Elan : le détail du projet d'ordonnance sur l'habitat indigne, attendue pour septembre

Une police unique "de la sécurité et de la salubrité des immeubles bâtis" pour remplacer la myriade de polices existantes en matière d’habitat indigne, la procédure d’arrêté de mise en sécurité détaillée de A à Z, de nouvelles dispositions en cas d’urgence et plus de souplesse pour que les maires transfèrent cette compétence aux EPCI. Voici quelques-unes des mesures prévues par le projet d’ordonnance sur l’habitat indigne transmis au Conseil d’État en juillet 2020 et qu’AEF info a pu consulter.

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Logement insalubre
Habitat insalubre

L’ordonnance relative à la lutte contre l’habitat indigne prévue par la loi sera publiée "avant la fin septembre 2020", a indiqué la ministre chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, devant les députés de la commission des affaires économiques le 21 juillet. La date limite de publication de l’ordonnance, initialement prévue par la loi au 23 mai 2020, a en effet été repoussée de quatre mois en raison de la crise sanitaire.

AEF info a pu consulter le projet d’ordonnance "relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles bâtis" de 21 articles, transmis au Conseil d’État par le ministère de la Transition écologique, désormais chargé du logement.

Les trois objectifs de l’ordonnance Elan


L’article 198 de la loi Elan autorise le gouvernement à légiférer pour servir trois objectifs en matière de lutte contre l’habitat indigne :
- harmoniser et simplifier les polices administratives spéciales mentionnées dans le Code de la santé publique et le Code de la construction et de l’habitation ;
- répondre plus efficacement à l’urgence, en précisant les pouvoirs dévolus au maire dans le cadre de ses pouvoirs de police générale en matière de visite des logements et de recouvrement des dépenses engagées pour traiter les situations d’urgence, et en articulant cette police générale avec les polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne ;
- favoriser l’organisation au niveau intercommunal des outils et moyens de lutte contre l’habitat indigne.

Une seule police au lieu de douze

En préambule, le ministère rappelle que les préfets, les maires et parfois les présidents d’ disposent de pouvoirs de police administrative, qui leur permettent d’ordonner aux propriétaires d’intervenir sur un habitat insalubre, ou de se substituer à eux et de leur imputer les frais afférents. Mais les dispositifs sont "nombreux, complexes, et les autorités compétentes multiples" et ces régimes de polices ne permettent pas d’intervenir rapidement en cas d’urgence. Ce qui oblige parfois les maires à recourir à la police générale pour traiter ces questions, les privant des garanties attachées aux procédures administratives, et privant les occupants du droit au relogement.

Le premier article de l’ordonnance efface et réécrit le titre Ier du livre V "Habitat indigne" du , rebaptisé "Sécurité et salubrité des immeubles, installations et locaux" et composé d’un chapitre unique [1] divisé en quatre sections ("Dispositions générales", "Pouvoirs de l’autorité compétente et procédure", "Procédure d’urgence" et "Dispositions pénales").

Il prévoit d’abord qu’une police "de la sécurité et de la salubrité des immeubles bâtis" unique remplace les cinq procédures administratives prévues par le CCH et les sept procédures administratives prévues par le Code de la santé publique (CSP). Cette nouvelle police ne pourra en revanche pas être créée à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon (article 18). Elle pourra aussi intervenir sur les risques d’effondrement liés à une cause extérieure, qui relevait jusqu’à présent de la police administrative générale.

Le projet de texte clarifie l’autorité compétente pour déclencher la procédure : le préfet en cas de danger pour la santé des personnes et les maires ou présidents d’EPCI pour la sécurité des habitants.

Signalement obligatoire

"Toute personne ayant connaissance de faits révélant l’une des situations [d’habitat indigne] est tenue de signaler ces faits à l’autorité compétente", prévoit la seconde section du titre Ier réécrit.

Le projet de texte détaille ensuite la marche à suivre en matière de droit de visite et de procédure, de la préparation de l’arrêté de mise en sécurité jusqu’à son exécution (phase contradictoire préalable à la prise de l’arrêté, possibilité de demander au tribunal administratif de nommer un expert qui doit se prononcer dans les 24 heures, mesures pouvant être ordonnées par arrêté de police, droit des occupants, dispositif d’astreinte administrative, possibilité d’exécuter d’office l’arrêté, concours de la force publique).

