Avec le décret 2006-302 du 15 mars 2006 relatif aux installations de stockage de déchets inertes (« JO » du 16 mars 2006) et son arrêté du même jour (« JO » du 22 mars 2006), la France satisfait enfin à ses obligations communautaires. Ce décret instaure un régime ad hoc, relativement peu contraignant. Il s’inspire en partie du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et de celui du régime général de l’élimination des déchets issu du règlement sanitaire départemental type, habituellement incompatibles, mais sans satisfaire aux exigences de la démocratie participative ni aux exigences environnementales que l’on pourrait qualifier « de base ».
Seuls sont concernés par cette réglementation les exploitants des installations de stockage de déchets inertes en cours d’exploitation au 17 mars 2006 (date d’entrée en vigueur du décret), tenus de déposer une demande d’autorisation d’exploitation avant le 1er juillet 2007, « sauf si l’exploitation doit cesser avant cette date ».
Dépôt du dossier.Le dossier de demande d’autorisation, versé en quatre exemplaires au préfet, doit faire état de l’identité du pétitionnaire et de ses capacités techniques. Il doit comporter divers plans mentionnant l’environnement naturel et humain de l’installation, l’usage actuel du site prévu pour l’installation ainsi que celui des terrains compris dans le périmètre de 200 m autour du site à la date de la demande. Il s’agit là d’une lointaine réminiscence de l’obligation d’isolement prévue pour les installations de stockage de déchets ICPE.
Le dossier doit être complété d’une notice décrivant les caractéristiques géologiques et hydrogéologiques du site et la description du type et de la quantité maximale annuelle de déchets qu’il est prévu de déposer dans l’installation, leur origine, ainsi que la durée d’exploitation prévue et la quantité totale de déchets déposés pendant cette période. Aucune étude ou notice d’impact n’est prévue. Le décret renvoie simplement aux « dispositions qui seront prises pour prévenir les inconvénients susceptibles d’être entraînés par l’exploitation de l’installation et les mesures éventuellement nécessaires pour assurer la protection de la santé et de l’environnement » (article 2, 5e alinéa).
Le dossier doit enfin indiquer les conditions de remise en état du site après la fin de l’exploitation ainsi que l’accord exprès du propriétaire du terrain s’il n’y a pas identité avec l’exploitant, mentionnant à titre d’information la nature des déchets dont le stockage est prévu.
Publicité.Le public, et c’est la seule concession à la transparence, est informé du dépôt du dossier notamment par affichage en mairie. Il en va de même pour le maire de la commune d’implantation et le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’aménagement et d’urbanisme, ainsi que pour les maires des communes dont une partie du territoire est située à moins de 500 m de la future installation. Les avis doivent être formulés dans les trente jours de l’envoi du dossier. Le préfet statue alors dans les trois mois du dépôt de la demande complète (délai qui ne semble pas avoir été prescrit à peine de nullité).
Une publicité est organisée par affiche à la mairie du seul lieu d’implantation, avec publication au recueil des actes administratifs du département.
Contenu de l’autorisation.De façon assez classique, l’autorisa-tion doit mentionner : les types de déchets et les quantités maximales annuelles et totales qu’il est prévu de déposer ; la durée d’exploitation prévue ; les prescriptions que doit respecter l’installation pendant et après l’exploitation ; les obligations particulières liées au stockage de déchets d’amiante (intégrité du stockage et du conditionnement et obligation d’informer tout acquéreur du terrain en cours ou en fin d’exploitation de la présence de ces déchets, l’arrêté devant être publié à la Conservation des hypothèques aux frais du pétitionnaire).
L’exploitant est enfin tenu d’adresser chaque année au préfet un rapport sur les types et les quantités de déchets admis et les éventuels effets néfastes constatés ainsi que sur les mesures prises pour y remédier (article 5).
Curieusement, en dépit de constants rappels à l’ordre de la Cour de justice des Communautés européennes, aucun lien n’est établi avec la planification de l’élimination des déchets.
Conditions d’exploitation.Les conditions d’exploitation sont fixées par l’arrêté du 16 mars 2006. Elles doivent être reprises par l’arrêté d’autorisation, qu’il s’agisse des règles d’exploitation du site, des conditions d’admission des déchets, de la remise en état du site, ou des dispositions supplémentaires en cas de stockage de déchets d’amiante lié à des matériaux inertes. Il s’agit ici d’une demande d’autorisation et non d’un régime de déclaration impliquant une obligation de remise de récépissé de dépôt.
L’autorisation peut donc être refusée par décision motivée si l’exploitation de l’installation risque, par nature, de porter atteinte à divers intérêts qui, grosso modo, reprennent les intérêts protégés au titre de l’article L. 511-1 du Code de l’environnement en matière d’ICPE (ordre public, caractère et intérêt des lieux avoisinants, sites, paysages et conservation des perspectives monumentales…), ainsi que le défaut de capacités techniques du pétitionnaire. L’autorisation interdit également le brûlage de déchets sur le site de l’installation de stockage (article 10 du décret).
