Deux baignades populaires au banc d’essai, à Nantes et Pantin

Fontaine ludique à Nantes, piscine phyto-épurée à Pantin : avec des choix techniques différents, deux baignades illustrent la montée en puissance des paysagistes, pour amener les bienfaits de l’eau aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

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La fontaine ludique de Nantes(à droite) et la piscine phyto-épurée de Pantin (à gauche) ont joué les premiers rôles, dans la journée technique du 12 juin co-organisée par Hortis et la ville de Paris sur les espaces verts dans les quartiers populaires.

Les enfants du quartier nantais Bottière Pin sec redécouvriront la pataugeoire Grande Garenne à la fin juin. Deux espaces de 70 m² rompent avec la rigueur géométrique du cercle de 180 m² qui caractérisait l’ancien équipement.

Nantes mixe les usages

Cohérente avec une volonté de mieux s’intégrer au décor forestier, la forme plus organique répond à la diversité des demandes des habitants du site situé à la frontière entre grand ensemble et lotissement pavillonnaire. « D’un côté, les personnes à mobilité réduite bénéficieront de l’accès aux jets d’eau. De l’autre, les enfants demandent un peu de profondeur, limitée à moins de 40 cm. Ils veulent aussi se trouver à portée de voix de leurs parents, lorsque ces derniers les appellent à table », restitue Virginie Michaud, de l’Atelier 360°.

Fontaine ludique Nantes
Fontaine ludique Nantes Fontaine ludique Nantes

La nouvelle pataugeoire de Grande Garenne ouvrira cet été à Nantes. © Atelier 360°

La paysagiste conceptrice a coulé la nouvelle pataugeoire dans le moule tracé par sa consoeur Jacqueline Osty, mandataire de la transformation des grands ensembles du quartier Bottière Pin Sec, répartis sur 40 hectares inscrits au programme national de renouvellement urbain. L’approche contextuelle a entraîné un léger déplacement de la baignade : « Les enfants n’auront plus besoin de la contourner pour aller à l’école, et la libération d’un pied d’arbre améliore son ensoleillement », précise Virginie Michaud, invitée à présenter le projet le 12 juin dernier lors de la première journée technique co-organisée par Hortis avec la direction des espaces verts et de l’environnement et le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Paris (voir encadré).

Pantin abandonne le chlore

La principale évolution technique découle du nouveau statut de l’équipement, qui a mobilisé 600 K€ d’investissement : le classement en « fontaine ludique » dédouane la ville, maître d’ouvrage, des obligations réglementaires associées aux piscines, en particulier la surveillance par des maîtres-nageurs. Désormais en circuit fermé pour limiter les consommations d’eau, l’équipement reste dépendant du traitement au chlore, en complément du filtre à sable.

parc Diderot
parc Diderot parc Diderot

La baignade du parc Diderot de Pantin prépare sa cinquième saison. © LM

Egalement en circuit fermé, la baignade ouverte en 2021 au parc Diderot de Pantin se démarque du projet nantais : la ville tient bon sur l’abandon des traitements chimiques, et ne recule pas devant les contraintes du statut de piscine. L’audace a constitué sa marque de fabrique, dès la phase concours, en 2015 : « En proposant une pièce d’eau, Michel Péna a répondu à côté du programme », rappelle Ghislain de Larouzière, paysagiste concepteur et président de Péna Paysages. La visite du site a clôturé la journée technique du 12 juin.

Ingénierie invisible

Non content d’accepter la proposition inattendue, le maire de Pantin Bertrand Kern l’a enrichie par l’idée d’une baignade, « avant que les îlots de fraîcheur ne deviennent à la mode », souligne Ghislain de Larouzière. La pièce d’eau, dont la profondeur atteint jusqu’à 1,10m, répond au parti paysager : « Point d’attraction urbaine à l’entrée du parc, elle y jette un trait de lumière », développe le paysagiste.

Comme à Nantes, la forme organique facilite la diversité d’usages et la mixité générationnelle. Au centre du bassin de Pantin, la cascade sépare lesfonctions de baignade et d'invitation à la contemplation, tout en conduisant les eaux vers l’espace de décantation et le jardin aquatique. Les deux projets s’appuient sur la même ingénierie hydraulique : le bureau d’études Diluvial. Les deux paysagistes mandataires rendent hommage aux trésors d’expertise dissimulés dans les locaux techniques à peine perceptibles, fondus dans l’aménagement.

Des coûts maîtrisés

A elles seules, les plantes ne suffisent pas à l’épuration du site de Pantin. Le traitement aux UV complète la filtration du bassin qui accepte un maximum de 95 baigneurs simultanés, soit jusqu’à 500 bains/jour, surveillés par quatre maîtres-nageurs, six jour sur sept. « Ce process n’entraîne pas de gros surcoût, par rapport à des produits chimiques », assure Mirjam Rudin, adjointe au maire. La ville consacre 200 000 €/an à l’entretien de la baignade, 70 000 à l’alimentation en eau et aux toilettes, et 100 000 € à la sécurisation et au nettoiement du bassin de 730 m².

L’attention des collectivités converge vers Pantin, en raison de la rareté des références de piscines sans traitements chimiques. Dans le cadre d’études sur la réouverture à la baignade du bassin du parc Jean Verlhac dessiné par Michel Corajoud, la ville de Grenoble a visité le parc Diderot.

Ultimes retouches

La fontaine ludique nantaise pourrait, elle aussi, devenir une source d’inspiration. Pour maintenir la baignade dans 15 pataugeoires à rénover, la métropole affine sa réflexion technique : à Saint-Herblain, la phyto-épuration se heurte à des difficultés de gestion. Dans la ville centre, les baigneurs ont bouché des regards d’infiltration, pour retrouver la profondeur du bassin, après sa transformation en un espace de jeux d’eau. « D’où l’intérêt d’une approche mixte, mêlant jeu et baignade », souligne Virginie Michaud. Paris réfléchit à dupliquer ce modèle pour la remise en eau de la fontaine du parc de Belleville.

De son côté, Ghislain de Larouzière prépare la toute dernière tranche de travaux, sur le site de Pantin, entré en chantier en 2017, pour un total de 9 M€ de travaux : il manque encore un city stade et une lisière arbustive, conditionnés par l’issue d’une dépollution en cours. Leur livraison, à la fin de cette année, donnera sa touche finale à la vue offerte par l’agence Péna aux habitants du quartier prioritaire des Quatre chemins, depuis le belvédère central du parc de 2 ha, sculpté avec les déblais issus du creusement de la piscine.

Les espaces verts parisiens prennent l’air

Première d’une série en cours de programmation, la journée technique du 12 juin, consacrée aux espaces verts dans les quartiers populaires, se place sous le signe du décloisonnement. Pour l’organiser, l’association des services territoriaux d’espaces verts Hortis s’est jointe à la direction des espaces verts et de l’environnement (Deve) et au Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de la ville de Paris.
Responsable adjoint de l’Agence d’écologie urbaine de la Deve, Thomas Perez-Vitoria a servi d’interface entre ces trois entités. « Les recherches menées par nos services méritent d’être mieux connues. A l’inverse, nos ingénieurs gagneront à se nourrir des expériences d’Hortis », souligne-t-il.
L’association consacrera son prochain congrès à l’écologisation des pratiques jardinières, du 22 au 24 octobre prochain à Marseille.

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