Comparaison n'est pas raison. Euralille n'est pas un quartier d'affaires comme les autres. Cela tient à la spécificité de l'agglomération lilloise dont la ville-centre n'est pas hégémonique. De la même façon, la carte de l'immobilier de bureaux y est multipolaire. Euralille ne concentre pas l'offre locale comme le font ses compétiteurs, la Part-Dieu à Lyon et Euroméditerranée à Marseille. En 2013, la « turbine tertiaire » lilloise, inventée par Pierre Mauroy, a toutefois doublé sa part de marché par rapport à 2011 et 2012 en cumulant 22,1 % des mètres carrés commercialisés sur Lille-Métropole, soit 31 355 m2.
Euralille lui-même est multipolaire. A Euralille 1 (90 ha), berceau du projet construit dans les années 1990 autour des gares Lille-Flandres et Lille-Europe, est venu se greffer, au cours de la décennie suivante, Euralille 2 (22 ha), prolongation du quartier vers le sud. Aujourd'hui, le secteur de la Porte de Valenciennes (16 ha) et la friche Saint-Sauveur (23 ha) viennent compléter l'opération. Cette double multipolarité a pour principale conséquence une politique de développement empreinte de malthusianisme. Les loyers d'Euralille sont bas. La barre des 200 euros HT/m2 par an y a été franchie il y a trois ans seulement avec des disparités importantes selon l'emplacement : 220 euros HT/m2 par an pour la récente tour Euravenir à Lille-Europe contre seulement 170 euros HT/m2 par an pour l'immeuble Irisium sur la ZAC Euralille 2. La promotion perçoit toutefois cette étiquette « low cost » comme un atout, convaincue qu'un jour ou l'autre, la géographie très avantageuse de Lille (Paris à 1 h, Londres à 1 h 15 et Bruxelles à 35 minutes) finira par se venger de l'histoire. La SPL Euralille, cabine de pilotage du quartier pour les commanditaires que sont Lille Métropole, la Ville de Lille et la Ville de la Madeleine, veille d'ailleurs à ce que ce marché raisonnable et non spéculatif perdure, car il correspond parfaitement aux caractéristiques d'un site leader régional - Euralille n'héberge pas de grands sièges sociaux. L'urbanisation du quartier se veut donc maîtrisée. On s'y attache à ne pas construire trop de surface : 300 000 m2 à ce jour et 100 000 m2 supplémentaires dans les 15 ans à venir, dans le seul objectif d'entretenir une dynamique. Car Euralille est à une charnière. La ZAC initiale arrivera à son terme au 31 décembre 2015. La perspective, c'est désormais Euralille 3000, projet d'intensification et de régénération du quartier, les réserves foncières existant pour densifier et atteindre les seuils de masse critique. Ainsi les nouveaux programmes de bureaux vont-ils, pour la plupart, venir renforcer le cœur du quartier. Citons l'opération Ekla (14 823 m2 dans un programme mixte de 26 544 m2, Icade avec Lipsky + Rollet). La structure et le périmètre d'Euralille 3000 seront arrêtés au premier semestre 2015. Mais l'on sait déjà qu'après quatre ans de travail avec Isabelle Menu, Euralille a l'ambition de sortir du cadre strict du quartier d'affaires pour devenir un « hyper-hub » de centre-ville, avec logements (100 000 m2), commerces (un projet d'hôtel de standing est porté par Nacarat et l'enseigne Mama Shelter) et intervention sur les espaces publics, jusqu'à présent par trop délaissés. Quand, il y a vingt ans, OMA voyait les choses d'en haut, l'agence Gehl, retenue pour la maîtrise urbaine du projet Saint-Sauveur, ramène aujourd'hui le projet à échelle humaine. Cette tendance se retrouve dans la mise en place d'un comité de gestion de site, qui réunit les acteurs du quartier, dont la SNCF et le centre commercial.




