Finances locales : le rapport en trompe l’œil de la Cour des comptes

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes des finances locales : fondé sur les chiffres disponibles à la fin 2021, le fascicule 1 du rapport annuel de la Cour des comptes dresse un tableau idyllique de la situation financière des collectivités territoriales...Au point de donner une impression d’irréalité : quatre mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’impact de la hausse des prix de l’énergie ne figure pas dans le bilan publié ce mois-ci.

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Investissement local
Derrière 2019, l'exercice 2021 se situe en seconde position des 10 dernière années, pour les investissements des collectivités territoriales.

L’excédent de 4,7 milliards d’euros a permis aux responsables financiers des collectivités locales d’aborder l’année 2022 avec le sourire. « Toutes les catégories de collectivités ont bénéficié, à des degrés divers, de cette embellie », écrit la Cour des comptes dans le fascicule 1 de son rapport annuel sur les finances publiques locales, publié en juillet 2022.

Les magistrats s’inquiètent de la tentation de la thésaurisation à laquelle succomberaient certaines administrations.

France Relance a stimulé l’investissement

L’investissement des collectivités s’est pourtant redressé avec un temps d’avance sur le tempo habituel du cycle électoral : sur les neuf derniers exercices, l’année 2021 occupe la deuxième position par le montant des dépenses réelles dans ce domaine, soit 63,5 milliards d’euros au lieu de 64,7 pour l’année record de 2019.

France Relance a joué son rôle de stimulant, comme en témoigne le bond réalisé par les crédits de paiement, au cours de l’année pré-électorale : 1,9 milliard d’euros au lieu de 716 millions d’euros en 2020. Les autorisations d’engagement semblent flécher une poursuite de la tendance pour les années à venir, avec un total de 4,5 milliards d’euros.

Spectaculaire boom des mutations

Pour le bloc local, l’embellie de 2021 fait suite à une année de dégradation relative des équilibres financiers. Pour les  régions, la Cour des comptes identifie plutôt la poursuite d’une tendance « ponctuellement interrompue en 2020 ».

La courbe des investissements traduit cette continuité avec une dépense qui est passée progressivement de 9,15 à 13,4 milliards d’euros entre 2016 et 2021. Les comptes des régions ont grandement bénéficié de l’accord signé le 28 septembre 2020 avec l’Etat pour neutraliser la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Parmi les trois familles de collectivités, les départements présentent la trajectoire la plus atypique : l’effet d’aubaine du boom des droits de mutation amène 3 milliards d’euros dans les caisses, soit un bond de 27 % sur un an. L’investissement départemental augmente de 10 %, soit plus 1 milliard d’euros. Mais le spectaculaire redressement cache une fragilité : les recettes dépendent de plus en plus de la conjoncture économique, depuis le remplacement du produit de la taxe sur le foncier bâti par une fraction de TVA.

Décalage conjoncturel

La conjoncture ne devrait pas tarder à rattraper les budgets des autres familles de collectivités. Président délégué de Villes de France, le maire de Bourg-en-Bresse Jean-François Debat n’a d’ailleurs pas manqué de rebondir sur le rapport de la cour des comptes, le 12 juillet lors de la clôture du congrès annuel de son association : « En théorie, on peut nous renvoyer la situation saine des collectivités, au 31 décembre 2021. Depuis, le prix de l’énergie a doublé ou triplé, et certains marchés publics se négocient à 60 % au-dessus des prix estimés, sans parler de l’impact de l’augmentation du point d’indice des agents », a rappelé l’élu.

Le retournement conjoncturel s’ajoute au point d’interrogation suscité par le projet de loi de programmation des finances publiques : comment les collectivités contribueront-elles au redressement des comptes de la nation ? La Cour encourage les parties prenantes à utiliser le levier de l’autofinancement : grâce à leur épargne, les riches pourront continuer à investir.

Casse-tête

Mais les Sages recommandent aussi de corriger les disparités territoriales par des mécanismes de solidarité. Puisse le législateur mettre à profit les vacances pour trouver la voie de l’intérêt général, et peut-être aussi pour imaginer la traduction budgétaire de la récente injonction présidentielle à la sobriété.

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