ETDE se fait opérateur global dans l’énergie et les services

Spécialisé à l’origine dans l’électrification rurale, ETDE recouvre aujourd’hui tous les marchés de l’énergie « indoor » (génie électrique et thermique, facility management) et « outdoor » (services aux collectivités, réseaux électriques et numériques). ETDE s’affiche depuis l’an dernier comme le pôle énergies et services de Bouygues Construction, marquant ainsi son passage du statut d’installateur de solutions techniques à celui d’opérateur global, de l’amont à l’aval du projet. Responsable de ce repositionnement depuis deux ans qu’il est à la tête du groupe, Jean-Philippe Trin explique sa stratégie au Moniteur.

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Jean-Philippe Trin, Président-directeur général d'ETDE

ETDE a racheté pas moins de 60 entreprises entre 2002 et 2008, multipliant sa taille par quatre pour atteindre 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2007. J’ai donc travaillé ces deux dernières années à repositionner l’organisation de l’entreprise par rapport à ses principaux marchés : les villes et villages (éclairage public, sécurité, communication…), les infrastructures (énergie, numériques, transports…), le bâtiment intelligent (surtout les opérations complexes et les partenariats public-privé) et le process industriel (maintenance, « oil and gas »). Tous ces marchés ont un « driver » commun : la performance énergétique.

Quels sont les grands axes de votre stratégie aujourd’hui?

La stratégie d’ETDE se décline en quatre axes :

Le premier axe consiste à être un opérateur global des énergies et des services. Cela recouvre la conception-réalisation naturellement (éclairage public, réseaux, génie climatique et thermique, avec par exemple des datacenters, des infrastructures clés en main, des fermes photovoltaïques), mais aussi l’entretien-exploitation. ETDE, qui loge l’activité « facility management » de Bouygues Construction, a aujourd’hui en portefeuille une centaine de contrats de gestion à long terme dans le bâtiment (PPP remportés avec Bouygues Construction), l’éclairage public et le numérique. Les PPP représentent ainsi 15% de notre chiffre d’affaires en facility management (FM). Nous nous sommes fixés trois objectifs dans ce domaine : être leader des PPP en FM en France et en Grande-Bretagne, car nous avons un vrai savoir-faire avec Bouygues Construction; rester leader dans les PPP d’éclairage public en France et exporter notre savoir-faire ; poursuivre notre développement dans les grands projets de génie électrique et thermique en macro-lots techniques (data centers, salles blanches…).

Le deuxième axe nous positionne comme un acteur expert engagé dans la performance énergétique sur chacun de nos marchés. Nous allons voir nos clients avec quatre convictions en tête: l’écoute de ses besoins, le penser global, l’engagement de résultat et l’accompagnement des usagers. Nous pouvons nous appuyer sur quelques très belles références (éclairage de Paris, ministère de la Défense ou TGI de Paris…) et deux vitrines technologiques dans le bâtiment avec Australia pour le neuf (siège d’ETDE, inauguré en janvier 2011 à Montigny-le-Bretonneux) et Challenger pour la rénovation (siège de Bouygues Construction dans les Yvelines).

Notre troisième axe stratégique consiste à capitaliser sur le mix entre nos activités de grands projets (30% du chiffre d’affaires) et de fonds de commerce (70%). Ces dernières nous apportent beaucoup de récurrence de notre chiffre d’affaires. Nous avons en France et en Angleterre des maillages très denses qui nous permettent d’être proches de nos clients. Quand l’investissement local ralentit comme actuellement, cet équilibre prend tout son sens.

Enfin, dernier axe, nous tenons à conforter notre stratégie d’innovation et de R&D. A titre d’exemple, nous avons développé pendant trois ans la Citybox, qui permet de gérer de façon dynamique des candélabres voire de leur donner d’autres usages comme la mesure de la qualité de l’air, la diffusion d’informations sonores, l’installation de bornes électriques… Le logiciel Hypervision nous donne quant à lui la possibilité de collecter les informations du bâtiment à partir d’une gestion technique centralisée (GTC), de les analyser et de modéliser l’impact des usages sur la consommation. Nous travaillons aussi sur les smartgrids. Leur modèle économique n’est pas figé mais nous réfléchissons à des solutions  de stockage local d’énergie, de régulation de l’offre et de la consommation au niveau local, au pilotage du réseau à l’échelle d’un quartier…

Quelle organisation avez-vous adopté pour répondre à cette stratégie?

