L’exemplarité environnementale du bâtiment à énergie positive ne constitue que la partie la plus visible du chantier programmé jusqu’à la rentrée 2021 dans le hameau de Laure, en lisière d’une prairie de Gignac-la-Nerthe, commune des Bouches-du-Rhône de 9 000 habitants : plus que par ses labels, l’école communale entend créer l’événement comme lieu d’apprentissage de la biodiversité et de l’écocitoyenneté.
Toitures végétales
La végétalisation des toitures reposera sur la terre naturelle qui, une fois amendée, offrira un habitat propice aux oiseaux. « Ce sera un support d’apprentissage et d’observation. Les enfants n’y auront pas accès, mais via un système de vidéo-reportage au quotidien, ils pourront observer l’évolution », précise Réné Tassy, conseiller municipal, délégué à l’environnement et au développement durable.
Les écoliers participeront à la régulation thermique et au renouvellement de l’air, dans le bâtiment sans climatisation. Les dispositifs de contrôle installés dans les classes leur permettront d’enclencher la ventilation naturelle par la manipulation des ouvrants ou la mise en route d’un ventilateur, grâce à un voyant indiquant le niveau de CO2.
Les enfants, acteurs
Ils visualiseront sur un tableau la consommation instantanée et cumulée, ainsi que la production des 280 m2 de panneaux photovoltaïques (d’une puissance de 32 kWc). Ces équipements leur permettront de vérifier que l’école mérite son appartenance à la catégorie des bâtiments à énergie positive.
« Lors du concours, l’offre pédagogique a fait la différence. D’ailleurs, la mission de suivi des consommations que nous avons confiée à notre AMO QEB comprendra un volet sensibilisation et pédagogie », rappelle René Tassy.
En écho à la stratégie régionale « Une COP 21 d’avance » qui vise la neutralité carbone d’ici à 2050 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’école devrait appeler une puissance électrique de moins de 60 kW, « soit deux fois moins qu’un bâtiment scolaire de cette dimension », souligne Robert Célaire, assistant à maîtrise d’ouvrage de la commune pour la démarche Bâtiment durable méditerranéen (BDM) : une performance d’autant plus remarquable que la cuisine mobilisera une forte puissance.
Conception bioclimatique
La conception bioclimatique rend possible ces objectifs. Les maîtres d’œuvre ont protégé de la chaleur d’été le bâtiment en structure bois (2 345 m2 de planchers) disposé sur un axe nord sud et sur deux niveaux. Tout autour, la végétation renforce la protection solaire, de même que l’isolation par l’extérieur, presque entièrement biosourcée : laine de bois dans les murs en partie courante, balles de riz dans le toit, liège pour les parties basses des murs.
Dans les salles de classes bi-orientées et abritées dans les modules, plusieurs dispositifs protégeront les enfants contre les rayonnements : des brise-soleil fixes en bois, des stores intérieurs et la végétalisation des patios. Au Nord, des ouvertures de petite taille atténueront l’impact du Mistral, tout comme le mur périphérique. Ce dernier opacifiera la façade Ouest, pour éviter la pénétration rasante du soleil en été.
Ventilation naturelle
Pour combiner la performance énergétique avec le confort thermique et acoustique, la maîtrise d’œuvre a proposé de construire les murs intérieurs en béton de chanvre, choisi pour son inertie : l’été, lorsque l’air extérieur traverse les classes à travers les fenêtres, dont plusieurs en position haute, ce matériau « éponge » les calories pour les relâcher la nuit.

L’inertie des murs en béton de chanvre contribuera à la régulation thermique du bâtiment. © Loïc Taniou
« En cas de besoin, les enseignants pourront utiliser des brasseurs d’air plafonniers et, en cas de canicule, un système de rafraîchissement dit « adiabatique », qui utilise la capacité de l’eau à absorber une quantité importante de chaleur lorsqu’elle s’évapore. Cela nous a amenés à opter pour une ventilation par insufflation », poursuit Robert Célaire, l’AMO BDM.
Le pari du coût global
Ces caractéristiques architecturales et techniques ont permis au projet d’obtenir, pour la phase conception, le niveau or de la démarche Bâtiment durable méditerranéen (BDM). Les choix de conception entraînent un surinvestissement évalué à 1,4 million d’euros, soit 18 % du montant total des travaux. « Il devrait être amorti avec les économies de fonctionnement. Surtout, cela créera les meilleures conditions d’apprentissage pour sensibiliser nos enfants à l’écologie », conclut Gabriel Pernin, premier adjoint délégué aux travaux.
L’aménagement extérieur conforte la vocation pédagogique : les trois patios végétalisés d’environ 35 m2 formeront avec les cours de l’école un havre de paix, en plus de leurs fonctions de climatiseur et de filtre de la lumière. « Nous les avons conçus comme des « petits laboratoires » chacun dédiés à une thématique : agrumes, figuiers, arbres fleuris. Cette mise en situation se poursuivra par le jardin de la biodiversité de 100 m2 », ajoute l’architecte André Berthier de l’Atelier Moncada.
Agriculture nourricière
Ces dispositions achèvent d’inscrire l’école dans le projet politique impulsé en 2015 par la commune autour de deux priorités : mettre un coup d’arrêt à toutes les formes de gaspillage et reconnecter les habitants avec une agriculture nourricière de proximité.

La cour arborée reconnectera les enfants avec la nature © Loïc Taniou
Corollaire de ces orientations, une action opiniâtre de lutte contre le détournement d’usage s’est traduite par une centaine de procès pour infraction à l’urbanisme. La commune a fini par acquérir une dizaine d’hectares de terres agricoles. Elle a retenu deux agriculteurs pour les exploiter, créé des jardins familiaux et mis en place des projets éducatifs autour du goût et de la sensibilité nutritive, de la biodiversité et l’éducation à l’environnement. L’objectif à terme est de pouvoir consommer, dans la cuisine centrale de la commune, des aliments majoritairement bio produits par les agriculteurs.