Des idées neuves pour faire baisser la température

En combinant approche bioclimatique, solutions passives et low-tech, divers acteurs de la construction préparent les bâtiments aux défis posés par le réchauffement de la planète.

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Plus nombreux, plus sévères et plus précoces (44,3 °C le 28 juin dans le Vaucluse), les épisodes de canicule liés au dérèglement climatique conduisent à s'interroger sur la capacité des bâtiments à nous offrir une protection suffisante lors des périodes les plus chaudes. « L'introduction d'un nouvel indicateur de confort d'été en préfiguration de la RE 2020, la durée d'inconfort d'été statistique (Dies), devrait permettre une meilleure prise en compte du sujet, même si les premiers résultats semblent encore trop optimistes », analyse Solène Peyragrosse, responsable technique du BET Etamine. Les réglementations thermiques (RT) successives avaient bien porté une attention croissante à la performance énergétique. Mais elles se sont concentrées sur la thermique d'hiver -notamment l'isolation -et peu sur le confort d'été. « Or, lorsqu'un bâtiment concentre beaucoup d'apports internes, on s'aperçoit que plus il est isolé thermiquement, plus il est difficile pour lui d'atteindre une bonne performance en termes de confort estival », poursuit Solène Peyragrosse. Il peut ainsi exister une tension entre la gestion de la thermique d'hiver et de celle d'été. En conséquence, « il peut être plus pertinent d'être performant sur la thermique d'été, quitte à assouplir un peu le traitement de la thermique d'hiver. Notamment en tertiaire, où la part des besoins de chaud par rapport à celle des besoins de froid est entrain de se rééquilibrer. » Face au problème de surchauffe, la climatisation est longtemps apparue comme la réponse unique, dans le tertiaire particulièrement, mais également dans le logement neuf, où les bâtiments sont souvent équipés après livraison en dépit des préconisations de la RT 2012. Ce n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui, même si certaines habitudes ont la vie dure… Comme le remarque Armand Dutreix, responsable du BET Athermia, « la climatisation compense l'absence de traitement du confort d'été mais n'empêche en rien la chaleur de pénétrer ».

Amplification de l'effet d'îlot de chaleur. Un constat que confirme Charlotta Gehu, chef de projet Services innovants à la maîtrise d'ouvrage chez Nobatek/Inef 4 : « Un bâtiment climatisé n'est pas systématiquement confortable, même à température conforme. Il peut y avoir du rayonnement direct qui se traduira par une sensation de chaleur excessive, ou bien une stratification de l'air. » De plus, la climatisation est également synonyme de consommations énergétiques qui participent au réchauffement climatique et de rejets de chaleur qui pénalisent le climat en ville et amplifient l'effet d'îlot de chaleur urbain (ICU).

La climatisation ne peut plus être l'unique réponse à la surchauffe estivale des bâtiments.

Fort de ce constat, certains acteurs tentent de sortir des sentiers battus pour explorer de nouvelles pratiques, voire retrouver des savoir-faire anciens à même de rendre les constructions plus résilientes à la hausse des températures. L'atelier Wild Rabbits Architecture (WRA) est de ceux-là, comme le montrent les recherches menées depuis plusieurs années sur différents projets de crèche. « Pour la Crèche en papier, livrée en 2014 à Paris XX, nous avions travaillé avec le BET Tribu sur les points essentiels que sont les protections solaires extérieures, pour éviter la surchauffe, l'inertie des matériaux (sol, éléments en béton brut et doublage renforcé des façades légères), la sur ventilation nocturne naturelle avec un système de lanterneaux automatiquement ouverts dès que les équilibres de températures sont favorables, qui permet de recharger en fraîcheur l'intérieur du bâtiment », explique l'architecte Vladimir Doray. Le projet comporte également une toiture végétalisée qui agit sur le déphasage de l'onde de chaleur entre extérieur et intérieur du bâtiment, ainsi que sur l'effet ICU.

Les atouts du pisé. Sur la ZAC de Lyon Confluence, la société publique locale d'aménagement a aussi donné le ton en exigeant que les projets ne soient pas climatisés. Conçu par l'agence Clément Vergély Architectes, avec les BET Batiserf, Scoping et Etamine, le bâtiment Ydeal Confluence se caractérise par une enveloppe en pisé massif non isolée. Les simulations thermiques dynamiques ont mis en exergue le gain de confort d'été lié à la capacité de régulation hygrométrique de ce matériau ancestral. Un autre exemple est donné par la rénovation à Marseille d'une ancienne demeure des Petits Frères des pauvres, où le BET Athermia a participé à la mise en place d'un système de rafraîchissement adiabatique de l'air par simple évaporation d'eau. Peu gourmande en énergie, cette disposition permet ici de perdre jusqu'à 15 °C par rapport à l'extérieur.

Pour l'ensemble de ces défricheurs modernes, le traitement du confort d'été ne relève pas du défi technologique mais plutôt du cumul de solutions existantes. Aux pratiques bioclimatiques qui restent fondamentales, les concepteurs associent des plans traversants pour privilégier la ventilation naturelle, jouent sur l'inertie répartie, le déphasage thermique via des isolants bio-sourcés, la mise en place d'une fresh room (un lieu frais) au cœur du bâtiment où s'abriter, etc. Des techniques à faible impact environnemental émergent également : free-chilling, géothermie sans pompe à chaleur, etc. D'autres refont surface, comme les brasseurs d'air qui, s'ils ne font pas baisser la température, contribuent à un ressenti plus frais. Aux abords des constructions, l'effet ICU peut être atténué par un travail sur la végétalisation, le choix des couleurs, des matériaux, le recours limité à l'asphalte ou au bitume qui stockent la chaleur la journée et la restituent la nuit… Comme le résume Charlotta Gehu, « le confort d'été résulte d'une conception globale du bâtiment qui prend en compte le site, l'usage, les occupants, etc. Cette conception est optimisée grâce à la simulation thermique dynamique qui permet d'étudier le comportement du bâtiment heure par heure, pendant toute l'année, en fonction de l'ensemble de ces paramètres ».

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