Europe La contrainte des « 20 »
La feuille de route énergétique du prochain Président est déjà largement écrite ou presque. Les chefs d’Etat européens se sont dotés le 9 mars d’une politique énergétique commune. Les contraintes sont telles que seule une réaction européenne semble efficace. Sur la sécurité d’approvisionnement, pour que l’Europe ne subisse pas, comme l’Ukraine, la pression russe sur les gazoducs. Sur les gaz à effets de serre, pour réduire au plus vite les émissions issues de la production de chaleur ou d’électricité. La contrainte des «20 » va servir de guide : les chefs d’Etat se sont fixé pour objectif contraignant de réduire de 20 % des émissions d’ici à 2020 et d’élever à 20 % la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. La tentative française d’intégrer le nucléaire dans ce paquet au titre des énergies non carbonées n’a pas été suivie. La tutelle de l’effet de serre pèsera lourd sur les négociations que le Président devra mener avec la Commission pour définir, filière par filière, les objectifs nationaux.
Energies douces Les clés du développement
La France n’est pas un terrain vierge d’énergies renouvelables. La production des barrages hydrauliques permet au pays d’afficher d’emblée 15 % d’électricité non polluante. Mais les possibilités d’extension sont quasi nulles, et la rénovation des ouvrages est nécessaire. Quant aux autres filières, « toutes ont décollé », se réjouit André Antolini, président du Syndicat des énergies renouvelables.
« C’est le fruit de dispositions législatives, réglementaires ou fiscales prises durant la dernière décennie, décrit-il. La loi de juillet 2005, les crédits d’impôt pour l’habitat, les tarifs de rachat par EDF de l’électricité éolienne ou photovoltaïque… tout converge ! ». Un bond tardif néanmoins qui laisse la France encore loin derrière l’Allemagne ou l’Espagne. Le frein est essentiellement administratif et la nouvelle procédure des Zones de développement de l’éolien (ZDE) est en rodage. Les autres filières profitent à plein des crédits d’impôt. « Le levier fiscal est très efficace, estime André Antolini, c’est un fléchage permettant d’orienter le choix de l’énergie ». Des pistes pour le renforcer sont possibles, en faveur des résidences secondaires et des locaux d’entreprises par exemple.
Bâtiment Réduire la consommation
Il y a deux grands postes de consommation d’énergie dans le bâtiment : la chaleur et l’électricité. Pour la première, le chef de l’Etat devra surtout veiller à la bonne application des réglementations thermiques sur le neuf et l’existant, ouvrant ainsi le chantier du siècle. Les gisements d’économies sont considérables dans le bâtiment, qui consomme 43 % de l’énergie totale. Et ceci alors que des ouvrages « à énergie positive » sont déjà sortis de terre : ils consomment moins qu’ils ne produisent ! Pour l’électricité, les mesures restent à prendre. La consommation des ménages n’a cessé d’augmenter, même en 2006, alors que la consommation globale baissait de 1 %. Des progrès importants sont à attendre des matériels électroniques et surtout du civisme des Français. Une raison suffisante pour RTE, le gestionnaire du réseau, d’appeler à la construction de nouvelles capacités de production.
Production Eviter les black-out
Mais l’urgence est d’éviter les black-out. Les délestages du 4 novembre ont créé un électrochoc. Les experts assènent qu’une augmentation de la production est indispensable. L’Agence internationale de l’énergie a même chiffré pour l’Europe des Quinze les besoins à 660 GW d’ici à 2030. C’est cinq fois le parc actuel d’EDF. En France, EDF et RTE ont pris les devant et comptent investir 12 milliards d’euros pour sécuriser le réseau. Pour le bâtiment ou les réseaux, pour maîtriser la demande ou pour sécuriser l’alimentation, le secteur du BTP sera immanquablement sollicité.
Ouverture du marchéLes Français sous la protection du tarif
Dès le 1er juillet, le gouvernement devra gérer l’ouverture à la concurrence du marché des particuliers. Pas de grand soir en perspective tant le tarif régulé est inférieur à celui du marché pour les ménages. Seuls les particuliers emménageant dans un logement déjà passé à la concurrence devront se soumettre aux prix du marché. Mais cette protection tarifaire est sous la pression d’un étau puissant. D’une part l’Union européenne qui souhaite sa suppression, d’autre part EDF et Gaz de France qui doivent investir dans leur parc de production. Un dossier très politique à gérer dès la rentrée. L’échéance sera renforcée par une décision attendue pour la fusion Suez-Gaz de France. Les deux groupes réaffirment leur volonté, c’est aux actionnaires de trancher. Et celui de GDF, c’est l’Etat !
Nucléaire Décisions en 2015
Le parc français de centrales nucléaires n’est pas inusable. Construites dans les années 1970-1980, elles ont été conçues pour trente ans. EDF et Areva estiment qu’elles peuvent fonctionner 40 voire 50 ans. La balle est dans le camp de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui décidera, lors de ses visites décennales, si elle prolonge leur exploitation. EDF a pris les devants, en lançant la construction du réacteur EPR à Flamanville (Manche). La centrale doit être achevée en 2012, puis trois ans seront nécessaires pour décider, en 2015, de la poursuite de la série. L’alternative au nucléaire est complexe. L’éolien est efficace mais doit en partie être compensé sur le plan tarifaire. Le gaz serait la ressource la plus crédible, mais les problèmes d’approvisionnement sont importants. Le charbon pourrait revenir, si la recherche sur le captage et le stockage du CO2 aboutit.


