Une sympathique image sépia mais la réalité était loin d'être glorieuse. Jusqu'au XIXe siècle, la rivière a coulé de Guyancourt, dans l'actuel département des Yvelines, jusqu'à Paris où elle se jetait dans la Seine.
Elle était cependant devenue un tel cloaque qu'au nom de la salubrité publique, on la fit disparaître. En 1935, elle avait totalement déserté la capitale, puis, dans les décennies d'après-guerre, elle fut peu à peu chassée des banlieues environnantes alors en pleine expansion.

A l'orée du nouveau millénaire, seulement 20 des 36 km de son tracé historique restaient à l'air libre. Son eau, détournée vers des collecteurs, n'aboutissait pas non plus dans la capitale, mais achevait piteusement sa course à la station d'épuration d'Achères (Yvelines). Toutefois, des mouvements associatifs réclamaient son retour. Et dès 2001, l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) avait d'ailleurs décrit un scénario pour sa renaissance mais qui n'eut pas immédiatement de suites.

D'abord une dérivation. En 2004, à Fresnes (Val-de-Marne), une dérivation a d'abord permis de libérer une partie de son débit mais ce n'était donc pas complètement la Bièvre. Il a fallu attendre 2016 pour qu'elle retrouve un écoulement véritablement naturel à L'Haÿ-les-Roses. On a, pour ce faire, cassé son carcan de béton sur 350 m. « Auparavant, les gens marchaient sur cette canalisation, sans savoir que l'eau passait sous leurs pieds », remarque Benoît Kayser qui, au département du Val-de-Marne, a piloté l'étape suivante : la remise au jour de l'eau d'Arcueil à Gentilly. Inaugurés en avril dernier, deux tronçons, représentant 600 m, ont été aménagés pour un coût de 10 millions d'euros. Aujourd'hui, la rivière se faufile entre des pavillons, coule sous le viaduc de l'A6B et se contorsionne dans les méandres façonnés au nord du parc du Coteau de la Bièvre avant de repartir sous terre.

« Paris sera la prochaine étape », assure Dan Lert, adjoint à la mairie de la capitale en charge de la transition écologique. La ville pourrait à son tour renouer avec son cours d'eau mythique sur environ 250 m, dans l'enceinte du parc Kellermann (XIIIe ).
Le projet, qui est évalué à 15 millions d'euros et pourrait être achevé en 2026, s'annonce cette fois très concret. Sans doute parce que l'époque a changé. « Dans les années 2000, l'objectif était patrimonial. Aujourd'hui, il est surtout écologique, analyse l'élu. Alors que Paris doit s'adapter au changement climatique, le retour de la Bièvre créera un corridor de fraîcheur. »

Quatre autres projets à l'étude. Le cadre définitif du projet Kellermann doit être fixé à la fin de l'été, en accord avec la Métropole du Grand Paris (MGP), en charge de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi). Hormis le parc parisien, la MGP envisage d'ailleurs quatre autres sites de remise à ciel ouvert de la rivière : à Antony, seule ville des Hauts-de-Seine où le cours d'eau circule, et dans le Val-de-Marne, à Cachan puis, de nouveau, à l'Haÿ-les-Roses et Gentilly.
Si l'urbanisation des décennies passées exclut une réapparition de la Bièvre sur la totalité de son tracé, Paris prépare tout de même le coup d'après. Alors que l'Apur finalise une nouvelle étude, quelques points supplémentaires ont été identifiés sur la carte de la capitale. La rivière pourrait, au sein d'autres jardins ou encore sur une emprise du Muséum national d'histoire naturelle, parachever le parcours de sa renaissance.