Des formulations pour une durée de vie calculée

Innovation : Evolution majeure dans la formulation des bétons, l’approche performantielle permet de prescrire un béton pour une durée de vie donnée. Encore peu développée, la nouvelle mouture de la norme béton la légitimise.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
PHOTO - 713443.BR.jpg

S’affranchir des normes est le rêve de tout professionnel de la construction. Un rêve souvent inaccessible. Le monde du béton ouvre une brèche : la seule et unique norme applicable sur les bétons de structure, la NF EN 206-1/CN, donne, en effet, dans sa nouvelle mouture entrée en application en décembre 2012, les possibilités de s’écarter de ses propres prescriptions ! Cela s’appelle l’approche performantielle. Elle représente une évolution majeure dans l’art de formuler les bétons. L’approche normative et prescriptive classique impose de manière empirique une composition donnée (par exemple, une quantité minimale de ciment) pour un type d’environnement précis (par exemple, un climat soumis aux attaques du gel). L’approche performantielle est quant à elle prédictive : elle part de la durée de vie attendue d’un béton soumis à un ensemble de mécanismes de détérioration déterminés. Sa composition est alors formulée et testée vis-à-vis de ses performances de durabilité, soit sa capacité à résister à ces agressions. Autrement dit, alors que l’approche prescriptive impose une obligation de moyens, l’approche performantielle exige des résultats « en laissant une liberté quant aux procédés mis en œuvre pour les atteindre », explique Christophe Aubagnac, chef de groupe au Centre d’études techniques de l’équipement de Lyon.

Ces moyens vont généralement dans le sens de la recherche du meilleur compromis entre durabilité et gain économique. Ainsi, il peut s’agir de remplacer une partie du clinker, constituant majoritaire des ciments classiques et émetteur de CO2, par des coproduits industriels au bilan carbone très avantageux, comme les laitiers de hauts-fourneaux. Ou de remplacer des granulats courants par des granulats extraits localement, moins qualitatifs a priori, mais que les tests de durabilité introduits par l’approche performantielle vont pouvoir valider.

Ouvrir l’horizon performantiel

La norme NF EN 206-1/CN ouvre l’horizon performantiel à travers trois méthodes, aux caractères progressifs.

La première est le nouveau concept de « béton d’ingénierie » (lire p. 35). « Il permet d’aller un peu plus loin que la démarche normative sur quelques critères en justifiant la durabilité du béton par une étude préliminaire, explique Jean-Marc Potier, du Syndicat national du béton prêt à l’emploi (SNBPE). Mais on reste dans une approche prescriptive dans le sens où les seuils de base et les essais de validation de la norme doivent être respectés. »

Deuxième approche, la notion de « Performance équivalente du béton ». Initiée par les fédérations des travaux publics (FNTP) et de l’industrie du béton (FIB), elle permet de formuler un béton dont la performance est au moins équivalente à celle du béton de référence prescrit par la norme, mais en remplaçant, par exemple, une partie du clinker par des additions. « L’approche est performantielle dans le sens où la formule est validée par des essais de performances de durabilité et non plus par les essais de la norme », commente Jean-Marc Potier.

Enfin, la norme évoque le principe de « conception performantielle ». « On est là dans l’approche absolue, où carte blanche est donnée sur la composition du béton (les constituants doivent néanmoins être normalisés) à partir du moment où les performances de durabilité sont atteintes. » C’est le concept historique et global initié en 2004 et détaillé dans un guide technique de référence publié en mars 2010 par l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar). Cette approche performantielle totale a été menée sur le pont du Tage, au Portugal, conçu pour une durée de vie de cent vingt ans. En France, elle a été testée et validée sur le viaduc de Volesvres (lire p. 37).Guide, cahiers des charges-types, premiers exemples de chantiers… L’approche performantielle est maintenant opérationnelle. Reste à la diffuser et à la démocratiser. Ce qui est encore loin d’être évident. En tant que démarche « intelligente » et novatrice, elle oblige en effet tous les acteurs - maîtres d’œuvre, entreprises, fournisseurs de béton -, à sortir de la routine du quotidien en remettant en question leurs habitudes.

Alors qu’un groupe de travail européen vise à intégrer pleinement l’approche performantielle dans la norme, la prochaine étape pourrait consister à l’appliquer sur un projet de grande ampleur, où elle pourrait réellement faire la démonstration de ses performances durables.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 713443.BR.jpg PHOTO - 713443.BR.jpg (Photo: Peter Casamento )

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 715081.BR.jpg PHOTO - 715081.BR.jpg (bruno Levy)

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 715083.BR.jpg PHOTO - 715083.BR.jpg
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires