4000 points de simulation au lieu de 50 : ces deux chiffres donnent la mesure du resserrement de la maille territoriale, entre Explore 2070, lancé dans les années 2010, et Explore 2, restitué le 29 juin dernier au ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. Coordonnés par l’Institut national de la recherche en agronomie et environnement (Inrae), les travaux visaient à modéliser l’hydrologie de la France à l’horizon 2100, au lieu de 2070 pour le précédent programme.
Quatre cartographies contrastées
Des fleurons de la recherche publique française ont conjugué leur compétence, comme le montre la participation du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de Météo France ou d’EDF. La quarantaine de chercheurs s’est appuyée sur les références climatiques des années 1976 à 2005, et non plus 1946 à 1965. « Autrement dit, une période déjà marquée par l’accélération du réchauffement », souligne Eric Sauquet, directeur de recherche en hydrologie à l’Inrae.
Une multitude de branches caractérise l’arbre des possibles qui résulte de leurs travaux. « La France se trouve au point de rencontre entre deux régimes climatiques qui marqueront la fin du siècle en Europe : plus sec au sud, plus arrosé au Nord », poursuit Eric Sauquet. « Les étés 2022 et 2023 ont successivement illustré ces deux tendances », rappelle Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement de l’Inrae. Quatre cartographies figurent la diversité des scénarii hydrographiques qui résulteraient d’une France à + 4°C, conformément à l’hypothèse moyenne retenue par le groupement intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec).
Transfert immédiat
Tant d’efforts pour tant d’incertitudes doivent-il décourager les gestionnaires de l’eau ? « Evidemment, non. Il faut d’abord y voir un encouragement à la sobriété. Ensuite les acteurs territoriaux doivent s’appuyer sur nos résultats pour chercher des solutions sans regrets, agiles et réorientables », suggère Eric Sauquet.
« L’éco-ingénierie et les solutions fondées sur la nature trouveront toute leur place, dans les trajectoires d’adaptation », ajoute Sonia Sauvé, coordinatrice de Life Eau Climat à l’Office international de l’eau. La simultanéité entre ce programme d’expérimentations, co-financé par l'Union europénne, et les travaux des chercheurs associés à Explore 2, a donné toute sa richesse au séminaire de restitution du 29 juin au ministère de la Transition écologique.

Le programme Life Eau Climat associe 9 territoires et 21 schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage).
Un guide pour les futurs Sage
Parties prenantes de 21 schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), soit 10 % de ces documents de planification locale à l’échelle des bassins versants, neuf territoires ont participé à Life Eau Climat. « Leurs travaux ont valorisé les résultats d’Explore II », se réjouit Sonia Sauvé. Dans le transfert de connaissance, elle souligne le rôle décisif joué par le portail eau mis en ligne par Météo France sous le nom de Drias Eau, acronyme de Donner l’accès aux scénarios climatiques Régionalisés français pour l’Impact et Adaptation de nos Sociétés et environnement.
Principal résultat de Life Eau Climat, un livre blanc servira de guide, pour les maîtres d’ouvrage des futurs Sage. La coordinatrice salue le franchissement d’un obstacle psychosociologique : « Ce qui bloque, c’est l’incompréhension, plus que l’incertitude », estime-t-elle, soulignant au passage le rôle de la sociologie, pour passer de l’étude à l’action.
Explore 3 en vue
Les représentants des sciences dites dures confirment : « De plus en plus, nous assistons à l’émergence du narratif, pour pointer l’incertitude », expose Eric Sauquet, pour justifier les quatre cartographies contrastées qui structurent Restore II. Il espère un déclic pour une nouvelle génération de Sage « plus transformateurs ».
Dans le prolongement des données libres d’accès, du mooc et des rapports de synthèse en instance de finalisation, le réseau de chercheurs constitué pour ce programme espère ne pas en rester là. « La maturation du groupe a nécessité une année. Nous pensons avoir progressé en vue d’un possible programme Explore 3 », espère Thierry Caquet.