L’entreprise est organisée en trois branches correspondant à nos trois grands métiers : les infrastructures de réseaux (énergies et numérique) ; le génie électrique et thermique ; et le facility management. L’international est géré dans chacune des branches par des spécialistes. L’intégration très en amont de nos équipes bâtiment et facilty management nous a permis de prendre un temps d’avance. Il est très important pour nous de capitaliser sur la valeur ajoutée technique. C’est la raison pour laquelle nous avons des directions techniques très fortes (600 ingénieurs et techniciens). ETDE est aussi la filiale du groupe Bouygues qui a le plus recours à l’apprentissage, à tous les niveaux de diplômes jusqu’à l’ingénieur. Je rappelle qu’il faut environ deux ans pour former un bon technicien.

Votre pôle d’activité « process industriel » est bien plus petit que les trois autres. A-t-il vocation à être renforcé?

Ce pôle ne représente effectivement que 11% de notre chiffre d’affaires pour l’instant. Mais il est assez ancien. Nous travaillons par exemple depuis 30 ans pour Exxon Mobil en Seine-Maritime. Ce pôle est appelé à grossir, avec l’intensification de nos démarches commerciales en France et en Afrique.

Jugez-vous votre taille suffisante aujourd’hui ?

Non. Mais nous travaillons sur des marchés très porteurs, que ce soit les réseaux électriques ou numériques, la performance énergétique du bâtiment ou le facility management. Nous nous développerons donc, essentiellement par croissance endogène, de 5 à 7% par an pour parvenir à 2 milliards de chiffre d’affaires. Si des cibles complémentaires à nos métiers se présentent, nous serons opportunistes. Nous l’avons fait l’an dernier en France en rachetant l’entreprise Arca, notamment parce qu’elle avait la qualification Cisco et venait compléter l’activité d’Exprimm. Mais nous n’avons pas de cible pour l’instant en Europe. Et ailleurs, les prix sont encore élevés.

Quelles sont vos ambitions à l’international ?

Avec 71% de notre chiffre d’affaires réalisé dans l’Hexagone, la France reste notre principale zone d’activité. Mais le volet international est bien présent sur tous nos marchés, qu’il s’agisse des villes, des infrastructures, du bâtiment ou du process industriel. Plus que des acquisitions, le groupe, qui privilégie les marchés porteurs et les zones à forte valeur ajoutée, regarde des projets au Canada , au Koweit et en Asie.

Comment se situe votre carnet de commandes ?

ETDE avait 3,7 milliards d’euros de commandes en carnet (contre 3,1 en 2010) à fin 2011. La prise de commandes a progressé de 10 % en 2011 à 2,2 milliards d’euros. Notre portefeuille, qui comprend aussi les affaires probables, atteint 4,6 milliards.

Comment se portent les marchés sur lesquels vous intervenez?

La commande publique, qui représente près de 42% de notre chiffre d’affaires, ralentit dans les infrastructures de réseaux depuis le début de l’année, après une fin d’année 2011 très dynamique. Certaines attributions, notamment dans le numérique, sont retardées. Mais les villes tirent encore le marché, grâce aux appels d’offres en éclairage public. Un marché qui présente l’avantage de rentrer dans les services aux collectivités. Et puis, certains maîtres d’ouvrage comme RTE ou ERDF continuent d’investir. Ces deux maîtres d’ouvrage représentent pour nous 160 millions de chiffre d’affaires annuel. La situation pourrait toutefois s’aggraver si les modalités financières du Fonds d’amortissement des charges d’électrification (Facé), qui apporte une aide financière aux collectivités concédantes qui développent les réseaux de distribution d’électricité en zone rurale, changent. Nous restons donc vigilants.

Pour le reste, le génie électrique est notamment tiré par les contrats remportés en groupement interne. Pour l’instant, le marché industriel, s’il n’est pas très dynamique, n’a pas décroché. Le tertiaire donne peu de nouveaux bâtiments à construire. Mais nous avons quelques très grands projets à réaliser en tant qu’ensemblier, qui nous mettent à l’abri en termes d’activités (TGI de Paris sur 27 ans pour 350 millions, QG de la gendarmerie canadienne sur 25 ans …).

La concurrence reste-t-elle vive ?

Oui la concurrence est très forte depuis trois ans. La tension sur les prix ne s’aggrave plus, mais la situation ne s’améliore pas.

Quel jugement portez-vous sur le marché des PPP?

Il est devenu très compliqué de faire des PPP du fait des schémas de financement et de garantie que les banques nous demandent. Cela dit, il reste financièrement plus intéressant pour les collectivités d’externaliser que de faire elles-mêmes, en particulier pour l’exploitation. Si l’on ne nous demande plus de financer, nous proposerons d’autres formes de contrats. Ce n’est pas nous qui décidons. Notre valeur ajoutée est avant tout dans la technicité.

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