Grues à tour, pelles hydrauliques et chargeuses à perte de vue. Bienvenue au salon Bauma, plus grande foire mondiale dédiée aux machines de construction. Cette année encore, du 7 au 13 avril, l'événement munichois (Allemagne) tient sa promesse de démesure avec ses milliers d'exposants, ses centaines de milliers de visiteurs et ses stands grands comme des quartiers.
Pour cette édition 2025, fabricants et entreprises utilisatrices d’engins rêvaient de s'offrir une bulle d'air, après avoir souffert de trois années de ralentissement de l'économie allemande. Une respiration permise par le nouveau Chancelier : Friedrich Merz a en effet annoncé un plan d'investissement de 500 milliards d'euros pour développer les infrastructures germaniques.
Une crise annoncée
Ça, c’était avant. Avant que Donald Trump ne vienne jouer les trouble-fête en mettant ses menaces de guerre commerciale à exécution. 10 % de droits de douane pour les biens européens aux frontières des USA, puis 20 % et finalement 10 %. Pour la Chine, il est désormais question de 145 %.
Après les crises du Covid, des semi-conducteurs et de l'énergie, l'industrie se prépare à absorber le choc des décisions erratiques de l'hôte de la Maison Blanche.
Dans les allées, certains ont déjà abandonné l'idée de comprendre sa logique. Tous, par contre, anticipent a minima d’importantes perturbations du marché, causées par ce jeu de poker menteur qui ne pourra aboutir qu'à une hausse des prix. Aucun, en revanche, ne se risque à tirer des conclusions stratégiques immédiates.
Des acteurs déboussolés
A ce stade, et alors que la situation varie d'heure en heure, il apparaît effectivement impossible d'anticiper l'impact potentiel sur les activités de chacun. Bien sûr, les industriels qui disposent d'usines aux Etats-Unis semblent être mieux lotis que les importateurs pour continuer d’exister sur ce marché. Pour autant, eux aussi n'arriveront pas à contenir la hausse des coûts de fabrication de leurs produits, dont nombre de matériaux et composants devront continuer de franchir les frontières.
De quoi inquiéter également les constructeurs américains qui, par ailleurs, continuent de regarder avec appréhension les réactions de l'Europe et surtout de la Chine.
Même si l'administration américaine semble faire machine arrière sur le projet de taxer à 20 % les produits européens, il va falloir s’adapter. Oui, mais comment ? Une question à laquelle peinent encore à répondre les fabricants de matériels habitués à bâtir leur stratégie dans le temps long de l'industrie, tandis que Donald Trump s’inscrit lui dans l’instantanéité d’un post sur X.
S'implanter aux USA ?
Exception faite des acteurs qui avaient déjà prévu de s’implanter ou de croître aux USA avant les annonces sur les « tariffs », aucun exposant non américain interrogé n'envisage pour l'heure, et ce malgré les appels du pied de Trump, d'investir des millions pour se doter d'un outil industriel outre-Atlantique qui ne sera pas opérationnel avant plusieurs mois, voire années.
Même ceux qui disposent déjà d’usines d’assemblage sur le territoire, et auraient pu être tentés par l'intégration verticale pour limiter leur dépendance aux exportations, considèrent un tel mouvement comme trop aventureux et prématuré dans un contexte à ce point volatile.
Au final, une seule certitude demeure : c'est bien le consommateur - en l’occurrence l’entreprise de travaux - qui devra payer l’addition ou décider de s’abstenir. La filière est unanime, les marges sont bien trop faibles sur le marché des matériels de construction pour que les fabricants puissent absorber ne serait-ce qu'une partie d'une augmentation des tarifs douaniers.
En attendant que les négociations politiques s’achèvent et que la poussière retombe, les professionnels ont au moins profité de Bauma pour se compter, prendre conscience de leur force et, peut-être, conclure les affaires à saisir avant que les prix n’évoluent et que la parenthèse munichoise ne se referme.