La modification des conditions d’exploitation est considérée plus sévèrement que dans le régime de droit commun des ICPE. Il ne s’agit pas de rechercher s’il y a ou non modification substantielle de ces conditions, appelant le cas échéant un simple arrêté complémentaire plutôt qu’une nouvelle autorisation : si le titulaire d’une autorisation souhaite recevoir dans son installation des types de déchets non prévus par l’arrêté d’autorisation, augmenter les quantités de déchets admissibles ou prolonger la durée de son exploitation, il doit en faire préalablement la demande au préfet. Celle-ci sera instruite dans les mêmes conditions que l’autorisation initiale.
On suppose naturellement que si ces quantités ou natures de déchets modifient le régime de l’installation, le pétitionnaire devra déposer une demande au titre des ICPE et non plus au titre du seul régime spécial « déchets inertes ».
Cette situation n’interdit pas au préfet de fixer en cours d’exploitation les prescriptions complémentaires nécessaires. Mais ici encore, seul le pétitionnaire est concerné : lui seul est appelé à formuler des observations. Le public et les maires des communes concernées sont exclus du dialogue « préfet-exploitant ».
Sanctions.Le respect des prescriptions est assuré par un jeu de sanctions pénales (amendes de 3e et 5e classes, en fonction des prescriptions auxquelles il a été manqué) et administratives. En cas de méconnaissance des prescriptions de fonctionnement, le préfet peut mettre l’exploitant en demeure de s’y conformer. Après l’avoir invité à présenter ses observations, il peut prononcer la suspension de l’autorisation par décision motivée jusqu’à la parfaite exécution de ces conditions (article 8). On peut être surpris du caractère modéré de la sanction, qui ne va pas jusqu’à reprendre l’obligation de consignation et d’exécution d’office de l’article L 514-1 du Code de l’environnement pour les ICPE, alors que rien ne s’y opposerait.
Un régime très complexe. Le décret du 15 mars 2006 a-t-il atteint son but, qui était de satisfaire les obligations communautaires ? Cela n’est pas certain, en tout cas en ce qui concerne la planification de l’élimination des déchets, la date d’application effective de ces dispositions ou la simplification du régime de l’élimination des déchets inertes. Au final, le régime est plus complexe qu’à l’origine, multipliant les polices parallèles et les croisements.
Le décret porte sur l’application de l’article L. 541-30-1 du Code de l’environnement. Or celui-ci ne concerne pas:
• les installations de stockage de déchets inertes relevant déjà d’un régime d’autorisation d’exploitation. On suppose que ces installations ressortent du régime des autorisations ICPE pour les stockages conjoints à d’autres déchets dont la gestion relève du régime des ICPE, ou des stockages de déchets inertes autorisés au titre des articles R. 442-2 et R. 442-3 du Code de l’urbanisme ou du droit minier ;
• les installations où les déchets inertes sont entreposés pour une durée inférieure à trois ans afin de permettre leur préparation à un transport en vue d’une valorisation dans un endroit différent, ou entreposés pour une durée inférieure à un an avant leur transport sur un lieu de stockage définitif, mais qui relèvent toujours du régime d’autorisation de l’article R. 442-2 C. urb.(si la durée du stockage est supérieure à trois mois), ou du régime de l’autorisation domaniale de l’article R. 442-3 C. urb. et du régime général de police de l’ordre public (dans le cas contraire) ;
• l’utilisation de déchets inertes pour la réalisation de travaux d’aménagement, de remblai, de réhabilitation ou à des fins de construction, qui ne sont sans doute plus des déchets à la suite de cet usage, mais relèvent toujours du régime décrit ci-dessus.
Désormais, le choix réside donc entre : aucun régime en particulier (hors l’hypothèse d’un risque de trouble à l’ordre public, appelant l’intervention du maire au titre de son pouvoir de police générale) ; un régime d’autorisation ICPE en cas de concomitance de stockage avec un stockage ICPE ; un stockage « Code minier » ; le régime spécial « stockage de déchets inertes » et un régime propre aux volumes, issu du Code de l’urbanisme, du moins tant que le décret d’application de l’ordonnance 2005-1 527 du 8 décembre 2005 relative aux permis de construire et aux autorisations d’urbanisme n’aura pas été fixé. Et parfois, l’application de plusieurs de ces régimes en même temps, dès lors qu’ils ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.
Par ailleurs, en cas de manquement de l’exploitant à ses obligations, l’application du régime des sanctions administratives « déchets inertes » révèle un délicat concours de polices, dans la mesure où la compétence de police spéciale du préfet au titre du régime spécial des installations « déchets inertes » n’est pas exclusive de celle que peut mettre en œuvre le maire au titre de son pouvoir de police spécial « déchets » au titre de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement (1).
Il en résulte que le préfet, a priori seul compétent pour gérer ces installations, se retrouve avec moins de pouvoir de coercition que le maire qui est pourtant exclu du régime « déchets inertes ». Cette solution ne simplifie sans doute pas la réalité d’un régime juridique qui se révèle plus complexe que celui voulu par ses initiateurs. Curieuse inscription dans l’ère de sécurité juridique récemment ouverte par le Conseil d’Etat…
d'information : Le décret et l’arrêté du 15 mars 2006 sont publiés dans les cahiers « Textes officiels » de ce numéro.