la première, tous préfabriqués en Bfup - branche de 7 x 8 cm d’épaisseur - sont autoportants et, de fait, posés au sol sur les fondations. Ils sont tenus horizontalement par des tangons bi-articulés en appui sur les montants du mur-rideau du cube musée. Dotés de douilles filetées préscellées, ils peuvent être ainsi fixés sur des « mains » à 4 doigts par boulonnage, avec interposition de rondelles en polyuréthanne. Ces dernières viennent rattraper les inégalités d’état de surface et autorisent une certaine liberté de rotation, afin de ne pas induire d’efforts parasites.

En toiture, la résille, également composée de brins de Bfup, a été posée sur une ossature métallique et sur des potences extérieures en Bfup. Autoportants, les panneaux de 6 x 3 m sont désolidarisés des ossatures au moyen de ressorts en polyuréthanne. Et ce, pour assurer la compatibilité des déformations entre les éléments de résille et la charpente.

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