Erosion du littoral : le gouvernement perçoit-il le « Signal » ?

Dans un mois, il ne restera plus rien du symbole de l’érosion côtière en Nouvelle-Aquitaine. L’immeuble d’habitations Le Signal, à Soulac-sur-Mer (Gironde), vidé en urgence de ses habitants en 2014 à cause d’une accélération de l’érosion après de fortes tempêtes, est en cours de destruction. Et les propriétaires ont été indemnisés. Mais qu’en sera-t-il pour les autres cas ? La région compte aujourd’hui 6000 logements menacés par l’érosion et peu de moyens pour agir.

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Le cas du Signal est aussi symbolique qu’exceptionnel car l’indemnisation, en 2021, des 75 propriétaires à hauteur de 70 % de la valeur des logements, a été rendue possible par une loi… limitée au cas du Signal.

L’expression « avoir les pieds dans l’eau » colle parfaitement à la situation du Signal à Soulac (Gironde) : le bâtiment de 78 appartements érigé en 1967 à 200 mètres de l’océan se situe aujourd’hui à 20 mètres de l’eau. Malgré un réensablement régulier, le pire n’a pas pu être évité. La démolition est en cours (lire encadré ci-dessous). Et ce sera sans doute le cas pour d’autres zones menacées, à savoir 126 communes classées prioritaires en France, dont 31 en Nouvelle-Aquitaine, selon une liste publiée par le gouvernement l’an dernier, dans le cadre de la loi Climat et résilience.

Des stratégies en phase opérationnelle

Dans de nombreuses stations balnéaires, dont une quarantaine impliquée dans une stratégie locale, accompagnées par le GIP littoral Aquitaine la réflexion est bien avancée. Elle est parfois même entrée en phase opérationnelle comme à Lacanau qui vient de démarrer les travaux sur son front de mer, illustration de sa stratégie basée sur la frugalité, la sobriété et la résilience qui s’accompagne d’une délocalisation des équipements publics les plus exposés (parkings littoraux, poste de secours et maison de la glisse).

Présents vendredi 3 février pour le démarrage de la démolition, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, ont annoncé le lancement d’une concertation d’un an avec le Conseil national de la mer et les littoraux afin d’évaluer les besoins en financement et de recenser les projets. « Nous n’en sommes plus là, s’étonne Camille André, chargé de mission gestion des risques littoraux au GIP Littoral, les premières études ont démarré il y a 10 ans… » Avec des impacts de 75 à 400 millions d’euros en Gironde ou de 105 millions d’euros à 1,5 milliard dans les Pyrénées-Atlantiques, selon le rapport Sensibilité à l’érosion côtière du littoral de Nouvelle-Aquitaine, réalisé par le GIP en mai 2022.

Comment financer les délocalisations ?

La question du financement reste donc entière. Aucune indemnisation n’est aujourd’hui prévue. En effet, l’érosion du littoral n’est pas considérée comme un risque naturel majeur – car prévisible - et, à ce titre, ne peut bénéficier du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Barnier. Le cas du Signal est aussi symbolique qu’exceptionnel car l’indemnisation des 75 propriétaires en 2021 à hauteur de 70 % de la valeur des logements, a été rendue possible par une loi… limitée au cas du Signal. L’Etat ne voulant pas créer de précédent. Et c’est précisément sur ce point que se heurtent aujourd’hui toutes les réflexions et stratégies sur le recul du trait de côte. Il est impossible de délocaliser les habitations et activités économiques sans pouvoir proposer une indemnisation aux propriétaires et cela limite également la visions à long terme demandé aux collectivités. Et ce, malgré l’intégration du volet de l’érosion côtière dans la loi Climat et Résilience publiée le 24 août 2021. Pourtant, dans certaines situations, le repli constitue, à terme, la seule solution viable.

Les PPA, un début de réponse

La signature de contrats de projet partenarial et d’aménagement (PPA) entre l’Etat et les collectivités apporte un début de réponse. Sur cinq PPA « trait de côte » signés, trois concernent la Nouvelle-Aquitaine : Saint-Jean-de-Luz (octobre 2021), Lacanau (décembre 2021) et Biscarrosse (signature prévue à la fin du premier semestre 2023). Dans cette commune landaise où deux villas de 22 appartements et un hôtel sont dans la même situation que le Signal, au bord de la dune, Vincent Bawedin, chargé de mission de Gestion du trait de côte et planification à la communauté de communes des Grands Lacs, estime que la situation avance. « Le PPA signé entre l’Etat, la communauté de communes et la mairie de Biscarrosse, va nous permettre de bénéficier des fonds verts pour la renaturation et la relocalisation des logements et activités. » Ainsi, 5 millions d’euros seront alloués dans le cadre de ce PPA. « C’est un début de réponse, concède Camille André du GIP Littoral, et c’est la première fois que l’Etat s’engage. Mais cela ne constitue pas une réponse systématique ; un fonds éligibles à l’ensemble des actions de gestion est attendu. »

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