Eolien en mer : RTE aura-t-il les moyens des ambitions françaises ?

Alors que la France veut rattraper son retard dans le développement de l’éolien en mer, RTE, en charge du raccordement des parcs, s’inquiète des moyens disponibles pour opérer ce changement d’échelle.

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RTE a réalisé trois raccordements en mer. Le gestionnaire du réseau de transport électrique français devra en effectuer encore 13, selon son programme actuel.

Le tout premier parc éolien offshore français, 500 MW au large de Saint-Nazaire, a été mis en service fin 2022. Un soulagement alors que la France, qui dispose de la deuxième façade maritime européenne, est largement distancée par ses voisins, notamment le Royaume-Uni, champion mondial de l’éolien en mer, l’Allemagne, la Belgique ou encore les Pays-Bas.

Point de bascule

Mais la France accélère et veut atteindre 18 GW en 2035 avec, à l’horizon 2050, un objectif de 40 GW. « Nous sommes arrivés à un point de bascule pour accroître le développement de l’éolien en mer », analyse Régis Boigegrain, directeur exécutif interconnexions et réseaux en mer chez RTE. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, qui relie les parcs en mer à la terre, a déjà réalisé trois raccordements, ajoutant Fécamp et Saint-Brieuc à Saint-Nazaire.

Changement d’échelle

« Pour RTE, 2023 sonne l’heure de la maturité en tant qu’opérateur industriel », estime Régis Boigegrain. Le gestionnaire de réseau devrait effectuer six autres raccordements d’ici 2025 dont les trois projets flottants en Méditerranée. Mais il ne lui sera pas pour autant facile de suivre le rythme dont rêve l’Etat, qui veut multiplier les capacités par six en dix ans et faire passer le délai entre l’attribution d’un parc et sa mise en service de neuf à sept ans. « Un changement d’échelle considérable », souligne Régis Boigegrain.

Capacités limitées

C’est que la France n’est pas la seule à viser haut dans l’éolien en mer. Les marchés européens et américains ont planifié 74 GW de raccordements d’ici à 2035, or les capacités industrielles sont limitées et le marché tendu. « La ressource la plus rare concerne l’ingénierie, explique le directeur des réseaux en mer de RTE, nos fournisseurs n’ont plus le temps de faire des études avant la désignation du lauréat de l’appel d’offres, ce qui nous oblige à revoir la manière dont nous les passons. »

Tensions tous azimuts

Tensions également sur l’approvisionnement en cuivre nécessaire pour les câbles, les isolants pour ces derniers, dont le fabricant est en situation de quasi-monopole, les navires câbliers, peu nombreux et très sollicités. Tensions sur les composants électroniques nécessaires aux plateformes de conversion en mer, dont la fabrication et l’acheminement sont soumis aux aléas de la géopolitique. Tensions enfin sur les chantiers navals et les navires de levage qui seront nécessaires pour construire et mettre en place les plateformes de 20 000 t des parcs de 2 GW.

Concurrence

« Dans ce contexte, les stratégies entre gestionnaires de réseau européens relèvent parfois plus de la compétition que de la coopération », regrette Régis Boigegrain. Ainsi, comment faire face à Tennet, qui gère le réseau électrique des Pays-Bas et d’une partie de l’Allemagne, qui sature les capacités de production avec ses commandes colossales ? Fin mars, l’opérateur a attribué 23 milliards d’euros de contrats pour construire 11 stations de conversion. 

Se faire une place

RTE a, lui aussi, des besoins importants : d’ici 2035, le gestionnaire de réseau doit mettre en œuvre 6 500 km de câbles, 9 postes en mer et 13 stations terrestres, rien que pour les infrastructures à courant continu. « Les fournisseurs ne veulent pas être dépendants d’un seul client et peuvent donc nous réserver des capacités », estime Régis Boigegrain.

Standardiser, massifier, simplifier

A condition de leur faciliter la tâche. Unifier les puissances de parc – en France aujourd’hui, elles vont de 250 à 1 500 MW – permettrait par exemple de standardiser les raccordements et d’alléger les spécifications techniques. RTE veut également massifier les achats pour proposer un volume intéressant aux fournisseurs, passer avec eux des accords-cadres pluriannuels voire regrouper ces achats avec d’autres opérateurs de raccordement.

Verrous technologiques

Enfin, le raccordement des futurs parcs flottants ne pourra se faire qu’après avoir levé des verrous technologiques. « A partir d’une certaine distance des côtes, les postes électriques seront eux aussi flottants, ce qui pose des questions : comment les stabiliser ? Comment les ancrer ? Comment gérer les vibrations ? » liste Régis Boigegrain. D’autres points d’interrogation résident dans le passage à forte puissance des câbles dynamiques qui relient les éoliennes au poste. Des technologies qui sont aujourd’hui au stade de la R&D et qu’il va falloir porter à maturité industrielle.

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