L’eau a scellé l’entente cordiale qui se dessine entre le gouvernement Barnier et les élus de montagne. Elu à la présidence de leur association nationale (Anem) lors de son congrès réuni les 10 et 11 octobre à Superdévoluy (Hautes-Alpes), Jean-Pierre Vigier exprime son soulagement.
Soulagement dans les bassins versants d’altitude
« Fort de son expérience et de son bon sens, le Premier ministre est revenu sur la compétence obligatoire qui devait échoir aux intercommunalités à compter du 1er janvier 2026, dans l’eau potable et l’assainissement. Nous souhaitons une adoption rapide du texte voté la semaine dernière au Sénat dans ce sens. Que les élus s’organisent comme ils le souhaitent, notamment dans les bassins versants de montagne, souvent répartis entre plusieurs départements et intercommunalités », insiste le député LR de Haute-Loire.
Un second ouf de soulagement des élus montagnards concerne l’assouplissement du Zéro artificialisation nette (ZAN), promis par Michel Barnier. « Avec sa disposition sur les discontinuités urbaines qui vise à combler les dents creuses, la loi Montagne de 1985 a organisé un juste équilibre entre respect des territoires et protection de l’environnement. Si le ZAN ignorait cette spécificité, cela reviendrait à pénaliser les bons élèves », s’inquiète Xavier Roseren, vice-président de l’Anem et député Horizons de Haute-Savoie.
Deux assouplissements pour le ZAN
Deux mesures d’assouplissement découlent de cette position de principe : les élus de montagne demandent le bénéfice de 1 hectare de terres artificialisables pour toutes les communes, même celles qui n’ont pas de plan local d’urbanisme ; d’autre part, ils souhaitent soustraire le non résidentiel du compte de l’artificialisation, afin de favoriser l’implantation des services publics et des entreprises. « Ces propositions figureront dans le texte sur le ZAN attendu au Sénat pour le 15 décembre », annonce la sénatrice socialiste des Pyrénées-Atlantiques Frédérique Espagnac, secrétaire générale de l’Anem.
Sur la même longueur d’onde que le Premier ministre dans les domaines de l’eau et du ZAN, les élus de montagne ouvrent le front plus délicat du zonage des aides de l’Etat aux territoires ruraux. Satisfaite d’avoir « sauvé » 18 000 communes inscrites dans la nouvelle famille « France ruralité revitalisations » (FRR) qui a succédé aux « zones de revitalisation rurale », l’Anem concentre désormais son énergie sur la catégorie « FRR + », réservée aux territoires intercommunaux et ruraux les plus fragiles.
Merci à l'ANCT
La nouvelle dynamique impulsée par l’exécutif renouvelé de l’Anem se traduira, en 2025, par un programme détaillé et global, inspirée par le retour d’expériences du plan Avenir Montagnes déployé par l’Etat en 2021 et 2022 avec une dotation de 300 M€ et un pilotage par l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT). « Grâce à son réseau départemental, l’ANCT a répondu au besoin d’ingénierie des petites communes de montagne », applaudit Jean-Pierre Vigier.
Mais dans l’acte III qu’elle imagine – après les lois de 1985 et de 2016 – l’Anem accorderait une place plus importante au logement. La moitié du parc recensé par ses membres appartient aux catégories énergétiques D, E et F, désignées comme passoires thermiques. « Les logements construits dans les années 1970 nécessitent des aides spécifiques », soutient le président. L’Anem souscrit à l’idée d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat (opah) adaptées à la montagne. Parmi les modèles économiques à étudier, figure le financement des rénovations énergétiques par la commercialisation de surélévations d’un étage.
Le défi du logement
Le logement pose un défi majeur : comment faire face au regain d’attractivité confirmé par le sondage Ifop d’avril dernier sur « les Français et la montagne » ? D’un côté, Frédérique Espagnac constate la difficulté à maintenir les populations qui souhaitent « vivre et travailler au pays », quand l’afflux de nouveaux arrivants entraîne un triplement du coût du logement dans son département. De l’autre et sans nier pour autant les besoins des résidents permanents, Xavier Roseren se réjouit du « réveil des lits froids » occasionné par l’explosion du marché locatif de courte durée.
Raison de plus pour donner aux territoires les moyens d’une ingénierie subtile. D’autant plus, ajoute le député du Mont-Blanc, que l’évolution climatique laisse espérer à l’économie de la neige une relative prospérité pour les années à venir : « Comme le disait ma grand-mère, il faut profiter du beau temps pour refaire son toit », conclut Xavier Roseren.