Aller vers une eau potable plus pure, sans calcaire, sans chlore ni micropolluants et ainsi anticiper la réglementation. Tel est l’objectif ambitieux que s’est fixé le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif).
Pour l’atteindre, l’organisme mise sur la filtration membranaire par osmose inverse basse pression (OIBP). Le déploiement de ce procédé à grande échelle, c'est-à-dire sur l’ensemble du réseau du traitement des eaux de rivière représente « une première mondiale », pour Christophe Perrod, directeur général des services techniques du Sedif.
L’organisme dispose de sept usines en Ile-de-France, dont les plus importantes sont celles de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) et Choisy-le-Roi (Val-de-Marne). Gérées par Veolia Eau Ile-de-France, leur production moyenne représente 300 000 m3/j d’eau potable chacune, avec une capacité maximale qui peut atteindre les 600 000 m3/j. Actuellement, des unités pilotes permettent de tester la technique de l’osmose inverse base pression sur différents sites, comme à Neuilly-sur-Marne, où ce dispositif est installé depuis juin 2018. Les essais doivent se poursuivre jusqu'en juin 2020.
Les eaux de surface seront traitées par osmose inverse
Rappelons que les procédés de filtration membranaire consistent à faire passer de l’eau à forte pression à travers une membrane aux pores resserrés qui ne laissent passer, dans l’idéal, que les molécule d'H2O. Le procédé d’osmose inverse basse pression présente la particularité d’utiliser une membrane au seuil de coupure très élevé. Ce qui signifie qu'elle ne laisse passer que les plus petites molécules dont la taille est comprise entre 0,001 et 0,0001 μm, avec une pression qui ne dépasse par les 15 bars. Cette solution retient des micropolluants comme des résidus médicamenteux ou des perturbateurs endocriniens. Ces membranes de filtration sont couramment utilisées en dessalement d’eau de mer. Elles sont donc produites de façon standardisée et relativement massive par plusieurs industriels, ce qui en fait une solution économiquement intéressante.

« L'innovation réside dans l'utilisation de l'osmose inverse basse pression pour le traitement des eaux de surface », indique Adrien Richet, chargé d’études pour le Sedif. Par opposition aux eaux souterraines, les eaux de surface, comme les rivières par exemple, se trouvent en contact direct avec l’atmosphère. Elles sont donc exposées à de fortes variations de qualité en fonction des saisons et donc des taux de concentration en matières organiques. L'agriculture, les rejets industriels et domestiques jouent aussi un rôle dans ces modifications. Dimensionner le dispositif d'osmose inverse basse pression et bien choisir son emplacement constituent donc des points clés.
L’osmose inverse comme traitement d’affinage
Sur le site de Neuilly-sur-Marne, le point de traitement a déjà été choisi. « On va l’installer comme traitement d’affinage, en bout de chaîne de la filière existante », explique Adrien Richet. L’eau, traitée par charbon actif puis désinfectée par rayons UV y sera déjà de très bonne qualité, suffisamment propre pour passer au travers des membranes d’osmose inverse.
Car l’autre problématique à gérer est le colmatage de ces dernières. « Au cours du traitement, il reste une eau de plus en plus chargée en composés minéraux, organiques et microbiologiques que l’on appelle le concentrat et dont les précipités risquent d’obstruer la membrane. Plus la filtration est fine, plus la pression augmente, ce qui consomme beaucoup d'énergie, d'où la nécessité de trouver le bon équilibre » explique Cédric Feliers, responsable Etudes R&D chez Veolia Eau d’Ile-de-France.
Le concentrat est ensuite traité puis rejeté à la rivière, tandis que l’eau épurée, le perméat, sera reminéralisée en post-traitement avant d’arriver aux robinets.
Calendrier de mise en œuvre
En parallèle des unités pilotes, une première installation est déjà en cours sur la plus petite usine du syndicat des eaux, à Arvigny (Seine-et-Marne). Ce chantier, d'un budget total de 34 millions d'euros HT va se poursuivre jusqu'en 2022. Ce n'est qu'à ce moment-là que les habitants des communes voisines d'Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge, Villeneuve-le-Roi, Rungis et Ablon-sur-Seine bénéficieront de cette eau particulièrement épurée.
Par ailleurs, un marché de conception/réalisation pour la réalisation de la solution membranaire est en cours d’attribution, ainsi qu’un marché de travaux pour la pose de la canalisation et la création d’un ouvrage de rejet dans la Seine de 7 km de long.
Le dispositif sera ensuite généralisé sur les autres usines du Sedif, notamment celle de Choisy-le-Roi et de Neuilly-sur-Marne. Des opérations qui vont changer d'envergure avec des budgets compris entre 400 et 500 millions d'euros par unité. Leur mise en service n'est pas attendue avant 2028.
Le choix d’une filtration par osmose inverse basse pression est le résultat de nombreuses études mais aussi d’un retour d’expérience de la nano filtration en fonctionnement sur l’usine de Méry-sur-Oise (Val d’Oise) depuis près de 20 ans. Ce procédé, comparable, mais avec des membranes un peu moins performantes, avait été mis en place car la qualité de l’eau de l’Oise avait été jugée inférieure à celle de la Seine ou de la Marne. L’usine de Mery était, jusqu’alors, la seule usine du Sedif à bénéficier d’une technologie de filtration membranaire.