Pour accélérer la procédure, une phase supplémentaire de mise en demeure n’est plus requise, c’est le délai fixé par l’arrêté de mise en sécurité qui prévaut pour définir quand la mesure sera exécutée. L’intervention du juge n’est désormais requise qu’en cas de démolition.

Procédure d’urgence

En cas de danger urgent, le projet d’ordonnance crée une procédure allégée, décrite dans la section 3. La procédure contradictoire est supprimée et il est possible d’intervenir dans la journée. Un maire pourra ainsi intervenir très rapidement avec cette nouvelle police, alors qu’il était contraint jusqu’à présent d’utiliser sa police générale, ce qui ne lui permettait pas de récupérer par la suite les frais engagés par la commune auprès du propriétaire, ni d’assurer le relogement des occupants, fait valoir l’exposer des motifs du texte.

Pas de changement majeur en matière de dispositions pénales selon la présentation du projet d’ordonnance : la quatrième section du nouveau titre Ier reprend celles du CCH existant. Un refus délibéré et sans motif légitime d’exécuter les travaux et mesures demandés peut être puni d’un an de prison et de 50 000 euros d’amende. Parmi les autres mesures pénales reprises dans l’ordonnance : un propriétaire risque trois ans de prison et 100 000 euros d’amende s’il détériore les locaux pour les rendre impropres à l’habitation et en chasser ses occupants quand il est visé par un arrêté de mise en sécurité, ou alors qu’il ne respecte pas une interdiction d’habiter les lieux.

Transfert des maires aux présidents EPCI

L’article 15 de l’ordonnance [2] modifie les règles en matière de transfert des pouvoirs de la police de lutte contre l’habitat indigne des maires aux présidents d’EPCI. Ainsi, il sera plus difficile pour un président d’EPCI de refuser d’exercer ces pouvoirs transférés par les maires des communes membres. Aujourd’hui, si au moins un maire de l’intercommunalité s’est opposé à ce transfert, le président d’EPCI a le choix entre exercer uniquement les pouvoirs transférés automatiquement après son élection par les maires qui le souhaitent, ou bien refuser d’exercer ces pouvoirs sur l’ensemble de l’intercommunalité. Demain, cette seconde option ne serait possible que si 50 % des maires sont opposés au transfert de compétence, ou si les maires réfractaires représentent au moins 50 % de la population de l’EPCI.

Autre changement dans la procédure de transfert de compétence de lutte contre l’habitat indigne : les maires pourront effectuer ce transfert à tout moment, et non plus uniquement au moment de l’élection du président d’EPCI, comme c’est le cas actuellement. Un maire opposé au transfert au moment de l’élection pourra donc revenir sur sa décision à tout moment, notamment si l’intercommunalité a entre-temps développé un service et des compétences en la matière par exemple.

Enfin, l’EPCI ne pourra refuser ce transfert de compétence de la part d’un maire s’il a déjà accepté de reprendre les pouvoirs de police d’un ou plusieurs maires de son territoire.

Délégation des préfets aux EPCI

Le projet de texte facilite également le cadre des délégations de pouvoirs des préfets aux présidents d’EPCI. Elles ne sont autorisées aujourd’hui que si trois conditions sont réunies : l’intercommunalité doit être délégataire des aides à la pierre, disposer d’un service dédié à la lutte contre l’habitat indigne et disposer de tous les transferts de pouvoir de police en la matière de la part de toutes les communes membres. Désormais, il suffirait qu’un seul maire ait transféré ses pouvoirs d’après l’article 16. La même disposition s’appliquerait aux présidents d’ de la (article 17).

Des mesures transitoires et finales sont prévues par les articles 19, 20 et 21, qui disposent notamment que le texte devra entrer en vigueur le 1er janvier 2021, soit très rapidement après la publication de l’ordonnance.

(1) Qui devra faire l’objet d’un décret en Conseil d’État.

(2) Les articles 2 à 14 de l’ordonnance sont des mesures de coordination, qui visent simplement à changer la numérotation des articles pour les renvois entre les différents codes concernés.

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